d'après les textes du Nouveau testament
L’évangile de Jean évoque la mort de Pierre. Cet évangile insistant sur les qualités de prophète de Jésus, c’est-à-dire annonciateur d’événements futurs, lui fait tenir ce propos lors d’une « apparition » post-mortem : « En vérité, en vérité, je te le dis [Jésus s’adresse à Pierre] : lorsque tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même et tu marchais où tu voulais ; mais lorsque tu seras devenu vieux, tu étendras tes mains et un autre te ceindra et te portera où tu ne voudras. Il dit cela pour signifier de quelle mort il glorifierait Dieu. » (Jn 21, 20-23)
Tout imprégné de la polémique entre chrétiens et juifs, cet évangile est postérieur à la décision de l’assemblée de Yabneh / Yamnia (qui est le sanhédrin en exil sur la côte palestinienne) d’exclure les chrétiens de la synagogue : donc après la destruction du temple en 75 et après la décision prise (à la demande de Gamaliel II qui succède au fondateur de l’assemblée, Rabbi Johannan ben-Zakkaï. En plus ce texte un ajout postérieur à la première conclusion de cet évangile en Jn 20, 30-31 (donc plus tardif que la première rédaction).
Mais cela ne nous donne pas la date du martyre de Pierre !
Lorsque Paul arrive à Rome pour son procès, après l’hiver 61 qu’il a passé à Malte, Pierre n’est pas là ; il n’est pas encore là lorsque les Actes des apôtres achèvent leur récit par les deux années entières de Paul dans sa résidence surveillée (où il pouvait recevoir « Il recevait tous ceux qui venaient le trouver … » (Ac 20-31) ; par contre Jean surnommé Marc, son secrétaire et l’évangéliste que l’on connaît, est bien là et est cité dans l’une des dernières épîtres de captivité de Paul (celle adressée à Philémon, Phm 24) comme l’un des collaborateurs du prisonnier.
Mais Pierre n’est toutefois pas loin car on sait par Paul que des chrétiens de Corinthe (en Grèce) ont été baptisés par lui : cette communauté se querelle sur les allégeances induits par ces baptêmes selon qu’ils ont été fait par Apollos, Céphas (= Pierre) et Paul ! (1 Cor 1, 12) ; l’épître est datée vers Pâques 57.
Dans la littérature chrétienne, c’est la 1ère Epître de Pierre (5, 13) * qui affirme la présence de Pierre à Rome, avec celle de Marc que l’apôtre considère comme « son fils » : « L'Église des élus qui est à Babylone [= Rome] vous salue, ainsi que Marc, mon fils » (13).
* En note de la bible de Louis Segond : 1 Pierre 5, 13 Jean-Marc, neveu de Barnabas, auteur de l'évangile selon Marc (voir Ac 12,12 et 25 ; 13, 13 ; 15.37-39; Col 4.10 ; Phm 24). Le mot fils indique, semble-t-il, que Pierre l'a amené à la foi (comparer 1 Tm 1.2; Tt 1.4).
Pierre a donc été à Rome, mais quand ?
Lorsque Paul écrit son épître aux Romains (datée de l’hiver 57-58), il n’évoque pas Pierre. Est-ce une mesure de prudence afin d’éviter une persécution ? Vers 45, l'empereur Claude (41-54) avait en effet expulsé les juifs de Rome, judéo-chrétiens inclus (Ac 18,2).
d'après la littérature chrétienne des temps apostoliques
Dans la littérature clémentine, Pierre est décrit comme un prédicateur itinérant dans les villes de la province romaine de Syrie. Il remporte de nombreux succès contre la prédication de Simon le Mage * et initie au cours de ses déplacements Clément qui l'accompagne. Il le nomme par la suite évêque de Rome où il se rend et gagne un affrontement contre Simon le Mage. La légende raconte que ce dernier a tenté de voler pour impressionner l'empereur Néron et que par la prière, Pierre est parvenu à le faire tomber. Mais Clément Ier est le 4ème « évêque de Rome » et a régné de 88 à 97 ; Pierre était déjà mort !
* sur Simon le magicien, voir l’article sur Wikipedia ( lien).
Plus sérieux : les témoignages apostoliques sont unanimes pour situer les derniers moments de Pierre à Rome : Papias de Hiéropolis (évêque de cette ville, en Phrygie, dans la première partie du IIe siècle) témoigne que Marc était l’interprète fidèle de Pierre et que c’est bien à Rome qu’il a rédigé son évangile (rapporté par l'historien Eusèbe de Césarée) ; ce même historien s’appuie sur bien d’autres témoignages (cités dans l’article Wikipedia consacré à « Pierre, l’apôtre », lien) : Ignace d’Antioche (sa lettre aux chrétiens de Rome « Je ne vous donne pas des ordres comme Pierre et Paul »), le prêtre chrétien romain Gaïus, Denys de Corinthe et Zéphyrin de Rome. Clément évêque de Rome confirme lui-même dans sa Lettre aux Corinthiens datée de 96.
Le lieu est même donné : à proximité du Circus Vaticanus … à l'emplacement approximatif de l'actuelle basilique Saint-Pierre (voir l’article de Wikipedia consacré à la "nécropole vaticane", lien), laquelle succède à la basilique que l’empereur Constantin Ier fit construire entre 326 et 333 (avec précisément une abside autour du trophée de Gaïus), devenue plus tard Saint-Pierre et Saint-Paul-hors-les-murs.
A noter qu’aucune autre cité antique ne revendique la tombe de Pierre. Les historiens supposent que Pierre a été pris dans les rafles de la persécution déclenchée par Néron après l’incendie de Rome en juillet 64.
en (1) le trophée de Gaïus sous la basilique actuelle ; partie en rouge sur le croquis ci-dessous
d'après les fouilles archéologiques :
Les fouilles de la nécropole du Vatican ordonnées dès 1940 par Pie XII dans les Grottes du Vatican à l'occasion de la mise en place du sarcophage de Pie XI (lequel avait émis le voeu d'être enterré le plus près possible de l'apôtre !), et confiées au jésuite Antonio Ferrua, ont mis en évidence un cimetière païen et chrétien contenant de nombreuses tombes et, au-dessous de l'autel et à la verticale exacte du sommet de la coupole, un monument culturel au-dessus d’une de ces tombes, trouvée vide, du premier siècle, mémorial, qui serait le « trophée de Gaïus » cité par Eusèbe de Césarée.
Une inscription sur l'un des murs de soutien (mur rouge) a été incisé un graffito dont subsistent les quatre caractères grecs ΠΕΤR, c’est-à-dire les quatre premières lettres du nom de Pierre, et au-dessous EN(I), ce qui serait, selon Margherita Guarducci, une archéologue italienne *, la forme abréviative de εν εστι, mot à mot « dedans est ». Jérôme Carcopino, qui défendait l'hypothèse d'un transfert temporaire des reliques lors de la persécution de Valérien, lisait au contraire EN(Δ), ενδει « il manque ». Une cachette aménagée sur un mur perpendiculaire (mur G), découverte en 1953, contenait les ossements d'un individu de sexe masculin âgé de soixante à soixante-dix ans, de robuste constitution. Une expertise menée par Margarita Guarducci avec l'anthropologue Correnti permet de penser qu'il s'agit bien des ossements qui figuraient dans la tombe, car la terre à laquelle sont mêlés les ossements est du même type que celle qui se trouve devant le trophée de Gaïus.
* Margherita Guarducci est décédée en 1999. Pour un historique de ses fouilles vaticanes (lien).
Mais s'agit-il de Pierre ? Plusieurs faits vont dans ce sens :
- les ossements ont été conservés dans un tissu précieux de couleur pourpre, et brodé de fil d'or, ce qui indique un personnage illustre
- aucun os des pieds n'a été retrouvé : cela pourrait indiquer qu'on a coupé ceux du défunt (ce qui était commun aux suppliciés qui mouraient la tête en bas afin de la décrocher de la potence) ; ors les Actes de Pierre (un apocryphe du IIème siècle) indique que Pierre fut crucifié dans cette position.
- les rotules étaient abîmées comme peuvent l'être celles de pêcheurs qui poussent leur bateau à la mer.
- l’homme est de constitution robuste, ce qui va dans le sens des évangiles qui décrivent un homme énergique et qui portait une épée lors des déplacement du groupe,
- il a vécu au Ier siècle,
- et il est décédé entre 60 et 70 ans.
Devant 60 000 personnes le pape François a célébré dimanche 24 novembre 2013 une messe place Saint-Pierre. Il tenait dans ses mains un reliquaire contenant ces ossements. Déjà Paul VI avait annoncé en 1968 qu'il s'agissait très probablement des restes de l'apôtre Pierre.