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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 13:26

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article "ne boudons pas la tombe de la famille de Jésus à Talpiot" et des articles précédents de la série "le tombeau de Talpiot"). L'article présent a été publié dans les Actualités unitariennes du mercredi 27 juin 07 et transféré ici.

Talpiot se trouve entre Jérusalem et Bethléem, là où Luc nous dit que Joseph emmena sa famille pour le recensement. Dans ce cas Bethléem ne serait pas seulement qu’un lieu symbolique, une façon de nous dire que Jésus est bien de la lignée de David et donc éventuel candidat à la royauté, mais AUSSI une réalité historique concrète.


Le chevron qui surmonte l’entrée du tombeau, avec un point au milieu de sa base, intrigue. Ni le poisson, ni l’agneau, ni la croix n’étaient encore l’emblème des premières communautés. Pas de triomphalisme car le mouvement était naissant et pas toujours bien accepté (du moins certains éléments comme les " hellénistes " et Paul ne l’étaient pas du tout), mais néanmoins un signe bien distinctif car il s’agissait bel et bien d’une nouvelle secte au sens juif de l’époque, parfaitement repérable ne serait-ce parce que les chrétiens prolongeaient le sabbat par les agapes dominicales.


L’affirmation de la Résurrection, chez Pierre et chez Paul, a-t-elle occulté cette référence au tombeau de Jésus ? On en serait alors resté au premier tombeau, celui que Joseph d’Arimathie prêta (donc temporairement) à la famille éplorée et où aurait eu lieu l’événement miraculeux qui requinqua les disciples désemparés. Le culte des morts n’étant pas pratiqué par les juifs, le " vrai " tombeau de Jésus – le définitif – ne fit pas l’objet de pèlerinage et tomba dans l’oubli lorsque les hébreux durent quitter la ville en 135.


Les deux tombeaux ne sont d’ailleurs pas exclusifs l’un de l’autre : Matthieu (Mt 28, 15) ne nous dit-il pas que le bruit circulait en ville comme quoi les disciples avaient caché le corps de leur rabbi.

 
Mieux, chacun de ces tombeaux a laissé une trace archéologique ; pour le premier, le Suaire de Turin (qui, nonobstant une analyse au carbone 14 au résultat discordant, reste toujours l’énigme d’une empreinte corporelle " imprimée " sur un linceul de lin, et dont les traits correspondent en tout point au récit de la Passion), le tombeau de la famille de Jésus pour le second.

Au lieu de rejeter les travaux des uns et des autres, tous ceux qui s’intéressent à Jésus feraient mieux d’étudier ce qu’ils ont de concret sous la main pour mieux connaître le personnage historique auquel ils se réfèrent et de louer le Ciel d’avoir, enfin, des restes (probables) de l’être qu’ils aiment.  Lorsqu’on aime quelqu’un, ne cherche-t-on pas à mieux le connaître ?

Evidemment, certains croyants, sans doute masochistes, estiment que rien ne vaut la foi pure, ce grand acte de confiance aveugle dans des choses parfois fort mystérieuses pour notre raison, et qui ressemble à un saut de parachutisme dans le vide. Je me souviens d’un dominicain qui s’était réjoui fort bruyamment lorsque l’analyse du Suaire de Turin par le carbone 14 n’avait pas donné les résultats escomptés. C'était pour lui d'un grand soulagement. Il oubliait, dans son élan de foi sublime, que cette nouvelle donne n’annulait pas du tout les constats précédents et qu’on ne pouvait en revenir à la première hypothèse (facile) qui consistait à imaginer un brave peintre du Moyen Âge en train de s’échiner à peindre sur du tissu, à la commande, une vénérable relique. 

Fort heureusement, les faits sont là et têtus. Il nous faudra sans doute du temps pour arriver à les comprendre, mais le pire serait de les rejeter sous le prétexte qu’ils n’entrent pas dans les cadres habituels de notre époque. Avec la vitesse vertigineuse de nos techniques et connaissances scientifiques, l’avenir nous réserve assurément bien des surprises. Alors ne laissons pas passer les occasions d’avancer dans nos connaissances grâce aux traces archéologiques fussent-elles ténues et difficiles à déchiffrer. 

Voir nos articles précédents : "Y-a-t-il une affaire de la tombe de Jésus ?" (31 mai 07), "A Talpiot ou ailleurs, les ossuaires judéo-chrétiens sont classés ... sans suite" (31 mai 07), "Ne boudons pas le tombeau de la famille de Jésus à Talpiot" (27 juin 07).

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 12:09

par Jean-Claude Barbier ( à la suite de l'article "à Talpiot ou ailleurs, les ossuaires judéo-chrétiens sont classés ... sans suite" et des articles précédents de la série "le tombeau de Talpiot"). L'article présent a été publié dans les Actualités unitariennes du mercredi 27 juin 07.

Que de critiques adressées à l’enquête de l’archéologue canadien Simcha Jacobovici ! Or ce dernier, contrairement à ses détracteurs de tout bord, ne ferme nullement les portes par des conclusions sans appel, mais au contraire les ouvre. Ce sont autant de pistes de recherche et le dossier est loin d’être clos. Encore faut-il que les commentateurs ne les ferment pas précipitamment par trop de prudence, par manque de passion, par dogmatisme aussi. Tout le monde y a été de sa plume, parfois avec une suffisance ... toute "pharisienne". 


Joseph d'Arimathie qui prêta son tombeau, sis à Jérusalem, pour y déposer le corps de Jésus le temps du sabbat (photo vue sur le site de l'Eglise orthodoxe celte).


Durant un siècle, jusqu’en 70 (prise de Jérusalem qui s’était révoltée et ruine du Temple), les Juifs ont adopté la coutume de caveaux familiaux creusés dans les falaises. On en a ainsi retrouvé pas moins de 900 lors des fouilles menées dans la banlieue de Jérusalem jusqu’en 1981. 20% des ossuaires portaient des inscriptions, dont ceux qui nous concernent ici.


Une chambre centrale dispose d’un lit en terre où l’on allonge le cadavre ; puis, lorsqu’il ne reste plus que ses os et qu’un autre cadavre est en attente, on dépose les os dans des ossuaires individuels, disposés tout autour dans des niches (appelées korim = four) avec, souvent, une inscription utilitaire sous forme de graffiti afin de les identifier. Certains sont ornés comme celui du Grand prêtre Caïphe.


Dans ce tombeau sis à Talpiot et qui pourrait bien être celui de la famille de Jésus, on a retrouvé 10 ossuaires disposés dans 6 niches. Bien que les prénoms aient été courants à l’époque (par exemple le nom de Jésus est inscrit sur 71 ossuaires), le fait qu’on puisse établir un lien entre les inscriptions de ces ossuaires et les personnages dont nous parlent les évangiles est assez troublant. Chacun de ces liens reste bien entendu à discuter, mais admirons quand même le beau tir groupé.

1 - " Yeshua bar (= fil de) Joseph " : çà commence bien puisque seuls 3 ossuaires sur les 900 répertoriés portent cette inscription ! Ici, elle est écrite en araméen.

2 - " Maria ", écrit en lettres hébraïques mais prononcé à la romaine – ce qui est rare - car en hébreu, c’est Myriam.

3 - " Matthia ", qui est un diminutif de Mattyaou = notre " Matthieu " ; c’est un nom fréquent de la famille de Jésus si l’on en croit la généalogie de Jésus selon Luc où il y a pas moins de 6 " Matthieu "

4 - " Josah ", diminutif de Joseph qui équivaut en français à José ; c’étaient les diminutifs qui, selon la loi juive, étaient utilisés pour les identifications funéraires ; or c’est ce diminutif que Marc utilise à propos d’un des frères de Jésus.

5 – " Mariamene e Mara ", Mariamene serait un diminutif de Myriam. C’est sous cette appellation que Marie-Madeleine de Magdala est citée dans les Actes de Philippe, écrit apocryphe certe tardif, du IV° , mais qui a pu reprendre une tradition orale antérieure. Mara renverrait à un titre équivalent de " seigneur " ; ce titre est conservé dans l’Eglise arménienne sous la forme " Mar ". L’inscription est en grec ; Magadala était une cité commerçante où l’on parlait le grec et l’araméen et les prénoms étaient revus en conséquence. Un grattage de la patine de l’ossuaire a permis une étude ADN qui, bien que limitée à cause des maigres restes qui ont pu être prélevés, n’en indique pas moins que cette " Marie-Madeleine " n’est pas consanguine à Jésus ; serait-elle donc alors épouse pour justifier de sa présence en ces lieux ?

6 – " Jehuda bar Jeshua " en araméen :  un fils de notre Jésus ? S. Jacobovici émet l’hypothèse que ce serait le " disciple bien aimé " dont parle Jean ; ce serait finalement à lui que Jésus s’adressa du haut de sa croix et non pas à Jean l’apôtre : " femme contemple ton fils ". Dès lors, on comprendrait mieux l’attitude familière de ce disciple qui, lors de la Cène, met sa tête sur la poitrine du maître (pour ceux qui ne sympathisent pas avec cette hypothèse, on peut en émettre une autre : une relation homosexuelle entre Jésus et l’un de ses disciples !). L’ossuaire a été décoré et laisse supposer que ce fils, sans doute tenu caché à cause des évènements, était l’espoir de la communauté.

7, 8 et 9 - sans inscription

10 – " Jacques fils de Joseph ", avec sans doute en rajout " frère de Jésus ". Il a été inventorié lors de la découverte du site, puis il est réapparu en octobre 2002 chez un collectionneur qui dit l’avoir acheté chez un antiquaire arabe quelques 10 ans auparavant, ce qui correspond bien à la date des fouilles, 1980. L’ossuaire était donc absent lors de la réouverture du tombeau par S. Jacobovici. La composition chimique de sa patine s’avère semblable à celle des autres ossuaires du tombeau.


Tout cela reste encore à étudier, mais nous avons là, indéniablement, une piste avec des éléments intéressants. Poursuivons là en toute sérénité et allons jusqu’au bout ! Si elle s’avère fausse, le monde ne s’en écroulera pas pour autant et il sera alors temps d’avancer une autre hypothèse. Ainsi va la connaissance scientifique loin des fureurs impulsives de ceux qui ne supportent pas les travaux, pourtant argumentés, des autres.


Voir aussi le point de vue de Michel Benoît sur son blog (en lien avec l’AFCU) :
La critique du film de James Cameron ", dimanche 17 juin 07, et " Le tombeau de Jésus, réalité ou supercherie ? suite ", vendredi 22 juin 07.

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 11:58

par Jean-Claude Barbier (suite à l'article précédent "y a-t-il une "affaire" de la tombe de Jésus ?", dans la série "le tombeau de Talpiot"). Le présent article a été publié le jeudi 31 mai 07 dans les Actualités unitariennes.

Un ossuaire a été découvert en 1941 avec l’inscription gravée " Alexandre fils de Simon " sur un côté, à la craie sur un autre côté les deux noms l’un au dessous de l’autre (ce qui laisse supposer que les ossements des deux personnes citées ont été mis dans l’ossuaire), avec " Cyrène " sur le couvercle et, en prime, sur un côté, un chevron vert. Il se retrouve au fin fond d’un bureau universitaire de Jérusalem et aucun article n’a été publié dessus. Personne ne fit le rapprochement avec Simon de Cyrène (ville de la Libye antique) qui aida Jésus à se relever lors de sa chute sur le chemin du Golgotha. Braves universitaires peu émotifs !


Un autre ossuaire dans une nécropole judéo-chrétienne sous le monastère franciscain de la voie Dominus Flavit porte quant à lui l’inscription " Simon, fils de Jonas ", du nom avec lequel Jésus s’adressa à Pierre. Tout ceci sans qu’aucune conséquence n’en soit tirée : Pierre fut-il enterré à Rome ou à Jérusalem ?  Sur ce point, Michel Benoît propose une autre explication. Barjona était le surnom, en araméen, des zélotes ; l'inscription renverrait donc plutôt à l'un des Douze, Simon le Zélote (Mt. 10, 4).

Dans la même nécropole, un chevron et un point en son milieu est gravé sur un autre ossuaire. Que signifie le chevron ? Braves franciscains dormant sur les certitudes "traditionnelles" enseignées par leur Eglise !


Enfin, cette tombe familiale découverte à Talpiot en juillet 1980, avec 10 ossuaires dont 6 portent des inscriptions gravées : " Jésus fils de Joseph ", etc. Les archéologues ne bronchent toujours pas en disant que les noms de Jésus et de Joseph sont courant au 1er siècle. Certes, mais Jésus fils de Joseph l’est beaucoup moins : 3 fois sur les 900 ossuaires retrouvés dans les 4 km de rayon autour de Jérusalem.
 
L’archéologue de service qui patronna la fouille du site, Amos Kloner, le fit semble-t-il sans enthousiasme particulier puisque, dans son rapport de fouille (publié en 1996 soit 16 ans après !), il ne met pas cette inscription en rapport avec celles des autres ossuaires trouvés sur place. A chacun son ossuaire, ce qui est une aberration méthodologique puisque ceux-ci sont nichés dans des tombeaux de famille.

Mais où donc est la curiosité légendaire des scientifiques ?


ossuaire-de-Joseph--fils-de-Ca--phe.jpg

 l'ossuaire du Grand prêtre Joseph qui fit mettre Jésus à mort pour cause d'agitation politico-religieuse.

Joseph fils de Caïphe ", dont l’ossuaire fut découvert en 1990, en compagnie d’un autre " Caïphe " a, quant à lui, eu plus de chance : tombeau familiale immédiatement identifié comme celui du clan Caïphe et reconnaissance non contestée du dit ossuaire. Il jouit d’une exposition en bonne place au musée de Jérusalem – d’autant plus que son ossuaire est richement décoré comme le rang du défunt l’exigeait.

Pauvre Jésus, dont le mouvement naissant dût vivre clandestinement ...


A suivre dans un prochain message, " Ne boudons pas la tombe de la famille de Jésus "

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 11:34

par Jean-Claude Barbier. Cet article est le début d'une série "le tombeau de Talpiot". Il a été publié le jeudi 31 mars 2007 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

L'entrée de la tombe familiale de Jésus à Talpiot, marquée d'un chevron et d'un cercle (symbole retrouvé sur des ossuaires judéo-chrétiens)

La diffusion par TF1, dans le cadre de son émission " Documents inédits " du mardi 29 mai, du film produit par James Cameron et l'archéologue isarëlien-canadien Simcha Jacobovici, sur le " tombeau de Jésus " fait l’effet d’un pavé jeté dans une mare.

Afin d’éviter les réactions ponctuelles (et émotives) sur tel ou tel fait ou interprétation, rappelons ici ce qu’est une hypothèse scientifique.

La recherche scientifique consiste en premier à réunir des faits dûment constatés, à les comparer à d’autres en les opposant ou au contraire en y voyant des proximités, à soupçonner des interrelations, des corrélations, des causalités, à les réunir en faisceaux, dans un ensemble qui peut prendre sens. 

C’est alors qu’on esquisse une hypothèse qui rend compte de l’ensemble des faits jusqu’à présent connus sur un sujet donné et ainsi réunis. Celle-ci sous entend une première explication et, au-delà, renvoie à une problématique qui, elle, peut-être commune à plusieurs sujets plus ou moins proches.

Le pire à éviter c’est d’écarter des faits sous divers prétextes : je n’étais pas présent moi-même et je doute du témoignage des autres ; ce n’est pas un fait reproductible (eh oui en sciences humaines c’est comme çà !), je n’y crois pas à priori car ce n’est pas "rationnel" (cela n'entre pas "tout naturellement" dans les cadres jusqu'à présent connus), je n’avalise pas les découvertes déjà faites et leurs interprétations par doute sur le sérieux de ceux qui les ont faites, etc. 

J’y ajoute, car nos milieux scientifiques sont bien humains : je suis jaloux du travail des autres, je n’ai pas saisi l’enjeu de la découverte et cela m’est passé sous le nez (eh oui ! certains manquent de flair – disons d’intuition).


Et puis, on a le droit aux banalités : une probabilité même très forte n’est pas une preuve décisive (l’archéologue Amos Kloner), " vous reviendrez me voir lorsque vous aurez une preuve irréfutable " (Mgr. Di Falco, évêque de Gap, lors de l’émission), etc. 

Il est de bon ton de nos jours de jouer les sceptiques sinon les blasés, d’exiger du 100 % (ben voyons, comme si c'était un évènement contemporain !), mais est-ce là une attitude bien scientifique ? On parlait naguère de la fièvre de la recherche ...  

Qu’un archéologue du style Indiana Jones et qu’un cinéaste célèbre viennent mettre leur nez dans la chasse gardée des archéologues et des institutions qui se contentent de collecter et de conserver, et voici que la fourmilière est toute en émoi ! 

Les unitariens mettent la science en avant, sont partant pour toutes les découvertes (y compris et surtout celles qui dérangent nos certitudes bien établies), et sont fort aise qu'on puisse avoir, enfin, des documents archéologiques sur Jésus et son entourage.
 

en tout cas, à suivre avec grande et curieuse attention

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 10:42

par Jean-Claude Barbier (à la suite de "la rivalité entre Pierre et l'autre disciple" et des articles précédents de la série "le tombeau vide"). L'article présent a été publié le jeudi 9 avril 09 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

Alors que les évangiles synoptiques citent volontiers Marie comme mère de Jésus en relatant la naissance de celui-ci, seul Jean l’évangéliste situe Marie à l’aube du ministère de son fils, avec son rôle d’intermédiaire lors des noces de Cana. Très beau texte et en plus fort sympathique qui a eu le succès qu’il méritait, mais dont le sens s’inscrit dans un contexte d’héroïsation de Jésus et donc bien ultérieur, à savoir celui d’un parallèle entre Jésus et Bacchus / Dionysos, demi-dieu dont l’exploit était de transformer de l’eau en vin (voir l’article de Béatrice Spranghers " Par delà de Dionysos " sur le site de Profils de libertés).


Par contre, les synoptiques témoignent d’une rupture de Jésus d’avec sa famille. Lors d’un passage dans son village natal, Nazareth, "les siens" cherchent à mettre la main sur lui afin de l’empêcher de continuer car, selon eux, il a perdu le sens ("... les siens sortirent pour s’emparer de lui, car ils disaient : " il est hors de sens ", Mc 3, 20-21). Plus tard, lorsqu’on dira à Jésus que sa mère et ses frères sont dehors et cherchent à lui parler, Jésus refuse de les recevoir et en profite pour discourir sur sa famille spirituelle " Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la pratiquent " (Lc 8, 19-21, parallèles avec Mc 3, 31-35 et Mt 13, 46-50).

La famille de Jésus est en contre point, à l’écart, en rupture. Telle est donc notre surprise * de la voir rappliquer le jour de la Pentecôte. Les disciples (Pierre et Jean d’abord nommés) sont réunis dans la chambre haute "avec les femmes et Miriâm, la mère de Iéshoua’, et avec ses frères" (Ac, 1, 13-14). L’iconographie chrétienne s’empressera de placer Marie au centre de la nouvelle communauté, ce que le texte ne dit pas.
* dans nos articles précédents, nous avons émis l’hypothèse d’un enlèvement (tout à fait légitime d’ailleurs !) du cadavre de Jésus par sa famille pour une inhumation définitive.

Par sa présence avec les disciples, la dite famille assume l’héritage social de leur fils défunt. Jacques, le frère de Jésus, qui n’est pas encore nommé le jour de la Pentecôte, s’imposera comme la figure majeure de la nouvelle communauté.

 Alors que les 3 synoptiques énumèrent les femmes qui sont présentes lors de la crucifixion de Jésus et de sa mise au caveau, puis qui se rendent au tombeau de dimanche matin pour procéder aux soins funéraires, seul Jean l’évangéliste cite la mère de Jésus ; mieux il la place au pied de la croix. Après le coup de Cana, on peut s’interroger sur la raison d’être de cette information bien tardive. D’autant plus que la scène est au bénéfice du " disciple que Jésus aimait " (qui rappelons le n’est pas Jean l’apôtre, le fils de Zébédée) : Jésus lui confie, avant d’expirer, le soin de s’occuper de sa mère. Lorsqu’on sait que les Romains tenaient la foule à distance, on ne peut que douter qu’un tel dialogue ait pu avoir lieu.  La peinture saint-sulpicienne ci-contre est bien romantique !

Bien entendu, on peut procéder à une lecture toute spirituelle : Marie incarne la nouvelle lignée des croyants, l’Eglise naissante – ce qu’avait déjà dit en d’autres termes la généalogie de Jésus selon Matthieu où l’Histoire sainte passe par des lignées ouvertes par des femmes (Tamar qui se prostitua, Ruth la Moabite, la femme adultère d’Urie, enfin " Miriam, de qui naît Iéshoua, dit messie " Mt 1,16).

Manifestement l’évangile de Jean récupère la figure de Marie à son profit. On montre aux pèlerins et touristes, encore de nos jours, la maison que Marie aurait habitée à Ephèse ; elle y aurait fini ses jours. Plus tard, en 431, ce sera à Ephèse qu’un concile condamnera le patriarche de Constantinople, Nestorius * qui renâclait à reconnaître que Marie était bel et bien " Mère de Dieu " dès lors que son fils était considéré comme Dieu incarné (par le concile de Nicée en 325).

* Nestorius pensait que la nature divine, éternelle, s’était unie à la nature humaine lors de la naissance du Christ (et non lors de la conception). La Vierge se voit ainsi refuser l’appellation de " Mère de Dieu ". Cette " hérésie " se répandit en Syrie et donna naissance à l’Eglise nestorienne.

Or Ephèse est la cité de la grande Déesse Artémis, haute figure féminine de l’Antiquité ; les chrétiens de cette ville, en récupérant Marie, lui opposent le culte marial. Bien joué ! ... même si c’est au prix d’un détournement de l’histoire réelle.

Et puis, le sens spirituel est sauf, Marie est la mère des chrétiens (à défaut, pour les unitariens, d'être mère de Dieu !).

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 10:12

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article "au tombeau avec Pierre et le disciple que Jésus aimait" et ceux de la série "le tombeau vide"). L'article présent a été publié le mercredi 8 avril 09 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

Y aurait-il eu des relations de chat et chien entre ces deux grandes figures du Nouveau Testament ?

Le "disciple que Jésus aimait" n’est pas Jean l’Apôtre (qui, lui, est dit "fils de Zébédée" avec son frère Jacques), ni Jean l’Evangéliste, même si celui-ci se rapporte à son témoignage. Il a été décrit par Michel Benoît (rubrique "la question Jésus" sur son site) comme Judéen, citadin, habitant la capitale Jérusalem, propriétaire de l’habitation qui sera le Cénacle, l’un des premiers disciples. Il est précis et détaillé dans son témoignage, donne les lieux et les dates à l'heure près. A partir de ce profil et de cette marque de fabrique Michel Benoît a tenté de reconstituer son Evangile, qui s’est retrouvé enfoui dans le 4ème évangile, celui de Jean.

Pierre et ce disciple, tout les oppose : l’origine géographique (la Galilée / la Judée), le milieu de vie (rural / urbain), l’activité professionnelle (Pierre est simple pêcheur de Capharnaum /le disciple, quant à lui, fréquente les hautes sphères autour de Caïphe et du Sanhédrin), le niveau d’instruction (l’épître de Pierre est attribuée à Pierre / le disciple bien aimé marque de sa silhouette le talent littéraire du 4ème évangile), l’âge (le disciple est suffisamment jeune pour se permettre de poser la tête sur la poitrine de Jésus lors de la Cène, et on le voit courir plus vite que Pierre pour arriver au tombeau vide). Le disciple non nommé est également proche des esséniens, du moins vit-il dans leur quartier et son serviteur est de cette secte car les Esséniens sont célibataires et doivent assumer eux-même une corvée habituellement réservée aux femmes (remarque pertinente faite par Michel Benoît).

"Voici, comme vous entrerez dans la ville, viendra à votre rencontre un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le dans la maison où il pénétrera, et vous direz au propriétaire de la maison : "Le Maître te dit : Où est la salle, où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et celui-là vous montrera une salle-haute, grande, garnie de coussins ..." (Lc 10-12, même récit chez Matthieu, plus bref chez Mc 26, 18 où Jésus désigne précisément le lieu mais dont le nom du propriétaire est tenu secret " "Allez dans la ville chez un tel") -
curieux "un tel" pour désigner la demeure du disciple décidément bien mystérieux.

Pierre est avec d’autres pêcheurs du lac de Tibériade, ses potes avec qui il monte en barque pour aller pêcher. Le disciple, lui, met en avant les quelques disciples que Jésus avait en Judée : Nathanaël, Nicodème, Joseph d’Arimathie, tous membres ou proches du Sanhédrin, et puis Lazare et sa famille à Béthanie. Il récupère aussi, et lui seul, la rencontre de Jésus et de la Samaritaine aux nombreux maris (mais c’est Luc qui seul racontera le mauvais accueil d’un village de Samaritains, Lc 9, 51-56, puis la parabole du Bon Samaritain, Lc 10, 29-37).

Lors de la Cène, il est à la droite de Jésus. Normal, il est l’invitant, celui qui accueille le maître et ses disciples chez lui, dans la chambre haute de sa demeure. Lorsque Jésus dramatise la soirée en évoquant une trahison, il pose la tête sur la poitrine du maître dans un geste assurément juvénile – certains aujourd’hui ne manquerait pas de soupçonner une homosexualité *

* on peut penser que s’il y avait eu un tel soupçon de la part des disciples, ceux-ci n’auraient pas suivis leur Maître et la cohorte se serait vite désagrégée vue la haine des Juifs vis-à-vis de l'homosexualité (depuis Sodome et Gomorrhe !).

Or, c’est précisément cette position à côté de Jésus que la mère de Jean et Jacques "les fils de Zébédé", accompagnée de ses fils, est venue quémander un peu hâtivement auprès de Jésus, du moins si l’on en croit Marc (
10, 35-40) et Matthieu (20, 20-23).

Après cette histoire du tombeau vide et de résurrection, le disciple aimé disparaît de la circulation. En fait, c’est normal puisque seul l’évangile tardif de Jean en parle ! Son témoignage de Judéen sera récupéré par les chrétiens d’Ephèse, peut-être après que nombre de Juifs de Jérusalem aient pris le chemin de la diaspora suite à la destruction de leur Temple en 70 (c’est après la seconde Révolte juive, en 135, que les Juifs seront définitivement interdits d’habiter à Jérusalem). Bien placé dans l’entourage de Caïphe, la consigne aurait sans doute été donnée de la plus grande discrétion vis-à-vis des services également tout à fait discrets rendus par ce jeune Judéen.

Icône de l'apôtre Jean au monastère de l'Île de Patmos (sans crainte d'anachronisme, la tradition chrétienne a tout simplement mis l'Apocalypse et les 3 épîtres de Jean au compte de Jean l'Apôtre !).

Ce sont Pierre et Jean fils de Zébédé qui montent en première ligne : Pierre parle au nom de la communauté, puis, avec Jean, monte au sanctuaire pour la prière de la neuvième heure. Ils y guériront un boiteux au portique de Salomon (Actes 3) et commenceront leur prédication publique ...


Michel Benoît pense au contraire qu’il y eut conflit de pouvoir entre Pierre et ce disciple dont le nom aurait été délibérément effacé par la première communauté et les trois évangélistes synoptiques.

Lorsque Jean l’Evangéliste met la touche finale à son texte, il évoque une bien curieuse rumeur (sans doute courant dans les milieux johanniques d’Ephèse) comme quoi ce disciple ne mourrait pas avant le retour en Gloire du Maître. La scène est mise dans le cadre des apparitions post-pascales, au bord du lac de Tibériade lors d’une ultime partie de pêche :

"Pierre, s’étant retournée, aperçoit le disciple que Jésus aimait qui suivait, celui qui, durant le repas, s’était penché sur sa poitrine et avait dit "Seigneur, quel est celui qui te livre ? ".  Pierre donc, en le voyant, dit à Jésus : " Seigneur, mais celui-ci, qu’en sera-t-il ? ". Jésus lui dit : " Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi ". Ce propos se répandit donc parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Mais Jésus ne lui dit pas qu’il ne mourrait pas, mais "Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce qu’il vienne, que t’importe ? " (Jn 21, 20-23). Jean l’Evangéliste est seul à rapporter cette rumeur.


Selon notre thèse "géographique", cette rivalité serait une simple opposition de figures. Les protagonistes sont morts, Pierre, sans doute en 64 lors de la répression contre les chrétiens accusés par Néron d’avoir mis le feu à Rome et le disciple aussi (s’il avait eu 20 ans à la mort de Jésus, il en aurait eu au moins quelques 60 ans de plus lors de la publication du 4ème évangile !).

Ephèse est un cité émergente qui prend de l’importance. Avec l’Ecole johannique, elle devient un pôle chrétien de tout premier plan. La prééminence de Rome (qui a pris le relais de Jérusalem détruite) est acceptée, mais les chrétiens d’Ephèse se positionnent. Plus tard, d’autres pôles émergeront également comme par exemple les Eglises d’Alexandrie (en Egypte) et d’Edesse (en Mésopotamie), affirmant un christianisme nettement décentralisé.

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 10:01

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article "faut-il croire à la Résurrection ?" et des précédents de la même série sur "le tombeau vide"). Cet article présent a été publié le mercredi 8 avril 2009 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

Dans le tombeau, on retrouva – selon Luc 24, 12 - seulement les bandelettes qui servaient à nouer le linceul autour du cadavre (l’interprétation spirituelle pourra dire que le Ressuscité est "dénoué", délivré de ses liens matériels). Jean l’évangéliste y ajoute un suaire (Jn 20, 7) bien roulé et déposé à part des bandelettes. Ce suaire était posé sur le linceul au niveau du visage du mort et servait à étancher, si besoin était, le surplus de sueur.

Le linceul lui même a disparu avec le corps. Est-ce ce linceul qui fut ensuite à Edesse, à Constantinople puis en France et finalement à Turin où il est connu sous le nom de " Suaire de Turin ", ville où il est exposé dans la cathédrale ?

le tombeau vide montré par l'Ange aux femmes ; chapiteau de l'ancien choeur roman de l'abbaye de Mozac (Puy de Dôme)

L’évangile de Jean entend manifestement valoriser "le disciple que Jésus aimait", lequel n’est jamais nommé, mais dont le profil correspondant à un jeune Judéen de l’entourage de Caïphe et du Sanhédrin, citadin de Jérusalem et sans doute le propriétaire du Cénacle (la haute chambre où Jésus célébra la dernière pâque avec ses disciples, où ceux-ci se terrèrent après sa mort et où ils se réunirent à nouveau pour la Pentecôte).

Prévenus par les femmes, ce disciple et Pierre se précipitent ; le premier, qu’on devine plus jeune, arrive en premier, mais il attend Pierre qui a pour lui et l’âge et le rang de leader des disciples. Pierre entre donc le premier dans le tombeau, mais c’est le disciple en question qui, le premier, comprend ce qui se passe et sera le témoin par excellence.

Le texte de Jean l’évangéliste est tout en nuance … et en diplomatie : "Alors entra aussi l’autre disciple qui était venu le premier au tombeau (bien précisé auparavant, en Jn 20,4-6 !), et il vit et il crut (bien mis au singulier !). Car ils n’avaient pas encore compris l’Ecriture, qu’il devait ressusciter des morts (et vlan pour les disciples – au pluriel – qui, eux, n’ont pas compris du premier coup !).

En code géopolitique, à la fin du Ier siècle, l’évangile de Jean vient de nous dire que Rome (avec les successeurs de Pierre) est toujours la tête de l’Eglise naissante (Jérusalem a sombré en 70 au terme de la première révolte juive et Rome a pris le relais), mais qu’Ephèse, qui se revendique du témoignage du disciple que Jésus aimait, est le centre de la Foi nouvelle.

A la fin de ce Ier siècle, la production littéraire de la communauté johannique d’Ephèse est en effet tout à fait étonnante et d’une très haute qualité ; elle est aussi fortement originale puisqu’elle introduit la théologie néo-platonicienne de la Parole (= Sagesse = Verbe) incarnée. Cela correspond aussi à l’apogée d’une ville qui, désormais, fait figure de capitale de l’Asie mineure. Après Jérusalem, Antioche, Rome, c’est un nouveau pôle majeur pour les chrétiens

* en plus de l’Evangile de Jean (Jean l’Evangéliste car l’apôtre du même nom est mort depuis longtemps), le Prologue qui y est mis ultérieurement, les 3 épîtres de Jean (Jean l’Ancien) et l’Apocalypse (Jean de Patmos selon l’auteur lui-même de ces révélations Ap 1,9).

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 09:45

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article "L'éveil aux Ecritures sur le chemin d'Emmaüs" et des précédents). L'article présent a été publié le mercredi 8 avril 2009 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

C’est Paul qui le dit : ma foi est vaine si Christ n’est pas ressuscité !

Or, la Pâque chrétienne est rétroactive. Il y a eu relecture des évènements à partir de l'effervescence de la Pentecôte. Sur le coup, le dimanche matin, les femmes puis les disciples qu’elles alertent découvrent seulement un tombeau vide. L’étonnement et le désarroi sont grands car personne n’a assisté à la résurrection elle-même de Jésus, à sa sortie du tombeau ... ni d’ailleurs d’aucun autre humain !
*seul l’évangile tardif de Jean nous parle, comme pour mieux préparer les esprits, de la célèbre "résurrection de Lazare " Jn 11, 1-46 ; encore n’est-il pas précisé que Lazare ne mourra pas une seconde fois ... Alors que pour Jésus, ce serait du définitif, à savoir une victoire sur la mort.

Marie-Madeleine annonçant le tombeau vide / la Résurrection aux disciples, psautier de Saint-Alban, 1120s.

Le lien entre ce constat, inexplicable pour eux, et les textes du Serviteur souffrant (contenus dans le Livre d’Isaïe) ne s’imposera qu’après, suite à une maturation à la fois dans le fort intérieur de chacun et à la fois dans une exaltation communautaire d’abord en Galilée et qui culminera le jour de la Pentecôte à Jérusalem. C’est donc à la Pentecôte que jaillit le premier kérygme chrétien : Jésus est ressuscité d’entre les morts, il est donc le Rédempteur tant attendu (= notre Sauveur), notre Messie (= le christ par excellence ; d’où son appellation post-mortem "Jésus-Christ"). 

Ceci dit, nous n’avons plus aujourd’hui les mêmes références car, si nous pouvons apprécier la ferveur d’une espérance messianique, nombre de chrétiens ou croyants n’adhèrent plus à une Histoire sainte qui serait guidée par Dieu. La référence aux textes du Livre d’Isaïe ne sauraient, de nos jours, constituer une preuve. Au contraire, les historiens sont tout à fait en droit d’accuser les premiers chrétiens d’avoir rédigé les textes du Nouveau Testament pour faire croire à une actualisation des prophéties ... ce que ces rédacteurs n’ont d’ailleurs pas manqué de faire !

Restons en donc aux faits bruts comme nous l’avons déjà dit dans les textes de cette série, à savoir le constat du tombeau vide. Sans doute la famille est-elle venue récupérer le corps avant l’aube puisque le sabbat était terminé à la tombée de la nuit, le samedi soir, et nous sommes déjà au dimanche matin. De là la surprise tout à fait sincère des disciples qui leur donnera la force du témoignage (ce sont des hommes effectivement de foi et de conviction et non de vulgaires menteurs ou imposteurs !), et puis aussi l’apparition de la famille de Jésus à partir de la Pentecôte : Marie est là, avec les frères de Jésus à commencer par Jacques qui, plus tard, s’imposera à Jérusalem. Or cette famille avait été absente tout au long du ministère de Jésus ainsi que nous l’expliquerons dans un article ultérieur que nous consacrerons au mythe de la Sainte Famille).

Rappelons que l’inhumation dans le caveau de Joseph d’Arimathie n’était que provisoire. Elle fut improvisée (Jésus était bien portant et nul ne pouvait prévoir un dénouement aussi rapide et tragique) et elle fut hâtive puisque survenant à la veille d’un sabbat, un vendredi soir. Jésus fut-il inhumé à Talpiot, à une douzaine de kilomètres au sud est de Jérusalem ? ou ailleurs ?

Entre Pâques et la Pentecôte, les convictions individuelles se rencontrent – il est dit que Jésus apparut à plusieurs disciples à la fois, que ce soit à Jérusalem, puis en Galilée (sur une montagne, ou encore au bord du lac de Tibériade) où les disciples de cette région repartirent. A terme, les convictions – qui sont convergentes – sont communiquées, partagées ; elles deviennent communautaires. Lors de la fête de la Pentecôte, les disciples se réunissent à nouveau – et cette fois-ci avec la famille de Jésus *. C’est l’allégresse dans la certitude : Jésus est ressuscité conformément aux Ecritures du Serviteur souffrant. Le récit des pèlerins d’Emmaüs, lu dans Luc seul (24, 13-35) résume magnifiquement cette élaboration progressive du premier acte de foi des chrétiens, le premier Kérygme.

* La famille de Jésus gardera secret le lieu de l’inhumation, affaire privée d’une famille.

Alors, aujourd’hui où les mentalités sont de plus en plus imprégnées par les progrès scientifiques, pouvons nous encore proclamer un tel kérygme à l’encontre de toutes les lois naturelles que nous connaissons ? Peut-on en rester à cette pure croyance ? devons nous essayé de contourner le fait historique en disant qu’il faut lire les textes d’une façon toute spirituelle ? N’est-il pas temps de refonder la foi sur d’autres bases (par exemple l’enseignement de Jésus, ses faits et ses gestes) ?

Certes le kérygme de la Pentecôte est un bel élan, porteur d’une folle espérance de survie, de fusion éternelle avec les êtres que nous aimons (Jésus, Marie et tous les ressuscités à leur suite !), d’union mystique avec Dieu, etc., mais il isole aussi la foi chrétienne dans une croyance irrationnelle, tout à fait éloignée de notre expérience humaine et de nos connaissances. Comme disait Paul : folie pour les hommes ! Faut-il donc continuer à être fou pour être chrétien, au nom d’un enchantement du monde, d’une forte espérance qui console, mais alors d’un opium dirait Karl Marx ? Où bien, ne vaudrait-il pas mieux que la foi rime enfin avec la lucidité et le réalisme ?

Nombre de chrétiens unitariens, à commencer par notre Eglise historique en Transylvanie, ne fêtent pas la Pâque. Leur foi repose sur leur attachement à Jésus et la croyance en l’existence de Dieu, mais non sur cette histoire de résurrection qu’ils relèguent au rang des saintes légendes. Tant pis pour eux, car après la Noël (qu’ils ne fêtent pas non plus car ils n'adhèrent pas au dogme de l'Incarnation), c’est une nouvelle fête qui leur passe sous le nez !

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 09:25

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article précédent "le travail de deuil avec la figure du Serviteur souffrant"). L'article présent a été publié le jeudi 27 mars 2008 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

Et, voici, deux d’entre eux, en ce jour même [le dimanche où les femmes constatèrent le tombeau vide], partaient pour un village éloigné de soixante stades de Jérusalem, qui avait nom Emmaüs / Amaous [non localisé], et ils s’entretenaient entre eux de tout ce qui était survenu. ".

Chemin faisant, un autre voyageur se joint à eux. Le texte avance que c’est Jésus lui-même, mais il est dit que " leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître " (Lc 24, 15-16). Restons en donc pour l’instant à un voyageur !

Il leur dit : " Quelles sont ces paroles que vous échangez entre vous en marchant ? ". Et ils s’arrêtèrent, le visage sombre. Répondant, l’un, du nom de Cléophas, lui dit : " Toi seul séjournes à Jérusalem et ne sais pas ce qui y est arrivé ces jours-ci ! ". Et il leur dit " Quoi donc ? ".

Ils lui dirent : " Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui fut un homme prophète puissant en œuvre et parole devant Dieu et tout le peuple, et comment l'ont livré nos grands prêtres et nos chefs pur être condamnés à mort et m’ont crucifié. Or nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ; mais, avec tout cela, voici le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées. Mais aussi quelques femmes d’entre nous nous ont stupéfiés, étant arrivées à l’aurore au tombeau, et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont venues disant avoir vu aussi une vision d’anges qui disent qu’il est vivant. Et certains de ceux qui sont avec nous sont allés au tombeau et ont trouvé les choses comme les femmes avaient dit, mais lui, ils ne l’ont pas vu ! ".

Et il leur dit: " O hommes inintelligents et lents de cœur à croire en tout ce qu’on dit les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela et ainsi entrât dans sa gloire ? ". Et, commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. "

Arrivés à Emmaüs, les deux compagnons pressent le voyageur inconnu à rester avec eux. Ce dernier rompt le pain et les compagnons reconnaissent alors Jésus en ce geste, mais le voyageur devint invisible (dit le texte) ... ou avait déjà repris sa route.

Et ils se dirent l’un à l’autre : " Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous, quand il nous parlait sur le chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ? "

Les pèlerins d’Emmaüs par Jean-Marie Pirot-Arcabas, vu sur le site "Prier à partir d’une œuvre d’art".

Arcabas est né en 1926 en Lorraine (France), voir son site

Les disciples sont attablés à l’auberge d’Emmaüs avec le voyageur inconnu qui leur explique les Ecritures et en qui ils vont reconnaître Jésus.

Le texte de Luc (24, 13-35) est limpide et n’appelle pas de commentaire. Il explique fort bien comment les disciples ont pu se ressaisir à partir d’une relecture des textes messianiques qu’ils appliquèrent à Jésus. Le déclencheur en fut un fait réel : le tombeau vide ; ce qui fait que la foi chrétienne est vécue avec autant d’assurance et sous forme de témoignage. Elle n’est plus seulement une espérance messianique, mais le début d’une réalisation de celle-ci grâce à la Passion et la Résurrection de Jésus conformément aux Ecritures.

Dans le contexte culturel et religieux de l’époque, la Résurrection s’est rapidement imposée comme l’explication évidente du tombeau vide, occultant ainsi l’autre explication, celle d’un enlèvement par la famille de Jésus.

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2 septembre 2009 3 02 /09 /septembre /2009 21:49

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article précédent "le tombeau vide"). Cet article a été publié le mercredi 26 mars 2008 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

Lorsque quelqu’un meurt alors qu’il n’est pas suffisamment avancé en âge, l’être humain a besoin d’en savoir le pourquoi. Jésus était pressenti par ses disciples comme le messie annoncé par les Ecritures et Dieu allait l’aider le moment venu. Ors Jésus est mort et Dieu n’a pas bougé.

Mais avec le constat du tombeau vide, qui laisse suppposer une intervention divine, une résurrection de leur héros, c’est le chaos des évènements non prévus qui va s’organiser dans leurs têtes. Une relecture en est désormais possible.

Les disciples ont pu, entre autres textes, penser à l’élévation du Serviteur souffrant qui était annoncée dans le Livre de la consolation d’Israël (livre mis dans Isaïe) : un Juste, accusé à tort, portant le péché de ses contemporains, conduit à la mort comme un agneau que l’on mène à l’abattoir, en douceur, sans se plaindre, malgré les outrages, et que Dieu va élever au dessus de toutes les nations après sa mort expiatoire.

Lire en particulier les passages étonnants du premier chant, Is 42, 1-4, qui évoquent son règne, et surtout le troisième chant, Is 50, 4-6, et le quatrième chant, Is 52, 13-15, puis 53, 1-12, qui semblent s’appliquer mot pour mot à la Passion que Jésus vient de subir.

Voici, je soutiens mon serviteur ; mon être veut mon élu. Je lui ai donné mon souffle, il fait sortir le jugement des nations. Il ne vocifère pas, il n’élève pas, il ne fait pas entendre au dehors sa voix. Il ne brise pas une canne cassée ; il n’éteint pas une mèche qui se ternit ; pour la vérité, il fait sortir le jugement. Il ne ternit et ne casse pas avant d’avoir mis le jugement sur la terre. Les îles souhaitent sa tora. " (Is 42, 1-4).

Adonaï IHVH m’a donné la langue des appreneurs [Bible de Jérusalem, BJ : " des disciples "], pour savoir ranimer d’une parole le fatigué. Le matin, la matin, il m’éveille, il m’éveille l’oreille, pour apprendre comme les appreneurs. Adonaï IHVH m’a ouvert l’oreille. Moi-même je ne me suis pas rebellé en arrière, je n’ai pas reculé. J’ai donné mon dos aux frappeurs, mes joues aux écorcheurs. Je n’ai pas voilé mes faces aux outrages et de la crache. " (Is 50, 4-6)


Voici, mon serviteur sera perspicace ; il se transcende, il s’exalte, il se hausse fort. Quand plusieurs contre toi t’avaient désolé, ainsi son apparence d’homme a été détruite, sa tournure de fils d’Adâm
[BJ : Alors que des multitudes avaient été épouvantées à sa vue, tant son aspect était défiguré, - il n’avait plus d’apparence humaine]. Ainsi il fait tressaillir des nations multiples ; les rois bouclent leur bouches devant lui. Oui, ce qui ne leur avait pas été raconté, ils le voient ; ce qu’ils n’avaient pas entendu, ils le discernent " [BJ : " car ils verront un événement non raconté et observeront quelque chose d’inouï "] (Is 52, 13-14).

Qui adhèrera à notre rumeur ? Le bras de IHVH, pour qui s’est-il découvert ? Il monte comme un surgeon en face de lui, comme une racine en terre aride. Il n’a ni forme ni splendeur. Nous le voyons, il n’a pas d’apparence pour que nous le convoitions ! Méprisé, refusé par les hommes, homme de douleurs, pénétré de maladie, comme voilant les faces loin de nous, méprisé, nous n’en tenions pas compte.

Ainsi, il portait nos maux, supportait nos douleurs, et nous le comptions pour touché, frappé par Elohîm, violenté. Lui, transpercé par nos carences déprimé par nos torts, il a sur lui la discipline de notre paix. Mais en sa blessure nous sommes guéris
 " [BJ : " Il a été transpercé à cause de nos péchés, écrasé à cause de nos crimes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui et c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris "],

Nous tous, nous vaquions comme des ovins, chaque homme sur sa route, nous allions en face. IHVH l’a heurté de notre tort à tous. Tyrannisé, il accepté ; il n’ouvre pas la bouche, comme un agneau transporté à l’abattoir, comme une brebis muette, face à ses tondeurs, il n’ouvre pas la bouche.

Du huit clos, du jugement pris, son âge, qui le narrera ? Oui, il a été coupé de la terre des vivants ; de la carence des peuples, il est heurté pour eux [BJ : " pour nos péchés, il a été frappé à mort "]. Avec les criminels, son sépulcre a été donné ; avec le riche ses tertres pour non violence faite, pour non duperie sur sa bouche ". [BJ : " On lui a dévolu sa sépulture au milieu des impies et son tombeau avec les riches, alors qu’il n’a jamais fait de tort ni de sa bouche proféré de mensonge "].

IHVH désire l’accabler, l’endolorir ; si son être se met en coulpe, il voir semence, il prolonge les jours [BJ : " s’il offre sa vie en expiation, il verra une postérité, il prolongera ses jours "]. Le désir d’IHVH par sa main triomphe [BJ : " et ce qui plaît à Yavhé s’accomplira par lui "]. Du labeur de son être il verra et se rassasiera. Dans sa pénétration, le juste, mon serviteur, justifiera plusieurs : lui, il supportera leurs torts.

Aussi, je lui donne part parmi plusieurs ; il répartit le butin avec les puissants, pour avoir dénudé son être à mort, compté parmi ceux qui font carence. Il porte la faute de plusieurs, et pour ceux qui font carence il s’interpose.
 " 
(Is 53, 1-12)


Illustration : le mystère du salut des hommes par le sacrifice volontaire du Christ, annoncé par les prophètes de l’Ancien Testament et proclamé par les premiers apôtres. Le prophète Isaïe - figuré avec un bonnet carré, comme celui de Caïphe - tient une banderole avec les mots "Oblatus est quia ipse voluit et non aperuit os suum" (Il s’est offert parce qu’il l’a voulu et il n’a pas ouvert la bouche - Isaïe, 53, 7). L’apôtre Paul, figuré avec une auréole, porte les mots d’une phrase de son épître aux Philippiens : "Humiliavit semetipsum usque ad mortem, mortem autem crucis" (Il s’est humilié jusqu’à la mort et la mort de la croix - Ph, 2, 8).

E
glise romane St Barthélémy (XIIème et ses fresques du XVIème siècle) à Mont, en vallée du Louron, Hautes-Pyrénées, lien.


D'autres textes également, tout aussi importants, notamment sur le Fils de l'homme (voir notre rubrique à ce titre) et la figure du Bon Berger où la souffrance du Messie est annoncée.

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