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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 14:52

pierre_VI_siecle_monastere_sainte_catherine.jpgIl convient de revenir aux textes car la tradition catholique fait de Pierre le premier évêque d’Antioche et de Rome, alors que l’institution épiscopale n’apparaît qu’au début du IIème siècle avec élection locale à l’appui (voir les épîtres d’Ignace, évêque d’Antioche, martyr vers 110) – ce qui est un total anachronisme. Quant au titre de pape, décerné à l’évêque de Rome, il sera encore beaucoup plus tardif ! Il y a là confusion avec le rôle de missionnaire que Pierre a joué en sa qualité d’apôtre, rendant visite à diverses communautés naissantes (il en sera de même de Paul à Rome et de Marc à Alexandrie). Mais l’exégèse protestante, en prenant le contre-pied de la catholique tombe dans l’excès inverse en déniant à Pierre tout rôle sortant des rangs.
Icône de saint Pierre, Monastère Sainte-Catherine du Sinaï, VI° siècle
 

Rappelons donc les textes :

- Simon, que Jésus renommera Pierre, est fils d’un nommé Jean (Jn 1, 42), pêcheur à Bethsaïde au bord du lac de Galilée. Il a un frère qui est André (Jn 1, 40-42). Lui-même et son frère, mais aussi ses « compagnons » Jacques et Jean fils de Zébédée, sont pêcheurs. Simon possède une barque (Lc 5, 3) ; le vieux Zébédée, toujours actif et qui travaille avec ses fils et des « hommes à gages », lui aussi (Mt 4, 22 ; Mc 1, 20). Ils pratiquent tous la pêche à l’épervier, lançant le filet au-dessus des eaux (Mt 4, 18 ; Mc 1, 16 ; Lc 5, 2). Par métaphore, Jésus les invitera à le suivre et à devenir des pêcheurs d’homme (Mt 4, 19 ; Mc 1, 17 ; Lc 5, 10).


- selon l’évangile de Jean (seul, Jn 1, 37-42), Pierre fait partie des disciples galiléens de Jean le Baptiste (après le Disciple et André son propre frère, il aurait été le troisième à rallier Jésus). Avec son frère André, mais aussi avec Philippe (Jn 1, 44), il forme une petite cohorte originaire de Bethsaïde.


- lors de son ministère en Galilée, Jésus ne s’installe pas à Nazareth, son village natal, mais à Capharnaüm (Mt 4, 13 ; Jn 2, 12). Il est chez Pierre, lequel habite chez sa belle-mère. Celle-ci sera d’ailleurs l’une des tous premières à bénéficier de ses dons de guérisseur (Jésus lui ôte un état fiévreux Mt 8,14 ; Mc 1, 29-31 ; Lc 4, 38-39). André vit également là (Mc 1, 29). Bref, Jésus y installe le QG de son mouvement ! C’est à partir de là qu’il part visiter les autres villages. Lorsqu’il s’absente sans prévenir, c’est l’émoi dans son entourage ! (Mc 1, 35-38 ; Lc 4, 42-43).


- Jésus change le nom de Pierre : « L’ayant regardé, Jésus dit : ‘Tu es Simon, le fils de Jean, tu t’appelleras Cephas’ – ce qui se traduit : Pierre » (Kephas en araméen). Pour l’évangéliste Jean (Jn 1,42), ce fut lors de leur toute première rencontre (là où Jésus fut baptisé). Ce changement de nom (que la tradition chrétienne a maintenu avec le changement de nom des religieux) confère à la personne concernée une nouvelle identité et un destin ainsi prophétisé. Il est la marque aussi d’une intronisation : Jésus en renommant Pierre assure sur lui son emprise - comme Adam nommant les animaux à l'invite de Dieu s’assure de sa domination sur eux ! (Gn 1, 10-20).


- D’une façon générale, il est toujours nommé en premier. Lorsque Jésus quitte seul Capharnaüm, avant l’aube (« Et le matin, très à la nuit » Mc 1, 35), sans crier gare, c’est Simon « et ses compagnons » qui partent immédiatement à sa recherche et le trouvent (Mc 1, 36). Pour Luc (Lc 5, 10), dans l’épisode de la pêche miraculeuse, c’est à Simon seul à qui Jésus s’adresse pour lui dire qu’il sera pêcheur d’hommes : « Et Jésus dit à Simon : ‘N’aie pas peur ; désormais tu prendras des hommes » (pour Matthieu et Marc, c’est aux 4 prêcheurs, Simon et André, Jacques et Jean, que Jésus dira cela). Il est aussi le premier nommé des Douze (Mt 10, 2 ; Mc 3, 16 ; Lc 6,14 ) et Matthieu précise bien « le premier, Simon qui est dit Pierre » ! Il est le premier à réagir, par exemple lorsque Jésus demande à ses disciples qui il est (Simon confesse alors la messianité de son maître), lorsque le même Jésus veut laver les pieds de ses disciples, lors de l’arrestation de Jésus avec son épée, etc. Il sera aussi le dernier à vouloir suivre Jésus jusqu’au bout, jusqu’au palais de Caïphe (même si c’est son reniement circonstanciel, qui, par la suite, retiendra toute l’attention !). Lorsque les femmes viennent dire aux disciples qu’elles ont trouvé le tombeau vide ; elles rencontrent le pessimisme de leurs auditeurs, seul Pierre se lève et court au tombeau pour vérifier le fait (Lc 24, 12) ; l’évangéliste Jean confirme, mais pour lui l’annonce en a été faite par Marie de Magdala (seule) et uniquement à Pierre et au Disciple, et c’est ensemble que ces deux accourent au tombeau (Jn 20, 2-4).


- Après l’échec de la campagne de Galilée, Jésus se retire hors atteinte d’Hérode Antipas, sur le territoire de Philippe, tétrarque de la Traconitide, ou encore « au-delà du Jourdain », avec une cohorte restreinte. On le voit alors souvent avec un trio de disciples : Pierre et les fils de Zébédée. Le récit mystique de la Transfiguration (Mt 17, 1-9 ; Mc 9, 2-10 ; Lc 9, 28-36) met en scène ce trio qui a en quelque sorte prit le relais des Douze. La situation est d’ailleurs suffisamment bien établie pour que la mère des fils de Zébédée se permette d’intervenir auprès de Jésus pour lui demander des places de tout premier rang pour ses fils dans le Royaume qu’il prépare ! (Mt 20, 20-21), à moins que ce furent les intéressés qui eux mêmes en firent la demande (Mc 10, 35-37). Les autres disciples protestent de l’audace de ceux qui se dénomment « les fils du Tonnerre ». Manifestement, c’est encore Pierre qui se trouve en premier de ce trio. Lors que la Transfiguration, c’est lui qui propose d’aménager une tente. La même hiérarchie se reproduit lors de l’ultime prière de Jésus à Gethsémani : Jésus demande expressément au trio de prier avec lui (Mt 26, 37 ; Mc 14, 33) ; les disciples succombent tous au sommeil et Pierre seul se fait réveiller par Jésus (Mt 26, 40 ; Mc 14, 37) ; pour Marc (dont nous rappelons ici qu’il fut le secrétaire de Pierre à Rome), le reproche que Jésus fait alors à ses disciples endormis va directement à Pierre : « Simon, tu dors ? Tu n’as pas pu veiller une heure ? ».


- Lors des déplacements de la cohorte missionnaire de Jésus, c’est Pierre qui porte un glaive afin de se prémunir des attaques des brigands de chemin. Il aurait d’ailleurs, selon l’évangéliste Jean (seul), joué jusqu’au bout son rôle de garde-corps en coupant l’oreille de Malchus (Malchos dans la traduction d’André Chouraqui) lors de l’arrestation de Jésus (Jn 18, 10). Les synoptiques ne donnent pas l’identité de celui qui dégaina (Mt 26, 51 ; Mc 14, 47 ; Lc 22, 50). Est-ce que l’oreille fut réellement coupée ? S’il en avait été ainsi le fauteur aurait été arrêté sur le champ ! Luc dit d’ailleurs que Jésus « ayant touché l’oreille, il le guérit » (Lc 22, 51) ; bon, çà ne devait pas être trop grave …


A la suite de tous ces textes, on peut comprendre que l’affirmation de Matthieu (16, 18-19) ne soit pas incongru : « Et moi, je te dis (Jésus s'adresse à l'apôtre Pierre) que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » ; même si Jésus, selon le même Matthieu (18, 18), aurait accordé aussi le pouvoir de rémission des péchés à tous les disciples envoyés en mission : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux ». Voir à ce sujet la note de Bible-Only.com (lien). Il s’agit peut-être d’un ajout du Matthieu grec par rapport à la version araméenne plus précoce, ce qui justifie mieux l’emploi du terme grec Ekklesia, traduit ici par Eglise, terme plus fort que celui de "communauté".


Au lendemain de l’ascension présumée de leur maître, c’est Pierre qui, au sein du collège des apôtres et de la communauté des disciples mène la danse : discours public suite à la Pentecôte, première sortie au Temple (avec Jean en second) et guérison d’un impotent, en Samarie (encore avec Jean) pour confirmer les premières conversions opérées par le diacre Philippe, à Césarée pour y visiter le centurion romain Corneille, levée (sur vision) des interdits alimentaires, premiers baptêmes de « païens », etc.
Paul reprendra à son compte cette primauté de Pierre : selon lui (1 Cor 15, 5), Jésus lui est apparu en premier puis aux autres Douze. Plus tard, à la fin du Ier siècle, l’évangéliste Jean, tout en situant sans cesse en rivalité le Disciple (le témoin par excellence) et Pierre, ne remettra toutefois jamais en question la primauté de Pierre : c’est lui que le Disciple laisse entrer en premier dans le tombeau vide (Jn 20, 3-8).


Au delà de son caractère que l’on a qualifié de spontané, fougueux, impétueux, c’est bien un rôle de premier plan que Pierre a joué au sein de la cohorte qui suivit Jésus et qui continua son œuvre … et ce rôle, aux dires des évangélistes, fut tout à fait confirmé par Jésus et reconnu sans contestation par les disciples et la première communauté de Jérusalem. Ceci dit, restons en aux textes et n’allons pas plus loin car Pierre vécu en son temps, antérieurement à la mise en place de l’institution épiscopale (lien). Lorsque Paul vint pour la première fois à Jérusalem (vers 39), après sa conversion, il rencontra Pierre qui le reçut durant 15 jours et fut présenté à Jacques le frère du Seigneur (Ga 1, 19), puis lors d’une seconde fois, avec Barnabé, vers 48-49, il rencontre le même Jacques, Pierre et Jean qu’il présente comme « ces notables, ces colonnes » (Ga 2, 9) et c’est Jacques qui fera le discours de synthèse des décisions prises. On retrouvera par la suite Pierre à Antioche et à Rome, laissant seul Jacques diriger la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem  …

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