La diffusion du culte au sein de la chrétienté
La dévotion au Sept Dormants est avérée dans toute la chrétienté. Nos héros ont figuré sur différents calendriers dont celui des Grecs, des Latins, des Russes ou encore des Abyssins. Ils étaient auparavant commémorés le 27 juillet dans l’Eglise latine, et sont désormais célébrés, selon le calendrier byzantin, le 4 août (jour supposé de leur emmurement) et le 22 octobre (jour de leur réveil).
Le culte s’est même diffusé jusqu’en Scandinavie dès le VIIIème siècle, si l’on en croit les nombreuses amulettes portant les noms des Dormants - parfois écrits en runes - trouvées lors de fouilles, comme à Alvastra, en Suède, ou à Bergen, en Norvège.
Un culte repris et diffusé par l’islam
Or, cette légende est reprise dans le Coran par un Prophète beaucoup plus au courant des affaires chrétiennes qu’on ne l’a souvent pensé, dans la sourate 18, intitulée Al-Kahf, celle dite de "la Caverne", qui rappelle le martyre, la dormition et le réveil des Dormants (dont le nombre n’est pas donné) et qui est lue tous les vendredis dans les mosquées.
" Cette sûrât, dite de la Caverne (al-Qaf) est bien lue en effet tous les vendredi. Elle est considérée selon un haddith reconnu comme ayant des vertus préservatrices : celui sur qui sont lus les 10 premiers versets est préservé des méfaits de l'Antéchrist et de son influence. Il y a à cela peu d'explications officielles, il n'y a pas eu d'explications prophétiques sur cette vertu thaumaturgique " (Fabien Maisonneuve, communication personnelle, 24 janvier 2010)
Le Coran avance avec précision que les jeunes gens sont restés endormis 309 ans lunaires, ce qui correspond à 300 années solaires (eh oui, le temps que l’islam arrive !) : "Or, ils demeurèrent dans leur caverne trois cents ans et en ajoutèrent neuf ", Coran, 18:25. Le nombre de jeunes gens n’est pas indiqué et des traditions les feront accompagner d’un chien nommé Qitmir.
Ce culte s’est également largement diffusé du côté des pays musulmans, accompagnant les conquêtes arabes. A Damas, la mosquée dite des "Gens de la Caverne", masjid ahl al-kahf, située sur la pente du Qasiyûn, possède exceptionnellement sept mihrâb*, un pour chacun des Sept Dormants !
* le mihrâb est une niche (et habituellement une seule) dans le mur d'une mosquée qui indique la direction de La Mecque.
On retrouve très loin ce culte, cette fois-ci vers l’est, puisqu’une mosquée leur est dédiée à Kara-Khodja, près de la ville de Tourfan, dans la partie du Turkestan sous actuelle domination chinoise. A noter qu’il existe à Orléans une rue des Sept Dormants dont les origines sont mal connues, mais qui présente l'intérêt de se situer dans un quartier autrefois réservé aux prisonniers musulmans, ramenés d'Égypte ou de Syrie, à l'époque des Croisades
D’autres Dormants, manifestement inspirés des premiers
En Turquie, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Tarse, en Cilicie, une grotte dite des Ashâb al-Kahf a fait l’objet d’un pèlerinage. La tradition locale, musulmane, parle de sept voyageurs qui s'endormirent là. Pour les chrétiens, ce seraient des martyrs emmurés, puis retrouvé vivants 157 ans plus tard *
* "La grotte elle-même est assez spacieuse, profonde de plusieurs dizaines de mètres. La roche est partout usée par la fréquentation. Il y a un petit mouvement de pèlerins et beaucoup d'affluence les jours de fête, pendant la Nuit du Destin et tout le mois de Ramadan. A un kilomètre environ, s'étend un cimetière où on remarque des tombes récentes, malgré l'interdiction d'en ajouter " (Louis Massignon et al., Ahl al-Kahf, 90). Proximité des tombes afin de bénéficier du pouvoir de résurrection des martyrs !
Toujours en Turquie, mais cette fois-ci près de Nicée, dans la partie occidentale de l’Asie mineure, le sanctuaire d’Ammûriya (aujourd'hui Hadj-Hamza), séparé de Nicée par une montagne, correspond à la caverne souterraine d'un ancien couvent grec. Ors, cette caverne s’ouvre, en contrebas de la montagne, par une galerie - laquelle donne accès à une salle des morts où se trouvent treize corps momifiés. La population de ces lieux est commise à la garde des reliques, enduites d'aloès, de myrrhe et de camphre, vêtues de manteaux, chaussées de sandales et de bottines. Malgré leur état de dessiccation absolue, elles dégagent, nous dit-on, une extraordinaire impression de vie ; à chaque nouvelle année, leurs gardiens, pour les dépoussiérer, peuvent les mettre debout, sans dommage pour elles, et, trois fois l'an, on leur coupe les ongles ! La version locale, musulmane, pensent qu’il s’agit de treize prophètes, "ressuscités ensemble, le même jour, 400 ans avant le Christ". A Nicée, s'élevait une porte des Sept Dormants (et à Alep, en Syrie, une porte est nommée Bâb 'Ammûriya !).
Dans l’Est algérois, à quelque 12 km de Sétif, le site berbère de Ikjân* (aujourd'hui Guidjdjel) propose la légende de sept jeunes gens, venant du Maroc : "Ils étaient de taille élancée, et un chien leur tenait compagnie". Ils s'arrêtèrent une nuit dans le village de Ikjân et furent trouvés inanimés le lendemain matin, sur l'emplacement de l'actuel cimetière musulman. Leurs huit tombes - dont une pour leur chien - sont de hauts piliers d'origine romaine, "surmontés de petits dômes renfermant des kânouns où les visiteurs et visiteuses viennent faire des fumigations d'encens" (Louis Massignon et al. , Ahl al-Kahf, 81).
* Ikjân fut fondé en 900 ap. J-C par les Fatimides d’Egypte en pays berbère du clan Kotâma.
En Scandinavie, Ove Ullestad signale une grotte, aux confins nord de la Norvège, où sept jeunes gens furent retrouvés intacts plusieurs années après leur mort.. Très curieuse par ailleurs est l'histoire, tirée des Annales islandaises, du naufrage d'un pasteur du nom d'Ingimud Torgeisson et de ses six compagnons, retrouvés dans une grotte quatorze hivers plus tard. Le corps du pasteur ainsi que ses vêtements étaient intacts et surtout, comme dans la version éphésienne de l'histoire, une tablette de cire, cette fois-ci écrite en runes, était déposée à leurs côtés.
Les Sept Saints de Bretagne
Mais ce ne sont pas des Dormants ! Ce sont tout simplement les sept évêques fondateurs des sept évêchés de Bretagne au VIème siècle : Saint Malo, Saint Samson (Dol), Saint Brieuc, Saint Tugdual (Tréguier), Saint Pol-Aurélien (Saint-Pol), Saint Paterne (Vannes) et Saint Corentin (Quimper). En Bretagne, le grand pèlerinage du Moyen-âge était le Tro Breizh (Tour de Bretagne) qui consistait à prier dans les cathédrales de ces sept évêchés.
Une fontaine, située près de Bulat-Pestivien vers Callac (au sud de la route allant de Saint-Brieux à Morlaix) fut construite en 1683 par deux artisans du pays. Autrefois, les sept saints y avaient chacun leur statue dans des niches. Sans doute cette magnifique fontaine recevait-elle la visite des fidèles pèlerins (lien)