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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 14:56

La grandeur de Jésus. Quel homme entrant dans une vision suffisamment pénétrante de cette extraordinaire existence ne serait porté à un sentiment d'admiration, de vénération, tout proche de ce que l'on éprouve devant la sainteté ? Qui ne serait, presque d'emblée, transformé et comme enfanté par une nouvelle naissance à une nouvelle vie par une telle communication, véritable seuil de la communion à la grandeur ? La sainteté et la grandeur de Dieu.

 

Par une telle lecture, une telle compréhension désacralisée des textes, sans théophanie, mais où Dieu et Jésus sont plus réellement agissants l'un et l'autre, plus réellement présents l'un à l'autre, l'homme est interpellé exactement au niveau que permet et appelle son état intime.

 

Quand on y est assez préparé, on découvre alors à un degré inégalé la simplicité, la droiture, la pureté et encore la vigueur, la grandeur, la noblesse vécues de façon quasi absolue. On en reçoit intimement l'empreinte. Leur rayonnement est tel, il est si bien adapté à ce qu'on est, qu'il simplifie, rend droit et purifie, donne force, grandit et ennoblit. Il pousse à s'approcher de ce que l'on est.

 

Qui ne serait porté à l'action de grâce pour cette vision donnée à l'homme par l'homme et où l'on entrevoit son propre accomplissement dans l'approche même de ce que Dieu est ?

 

A mesure qu'on entre dans l'intelligence de ce que Jésus a vécu et qu'on y correspond soi-même dans sa propre vie, on entrevoit en lui l'annonce de toutes les exigences intimes que les hommes ont progressivement découvertes en eux et l'amorce de tout ce qu'ils ont désiré de meilleur d'eux-mêmes au cours des siècles.

 

La vie humaine de Jésus, si brève pourtant, est comme le signe de la grandeur en puissance dans chaque homme. Elle est le sacrement qui donne lumière et force pour y tendre. Dans sa singularité exceptionnelle, cette vie relève de l'universel, bien que Jésus, homme d'un temps et d'un lieu, mort jeune, soumis aux préoccupations et aux perspectives de son temps, ne s'en soit pas complètement dégagé.

 

En lui, on entrevoit, indissolublement liées, une stabilité personnelle, une conscience de sa mission, une communion et comme une familiarité avec Dieu plus qu'humaines, tellement elles se révèlent exceptionnelles dans le peu qu'on est capable d'en saisir. Elles ne peuvent provenir que d'une conscience de soi et d'une proximité de Dieu sans comparaison avec ce que permettent les activités communes qui restent à l'initiative de chacun.

 

Inséparablement, l'intelligence croissante de ce que Jésus fut dans son humanité et de ce que l'on peut devenir pas à pas à sa suite grâce à ce qu'il devient pour soit est un cheminement vers Dieu. Cette intelligence et cette progression conduisent à se hisser comme hors du temps, à se rendre Dieu présent comme si l'invisible devenait visible et que l'inconcevable pointait à l'horizon de l'esprit.

 

Vivre ainsi de Jésus comme de la présence de celui qui est aimé, dont la pensée accompagne toujours et qui est l'unique recours au cœur de la solitude personnelle.

 

Vivre de son souvenir, sous-jacent à tous les instants, jaillissant en toute occasion, sans cesse en gestation de quelque vue neuve sur ce qui s'est réellement passé de son temps, grâce à une intelligence plus profonde et plus ouverte, plus vive à certaines heures, de certains passages de l'évangile, intelligence aidée indirectement par une compréhension plus poussée et plus réaliste de leur élaboration, si fervente et si complexe, de leur transmission dans l'extrême improbabilité, dans l'extrême précarité, élaboration et transmission réussies envers et contre tout.

 

Vivre de sa présence qui, à l'heure voulue, inspire à chacun la manière particulière de se comporter, celle qu'on doit inventer pour soi-même, afin non seulement de bien correspondre aux événements et aux situations, mais aussi, dans une certaine mesure, de les susciter indirectement en s'y préparant obscurément par la fidélité. N'est-ce pas la prière en acte, née de l'être et l'engendrant, provoquant le chemin et donnant la force de le suivre ? S'inspirer de ce que, au loin et globalement, on entrevoit de la vie intime de Jésus, pour orienter, coordonner et unifier en le transposant, dans la mesure où cela relève de l'initiative personnelle, ce qui s'amorce en soi et émerge de soi.

 

Atteindre ainsi le sens de sa vie, unique et nécessaire, se percevoir au niveau de l'existence, se découvrir dans la durée et la consistance, dans l'approche existentielle de l'être qu'on devient.

 

Atteindre en Jésus une réalité essentielle qui n'est pas tout autre que ce qu'on est soi-même parce que cette réalité aide à la prise de conscience des exigences radicales qui s'imposent intimement et qu'elle permet d'y correspondre, et pourtant réalité tout autre encore par sa plénitude inaccessible montrant combien elle n'est pas du même ordre.

 

Approcher Dieu en Jésus, sans faire de l'homme qu'il fût un Dieu, mais en le pressentant tellement de Dieu qu'il en est, de son vivant, comme l'image humaine historique, accessible et visible, et qu'il peut être aussi en toute vérité l'objet de l'adoration sans qu'on cède en rien à l'idolâtrie, d'une adoration qui, partant de lui et à travers lui, s'élève vers l'éternel, le radicalement autre, l'inconcevable.

 

Grâce à la présence de Jésus agissant par elle-même et à son souvenir en continuel développement, dépasser les conceptions extrinsèques de la divinité auxquelles on est porté ataviquement par les millénaires ancestraux, seules conceptions d'ailleurs qu'on peut atteindre au début d'une vie spirituelle.

 

Ne pas retomber dans les imaginations puériles anciennes, cérébrales ou piétistes, charnellement entrées au cœur de l'homme, complices de ses peurs, de sa recherche éperdue de sécurité et de certitudes. Ne pas s'abaisser à l'athéisme vulgaire que permettent la médiocrité humaine, l'impuissance et la fascination des sens. Ne pas céder à l'athéisme raisonné qu'imposent la considération exclusive des phénomènes, l'inadaptation des moyens de représentation, l'inadéquation de la raison. Approche de Dieu à la suite de Jésus, comme Jésus de son vivant, prenant conscience de lui-même, a atteint Dieu et a été en Dieu et de Dieu.

fin

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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 14:27

suite des articles précédents

 

Les affirmations de Jésus et l'esprit général des paraboles qu'il inventa et proposa, ses prises de position vis-à-vis de la manière même dont on observait la loi autour de lui, les polémiques qu'il provoqua au sujet de la loi, tout son comportement fait apparaître au grand jour les dimensions de l'opposition entre sa religion et la religion pratiquée de façon générale dans son milieu. Tout montre l'importance de la mutation qui, à ses yeux, s'imposait à la tradition, à cette tradition dont il avait hérité, mais qu'il lui fallait accomplir.

 

Désormais et comme en écho à travers les âges, cette opposition radicale entre deux options fondamentales et, comme par ricochet, les luttes qui en découlent, vont se manifester dans les choix politiques conscients ou inconscients des hommes dans les actions qui en découlent sous les formes contingentes propres à chaque époque. Peu à peu se creuse ainsi en Jésus l'évidence que sa religion n'est plus tout à fait celle de son milieu. Par-delà les siècles, il se retrouve dans la situation et l'esprit de celui qui, appelé par Dieu, quitta son pays, sacrifia tout à la volonté qui s'imposait intimement à lui, alla contre les coutumes religieuses de son temps et devint ainsi le père des croyants. Il est de l'esprit qui, avant même qu'Abraham fût, était.

 

Peu à peu, l'opposition entre l'autorité que la loi a encore sur lui et celle qui s'inscrit impérieuse en lui, d'abord refusée, est de moins en moins niée. Cette opposition est toujours plus lucidement et franchement acceptée. Il la fait sienne, il l'épouse. Lutte sans répit en lui du passé et de l'avenir, lutte de moins en moins dissimulée et de plus en plus acceptée, lutte aussi auprès de ses disciples, action délicate, difficile, tenace, presque sans illusion, combat implacable, sans trêve, dans la lumière des évidences intimes, mais aussi dans les ténèbres que ses nuits de prière cherchent à éclairer, combat décisif qui eut raison de Judas, le patriote et le conservateur, qui conduira Jésus aux frontières de la vie qui donnent le vertige du doute et du non-sens radical, vertige devant le néant, ces frontières qui ouvrent sur l'absolu de la foi. Déjà la mort de Jean-Baptiste, le maître de sa jeunesse, montrait le chemin.

 

Apparaît, alors, à Jésus l'immensité de la tâche à laquelle il ne peut se refuser, mais qu'il ne peut pas, de son vivant, mener à bien, sa dimension surhumaine, la multitude non pas sans scribes, sans docteurs, sans hiérarques mais sans pasteurs, le petit nombre des ouvriers, leur impuissance à être à la hauteur de l'avènement qu'il lui faut provoquer, leur impossibilité d'en comprendre la dimension.

 

Alors apparaît à Jésus l'immensité de la tâche, sa dimension surhumaine, la multitude non pas sans scribes, sans docteurs, sans hiérarques, mais sans pasteurs, le petit nombre des ouvriers, leur impuissance à être à la hauteur de l'avènement qu'il lui faut provoquer, l'impossibilité d'y rien comprendre, leur manière d'en user, d'en profiter, de s'y installer. Mais aussi, après l'intérêt du début, l'inquiétude, d'abord larvée, des milieux religieux officiels, leurs propos onctueux, louvoyants, de moins en moins déguisés, leur hostilité croissante de plus en plus ouverte, de plus en plus violente et, en outre, les réactions de sa mère et des siens. Quelques mois après, le vide autour de lui.

 

Pour les uns, il est un séducteur, un illuminé, un homme aux relations douteuses, qui mine la base même d'Israël, le fossoyeur de la religion du peuple élu. Pour les autres, c'est un défaitiste et un esprit chimérique qui prêche la pauvreté aux pauvres que les riches exploitent, la miséricorde à ceux que la botte romaine écrase, l'opium du peuple, un ferment d'anarchie. Accusations, imputations qui se répètent sans fin, tels des échos à travers les âges. Les uns et les autres complotent de le supprimer. Tous voient en lui un traître à Israël. Talonné, harcelé, condamné désormais à ne pouvoir faire qui ne soit mal interprété, sous les menaces qui pèsent sur lui, toujours plus précises, plus proches, Jésus voit le caractère inéluctable de son destin.

 

Bien plus, et c'est là qu'il est le plus grand, il comprend la nécessité de sa mort pour que ses disciples découvrent enfin quelle place il a prise dans leur vie, quelle semence il a jetée en eux, quel ferment il est pour eux. Il faut que son départ creuse en eux l'abîme de l'absence pour que jaillisse du fond d'eux-mêmes sa présence, la présence que tout homme attend pour avoir la force de devenir lui-même. Sa mort, qu'il fait sienne, est nécessaire pour que sa mission puisse se poursuivre, soit sauvée malgré tout ce qui sans cesse la déviera, tendra à la pervertir. Allant vers sa fin avec foi, il y va d'un trait, sans plus rien ménager.

 

Pendant le dernier repas qu'il prend avec ses disciples, tandis que déjà l'un d'eux l'a trahi, leur donnant, comme dans un testament, le sens de ce qu'il a vécu avec eux, ce qu'ils sont alors en mesure de recevoir. Tout près des moments ultimes, après ces heures trop denses, trop lourdes même pour lui, portant dans sa chair l'angoisse du destin qu'il a jusqu'alors aimé, de l'amour qu'il porte à son Père, nourri de celui que son Père lui a témoigné, Gethsémani, sa dernière nuit de prière d'où il sort avec la force de tenir tête solennellement, d'une façon décisive, aux puissants de ce monde, ces inconvertissables.

 

Son silence plein de mépris devant Hérode, ce haut fonctionnaire, ce personnage arriviste et falot; son silence plein de condescendance pour Pilate, brave homme au fond à qui il concède la royauté de ce monde; son silence lassé face à la parodie de jugement à laquelle se livre le grand prêtre.

 

Puis la déclaration proclamée de la lutte inexpiable entre le passé qui paralyse et l'avenir qui naît, entre l'autorité qui conserve et stérilise et celle qui crée, qui rend créateur en se livrant, entre le dieu que l'homme s'approprie et le Dieu qui appelle l'homme  … L'affirmation que rien ne peut empêcher l'essentiel d'apparaître, pas plus qu'on ne peut empêcher le réel d'être, l'affirmation que sa parole ne passera pas et qu'il sera glorifié… avant que tout soit consommé, se voyant dressé dans la foi nue, abandonné, dépouillé de tout ce qui avait aidé du dehors sa mission à naître et à se développer.

 

Après sa mort, pendant quelques semaines, les charismes étranges dont furent sujets ceux qui avaient cru en lui jusqu'à la fin. Songes, visions, illuminations, pentecôtes... qui, comme la transfiguration, montrent ce que ceux-ci vivaient obscurément mais puissamment dans la profondeur de leur être, charismes qui depuis se manifestent de façon d'autant plus discrète que les hommes sont spirituellement plus adultes, que l'appel de Dieu pénètre plus avant et va plus loin.

à suivre ...

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4 mai 2010 2 04 /05 /mai /2010 13:59

suite de l'article précédent

 

Aussi n'est-ce pas seulement au niveau de l'habileté littéraire ni à celui de l'organisation technique d'un exposé qu'il faut atteindre les évangiles pour entrer dans une première connaissance de ce que Jésus a dit et fait et aussi pour deviner, autant que cela est donné à chacun, ce que Jésus a vécu et a été. Des détails souvent infimes révèlent, sans que les auteurs en aient peut-être conscience, l'aura d'amour et d'espérance qui rayonnait de leurs souvenirs personnels ou de leurs réactions devant ce qui leur avait été relaté.

 

Ces détails sont précieux pour faire voir Jésus, même s'ils sont très marqués par la mentalité des témoins ou des rédacteurs. Ils permettent des approches de Jésus mieux que les affirmations doctrinales des Écritures sur lesquelles ont pesé les charges affectives et les conceptions intellectuelles, les préoccupations et les perspectives de la société du temps. Ces détails ne peuvent être remarqués et convenablement interprétés, quoique toujours aux risques et périls de chacun, que si on lit les Ecritures avec une connaissance déjà profonde de soi et de l'homme, avec une expérience spirituelle déjà avancée. De loin, on entreverra Jésus à travers ses propos tout imprégnés de sa sagesse et de sa communion avec Dieu, à travers ses enseignements provoqués par ce dont il pressentait que les hommes avaient besoin pour bien l'entendre, à travers les confidences qu'il faisait à ses disciples à certaines heures intimes comme pour mieux saisir lui-même tout ce qui montait en lui et dont il vivait, à travers les béatitudes et les malédictions, à travers les paraboles inventées au jour le jour à mesure que toutes lui étaient comme arrachées par ses auditeurs.

 

C'est en lisant de cette manière les évangiles que l'on se rend réel ce que Jésus a vécu, que l'on y communie en profondeur. Encore que la singulière épopée spirituelle de Jésus reste certes loin au-delà de ce qu'on saurait atteindre par ses propres moyens, elle devient ainsi actuelle et présente et d'autant mieux qu'elle peut être davantage saisie et plus totalement comprise dans la ligne de ce que l'on vit soi-même. Aussi bien, il ne s'agit pas ici d'affirmer la vérité de tous ces aperçus sur la vie de Jésus mais, par une vision globale, d'en comprendre la ligne centrale et l'esprit fondamental tels que cela est accessible dans l'état actuel où on se trouve. A chacun de poursuivre pour soi cette recherche, de vivre cette découverte, de s'en inspirer à longueur d'années, suivant les étapes de sa maturation.

 

Ainsi pour moi, son incartade d'enfant de douze ans à Jérusalem, relaté par Luc, serait la première manifestation du caractère vigoureux, décidé, de cet enfant, de son ouverture sur les questions religieuses, première amorce de sa vocation, première séparation du milieu familial. Puis la secrète évolution de sa vie d'artisan de village durant quelques vingt ans qui l'a conduit à se joindre à la foule des pèlerins sur les bords du Jourdain et la singulière reconnaissance de Jean qui découvre en lui un disciple de choix, peut-être déjà un maître. Son écho dans le cœur de Jésus, l'horizon qui s'éclaire et s'élargit. Ce qu'il en a dit plus tard dans ses confidences et qui nous est parvenu à travers les commérages et les disputes de disciples. Plus tard, la lecture à la synagogue de Nazareth du texte d'Isaïe, lumière éblouissante sur l'avenir qui s'ouvre.

 

Perspectives crues sur-le-champ, quoique incroyables. Jésus en fut tellement illuminé que tous ceux qui le connaissaient depuis l'enfance le regardent muets, étonnés, dans le pressentiment des instants décisifs. Le voilà qui se lève, quitte les siens, son village, et part. Sa découverte des petits et des déshérités de la vie, sa pitié passionnée pour les exclus et les rebuts de la société. Parfois cette puissance étrange de guérison qui monte en lui, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent et les pauvres sont évangélisés. Vie nouvelle qui s'affirme toujours davantage, à chaque occasion, par son immense succès, par son exacte correspondance à ce qui est secrètement attendu de tous, attendu mais encore submergé sous le vice et le malheur, encore enfoui sous les mœurs et les coutumes.

 

Quelles confirmations de sa voie, quelle proximité avec Dieu qui lui a donné une telle mission, quelle intimité avec ce Père qui le conduit pas à pas, mieux encore qui l'engendre peu à peu ! Le repos de ses jours de tournée, après la fatigue, le havre de ses nuits de prière après les harassements de la multitude. Mais aussi quelles tentations, quelles embûches Jésus n'a-t-il pas déjouées peu à peu au long de sa mission, grâce à son intériorité où se développait son intimité avec Dieu !

 

Ne pas être victime du succès de ses premiers contacts avec les foules juives, ne pas voir dans ce succès une indication de la volonté divine, ne pas le préférer, quoique ce succès soit d'une singulière puissance auprès de lui, à ce qui sourd peu à peu en lui sous la forme de fines évidences et de vastes perspectives dans la solitude de ses nuits de prière. Au contraire, s'attacher à ces intuitions malgré leur subtilité et leur précarité, malgré leur invraisemblance.

 

Résister, au mépris de tout ce qui l'y portait, à la pitié devant l'immense misère, physiologique ou autre, des petits et des rejetés de la société, car cette puissance de miracle qui montait en lui, par la violence des désirs et des sentiments qu'elle soulevait, ne porte pas de soi vers la conversion du cœur qui, tout impossible qu'elle lui paraissait, s'imposait à lui comme l'objet essentiel de sa mission.

 

Résister, en ces temps d'oppression, à la puissante passion patriotico-religieuse d'Israël, nourrie d'un passé millénaire où Dieu était partout présent, passé rempli d'actes de foi et de courage, passé propre à ce peuple dont la solidarité raciale semble unique. Se refuser à d'abord conscientiser et à faire conquérir la liberté politique, finalement à se laisser aller à penser que seraient ainsi atteintes, comme de soi, l'exigence de la conscience et la liberté du cœur.

 

Au lieu de suivre l'appel intérieur, quelle tentation de se laisser entraîner par les événements et même d'aller au-devant d'eux, de les provoquer. Grisé par la gloire et la puissance de Dieu, quelle tentation de forcer en quelque sorte la motion de Dieu au lieu de l'attendre, immobile dans la disponibilité, d'enjamber sur le temps de Dieu sous la poussée de ce qui est donné aujourd'hui mais seulement pour préparer demain. Quelle tentation de convertir au lieu d'appeler à la conversion. Cependant l'essentiel de la vie de Jésus est au-delà

 

L'appel intime qui singularise Jésus à l'extrême et le fait devenir lui-même, monte en lui devant l'immense misère d'un peuple qui devient chaque jour davantage son peuple. Devant l'énorme gâchis des possibilités spirituelles que cette misère rend presque fatale, Jésus est conduit impérieusement, pour correspondre à la volonté de son Père, à condamner la manière dont les puissants et les nantis s'établissent dans la religion d'Israël, à condamner la manière dont ceux-ci se protègent, derrière la loi et les prescriptions légales, des comportements impérieux qui pourtant devraient s'imposer à eux avec force dans l'intime, à condamner même la piété des Juifs les plus fidèles qui, non seulement obéissent aux commandements, mais les aiment religieusement en en faisant un but, car c'est là encore fuite devant le réel et idolâtrie.

 

Il y a dans l'existence de Jésus une telle qualité d'être, une telle lumière de jugement, une telle puissance de décision, une telle fidélité sans faille allant avec certitude et sécurité jusqu'au bout, sans dévier, qu'il me semble avoir épuisé toute la potentialité humaine de façon surhumaine.

 

D'une part, la soumission dans la docilité aveugle à la loi considérée comme sacrée, voire comme volonté de Dieu sur l'homme, et la socialisation actuelle y pousse à sa manière laïcisée, mais encore toute dictatoriale. D'autre part, la liberté humaine dans une recherche de la fidélité atteinte avec l'aide de la loi, mais s'exerçant au-delà de celle-ci, liberté qui permet à l'homme de faire l'approche de son mystère et de répondre à l'appel de Dieu. Cette liberté de l'être est toute différente de la liberté anarchique du choix dans la gratuité du caprice ou même dans la sincérité qui, par manque d'intériorité, se refuse aux étapes exigeantes vers l'authenticité.

 

D'une part encore, affirmer que la perfectibilité illimitée de la loi est possible sans être soutenue et, dans une certaine mesure, précédée par celle de l'homme. Affirmer que la loi, grâce à une organisation technique réalisable, peut résoudre toutes les questions de base que l'existence humaine pose à chacun. D'autre part, la certitude que seule la croissance de l'intériorité, croissance illimitée dans ses développements, peut faire naître l'homme à la liberté et lui permettre d'atteindre le sens de sa vie, sa raison d'être. Mieux encore, la certitude que seule l'intériorité peut faire en sorte que rien ne puisse être radicalement aliénant pour l'homme et en arriver à le détruire dans l'essentiel.

 

Jésus a vécu la secrète tension entre la tradition imposée du dehors globalement, à lui comme à tous, et son inspiration personnelle. Cette inspiration provenait du message et de la mission que cette tradition avait préparés en lui de longue date indirectement, secrètement. Cette inspiration provenait également de ce qu'il percevait dans le présent, au jour le jour et comme par réaction. Jésus a su prendre conscience de cette tension et ne pas se refuser à l'appel qu'elle lui faisait entendre. Fruit de l'intériorité, cette tension l'a porté à développer encore davantage cette intériorité, à prendre conscience progressivement de sa mission, à atteindre la certitude que cette mission était d'importance capitale au point de déborder les temps et les lieux, au point d'être universelle et de ne pas pouvoir passer

à suivre ...

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 14:51

Conférence donnée à Fribourg, le 20 juillet 1977, parue dans Quelques nouvelles, bulletin de la mouvance des Amis de Marcel Légaut, n° 223 (juin 2009), à 233 (mai 2010), ... et n'ayant pas perdue une seule ride !

Marcel Légaut (1900-1990), normalien, agrégé et docteur en mathématiques, était professeur laïc. Il exerça à l’université de Rennes de 1925 à 1940. Il changea radicalement de vie ensuite pour s'établir dans un village de la Drôme (France) comme propriétaire agriculteur et berger. Pour en savoir plus : voir
le site de cette mouvance. Il existe une Association culturelle des Amis de Marcel Légaut à laquelle vous pouvez adhérer et le bulletin "Quelques nouvelles" que vous pouvez recevoir par voie électronique (contact).

 

La crise actuelle de l'Église est sans nul doute la plus grave de toutes celles qu'elle a eu à connaître. Cette crise qui menace d'être mortelle oblige les chrétiens à repenser leur fidélité de croyants. Il leur faut enraciner leur vie de foi de façon plus profonde que jadis ou du moins de façon plus consciente, plus explicite. Ils ont à être plus originalement religieux, de par leur foi chrétienne, en devenant plus réellement disciples de Jésus.

 

Dans le passé, un passé encore tout récent, les chrétiens s'imaginaient à tort qu'il leur suffirait de se laisser porter par l'Eglise, de tout recevoir d'elle avec docilité, et qu'ils correspondaient ainsi vraiment et pleinement au message de Jésus. Grâce au catéchisme appris dans leur jeunesse, grâce aux sermons dominicaux entendus chaque semaine à l'Eglise, les fidèles s'imaginaient qu'ils connaissaient Jésus et qu'ils croyaient en lui comme il convient, et que cela suffit pour s'affirmer chrétiens. En ces temps décisifs qui s'ouvrent pour l'Église, en ces heures cruciales que nous aurons à vivre dans les prochaines décennies, toutes les facilités qui nous aidaient à être chrétiens nous sont peu à peu enlevées.

 

 Aujourd'hui, la société n'est plus une chrétienté comme dans le passé. Elle ne nous porte plus à être chrétiens comme jadis quand la pratique religieuse était unanimement observée. Tout au contraire, la société, par l'efficacité de ses techniques, nous conduit insensiblement mais continûment, puissamment, à jouir de la vie dans un climat insidieusement, subtilement matérialiste. La société nous accapare par les activités dévorantes qu'elle nous fait mener. Elle nous distrait de nous-mêmes par la frénésie des activités qu'exige l'accroissement sans fin des besoins qu'elle nous crée. De plus, nombre des assurances, des évidences qui, dans le passé, étaient intimement liées, soudées à l'essentiel du message de Jésus, sont contestées et nous sont enlevées. Dans l'ensemble des domaines où les sciences de tous ordres ont légitimement leur mot à dire avec autorité, ces facilités qui se montrent maintenant indues, nous sont peu à peu retirées. Désormais, par rapport à la situation qui était la nôtre il y a encore peu de temps, nous faisons figures de fils dépossédés. Cela ne fera que s'accentuer. Pour devenir ou même pour rester véritablement croyants, nous avons tout à reprendre par la base afin d'assurer la solidité de notre foi. Aussi bien n'est-il pas excessif de penser que, dans ces nouvelles conditions, l'Église est conduite inéluctablement à naître à nouveau. A partir de tout son passé où le meilleur voisine avec le pire, à l'aide de sa tradition où l'essentiel est intimement fondu avec le contingent, elle a besoin de connaître une véritable mutation pour pouvoir continuer sa mission dans le monde. Ainsi l'Eglise retrouvera, mais d'une tout autre manière, d'une manière plus spécifiquement chrétienne que dans sa longue histoire, le singulier rayonnement de ses origines.

Ainsi, s'imaginer que l'on connaît Jésus de Nazareth parce qu'on en a entendu beaucoup parler est un obstacle difficile à surmonter. Dans la chrétienté de jadis, par la manière dont les chrétiens accédaient ordinairement dans leur jeunesse à la pratique religieuse, ils croyaient trop facilement à ce qu'on leur enseignait. Assurés d'avoir foi en Jésus, au vrai ils l'ignoraient ou, du moins, ils ne soupçonnaient pas tout ce que devrait leur apporter l'intelligence de la vie humaine de Jésus pour vivre, eux aussi, pleinement, leur destinée d'homme et, par-delà, pour atteindre à leur stature éternelle. Une religion fondée doctrinalement sur Jésus-Christ demeure irréelle malgré les pratiques individuelles et collectives, sentimentales et intellectuelles fréquemment répétées qu'elle commande. En effet, ces pratiques restent à la surface de la vie, elles lui donnent un cadre et, dans les conditions les plus favorables, un climat. Elles n'épousent pas les potentialités de l'homme, base de toute vie spirituelle authentique. Elles ne les mettent pas en valeur. Elles se bornent à régler le cours du dire, du faire, du comportement, autant que cela est possible. Hélas, cette religion dispense d'autant mieux ses adeptes de toute recherche personnelle sur Jésus que, avec plus de précision et dans le détail, elle assigne au Christ une place capitale dans le créé. Ce faisant même si elle affirme avec force le mystère de Jésus, elle le dépouille de son mystère. Pour qui ne s'efforce pas d'entrer un peu dans l'intelligence de la vie humaine de Jésus, le Verbe de Dieu n'est finalement qu'un contexte défini à partir de notions cohérentes, un contexte pieux mais encore verbal, contexte cultivant seulement les sentiments instinctifs que l'homme ressent devant le sacré. Ainsi derrière une doctrine, une telle religion, encore généralement pratiquée, dissimule la question que Jésus pose à tout être qui s'affronte réellement à sa condition d'homme.

En toute bonne conscience, beaucoup de chrétiens se sont ainsi jadis abstenus de chercher qui est Jésus. N'est-ce pas encore le cas de beaucoup d'entre nous qui sommes nés dans la première moitié du XX° siècle ? Dans notre jeunesse, avec une docilité enfantine, relevant aussi dans une certaine mesure de la crédulité, nous avons accepté sans examen des affirmations au sujet de Jésus qui nous ont paru d'emblée satisfaisantes parce que nous ne nous étions pas encore posé les questions dont elles veulent être les réponses. Fournisseuses d'absolu et s'y référant, ces vues élémentaires sur Jésus ne demandent aucune préparation humaine pour être comprises au niveau trop uniquement sentimental où nécessairement elles doivent être présentées pour être reçues. Ceux qui les accueillent le font toujours avec beaucoup d'inconscience à laquelle se mêle souvent quelque indifférence. Sans exclure un approfondissement ultérieur, la clarté apparente, toute faite de logique et de convenances superficielles, ne le demande pas et souvent au contraire, en dispense. A bon compte, ces affirmations doctrinales procurent la sécurité à ceux qui s'en contentent. Cela suffit pratiquement pour qu'on les juge convaincantes. Elles nourrissent un sens approximatif du devoir et de la piété, non sans les contaminer de formalisme et d'affectivité dévote. Elles ne refusent pas de s'allier avec la superstition si elles peuvent ainsi mieux s'imposer. Finalement, ces affirmations doctrinales restent presque totalement stériles au niveau proprement spirituel. Malgré le vocabulaire utilisé, elles ne sont pas le ferment d'une vie spécifiquement chrétienne, elles n'appellent pas à être vraiment disciples de Jésus.

Dans ces conditions, à mesure que les chrétiens avancent en âge, leurs manières de concevoir Jésus ne concernent de plus en plus que les comportements extérieurs et mondains car elles ne portent pas l'écho de leur être profond et ne le pénètrent pas. En temps ordinaire, elles ne sont la réponse à aucun besoin vital, à aucune attente fondamentale. D'ailleurs, reprendre ces doctrines, les critiquer avec l'exigence qu'ils considéreraient comme légitime et indispensable dans tout autre domaine, leur paraît dangereux. Se livrer à cette étude approfondie leur semble peccamineux. Aussi fondent-ils leur religion, sans y prendre garde, sur des assises dont ils ne se contenteraient pour rien au monde de ce qui leur tient vraiment à cœur.

Désormais le long cheminement qui a conduit quelques Juifs à la foi en Jésus est nécessaire au croyant pour qu'il ne se borne pas à faire du christianisme une religion simplement meilleure que les autres. Cette recherche ne peut que durer toute la vie, tant elle est exigeante. Elle caractérise le disciple de Jésus parmi les hommes qui adhèrent à quelque idéologie religieuse par entraînement sociologique ou encore grâce à une conviction plus personnelle. Même si au départ, pour un tel homme, cette recherche fut directement préparée par l'élévation de la doctrine, la foi dans laquelle ce chrétien grandira ne se bornera plus finalement à la simple adhésion à un credo, conséquence principalement d'une idéologie ou d'un enseignement ayant autorité. Cette foi transcendera nécessairement la simple adhésion aux croyances reçues au temps de l'enfance ou que la ferveur d'un groupe a parfois permis d'atteindre et de cultiver au départ. Toujours elle devra transcender les évidences.

A force de s'appliquer à la vie spirituelle et de s'efforcer vers l'authenticité et non pas seulement vers la conformité, à force d'approfondir son intelligence de la condition humaine et du passé religieux des hommes, surtout celui des chrétiens, le disciple croîtra dans la foi en Jésus. Il le fera par un cheminement intérieur très dépendant, non seulement de ce qu'il est, mais aussi de son milieu et des événements. Il découvrira la nature particulière de cette foi. Il en défendra et ainsi en conservera le caractère abrupt. Il le fera malgré son attrait pour les idéologies qui satisfont l'esprit et le cœur, en dépit aussi de la sécurité que celles-ci lui assurent. De l'adhésion à une doctrine où Jésus est le centre, doctrine logiquement cohérente, construite à partir de la relation des faits et des traditions qu'elle interprète et coordonne, le chrétien en voie de devenir disciple passera à la foi en Jésus, semblable pour l'essentiel, sinon par ce qui l'étale et la soutient, à celle qui naquit dans les apôtres quand ils étaient auprès de leur Maître.

A la lumière de sa vie spirituelle, ce chrétien s'efforcera de retrouver l'itinéraire intérieur des premiers disciples, non certes pour les imiter par une démarche artificielle nécessairement forcée et superficielle, mais pour comprendre ce que Jésus fut fondamentalement pour eux et ce que Jésus peut devenir pour lui. C'est ainsi qu'il sera conduit à entrevoir Jésus grâce aux documents de l'histoire, à ce qu'ils rapportent en clair mais aussi à ce qu'ils suggèrent, à partir de sa propre expérience humaine. En méditant sur les conditions dans lesquelles s'est développée la prédication évangélique à travers les siècles, sur les réactions qu'elle a provoquées, sur ses réussites mais aussi sur ses échecs, le chrétien s'efforcera de faire l'approche des raisons et de la portée d'un message que, malgré leur foi et tout leur amour, les apôtres n'avaient pas la possibilité en leur temps d'expliciter dans sa pureté ni dans sa totalité. Une telle prise de conscience sera fondamentalement semblable, malgré des conditions très différentes, à celle qui a permis jadis aux disciples d'entrer dans l'intelligence intime de Jésus. Elle fera naître la vénération en ce chrétien qui ne sera plus seulement adepte par croyance idéologique, mais qui deviendra disciple par filiation spirituelle. Cette filiation, à mesure qu'elle s'accomplira revêtira un caractère absolu tant ce croyant sera conduit à y correspondre sans réserve et toujours davantage.

A vrai dire, il n'est pas possible de connaître Jésus de Nazareth tel qu'on pouvait le voir et l'entendre quand il parlait et agissait. Il n'a rien écrit. Son action auprès des hommes n'a connu une extension importante que pendant quelques mois. On peut l'atteindre seulement à travers ce que ses disciples ont vu de lui, ont retenu et compris de ses actes et de ses paroles. Les faits de sa vie, ses actions comme ses discours, ne sont connus que par une tradition orale. Cette tradition n'est devenue écrite qu'à une époque relativement tardive, tradition fervente sans nul doute, fidèle d'intention certes, mais par l'intérêt qu'elle soulevait était-elle à l'abri des commentaires qu'elle appelait, des additions qui l'enjolivaient, de tout ce qui lui convenait trop bien pour n'être pas amalgamée avec elle ? Qui saurait l'affirmer, connaissant les manières d'écrire de ces temps ?

Il est impossible d'apprécier le degré d'exactitude des textes qui transmettent cette tradition issue des origines chrétiennes. Ils rapportent les événements comme on le faisait à l'époque, sans le souci de rigueur historique que l'esprit scientifique moderne exige avec raison. Ainsi voué à une ignorance sans remède, autant par ce qui a été ajouté que par ce qui a été omis inconsciemment ou même retranché peut-être volontairement, on ne saurait écrire une vie de Jésus avec quelque certitude que dans ses grandes lignes et non dans le détail. Ce qui reste de Jésus est semblable aux vestiges d'un édifice d'un passé lointain dont l'importance laisse encore à l'homme la possibilité, s'il s'y efforce vraiment, non pas d'en retrouver avec exactitude toutes les parties, mais de concevoir son exceptionnelle grandeur et surtout d'entrer par l'esprit dans son style. Devant ce monument d'un temps reculé qu'une végétation luxuriante et désordonnée recouvre, dissimule, mais aussi signale par son abondance même, l'homme, quand il s'y arrête avec l'attention nécessaire, est appelé à une réflexion qui le porte bien au-delà de l'architecture et de l'histoire. Il est conduit jusqu'en lui-même, là où il est non pas spectateur mais témoin. Il participe de loin mais aussi de près, du plus intime de lui-même, à cette épopée spirituelle, lumière mais aussi pierre d'achoppement, révélation d'une grandeur qui lui fait encore signe.

Les Ecritures nous rapportent ce que les premières Eglises ont compris et vécu du message et de la vie de Jésus. Même si leurs auteurs rapportent des événements du temps, des actions et des dires de Jésus de façon sommaire et simplifiée à l'extrême jusqu'à conduire parfois le lecteur, enfermé dans un univers mental tout autre, à les dénaturer, à leur attribuer une réalité et une portée sans commune mesure avec celles qui leur étaient alors données, même si en outre ces auteurs ajoutent à leurs récits quelques anecdotes de pure fabulation, quelques gloses de leur cru qu'ils jugent convenables, ils le font dans un climat très particulier qui confère indirectement une grande valeur humaine à ce qu'ils écrivent. Ce qu'ils écrivent vient de ce qu'ils vivent en profondeur et dans l'authenticité. Ces auteurs avaient la conviction, en se consacrant à la rédaction de ces récits, de se livrer à une œuvre capitale, unique, I'œuvre de leur vie, d'une vie transformée totalement par leur rencontre avec Jésus, par leur foi en Jésus. Ils le firent avec un intérêt dont témoigne, comme en écho à travers les premiers siècles de l'ère chrétienne, la ferveur de la multitude des copistes et innombrables commentateurs qui s'affairèrent autour de ces manuscrits vénérés comme les antiques tables de la loi.

Même les œuvres les plus géniales de l'Antiquité n'ont rien suscité de comparable. C'est pourquoi malgré le caractère étrange de nombreux passages, les évangiles interpellent leurs lecteurs comme nulle autre œuvre. Encore faut-il que ces lecteurs aient suffisamment pris conscience de leur condition d'homme. Encore faut-il que cette lecture soit faite dans un climat suffisamment recueilli, climat qui dépasse de beaucoup la simple attention au texte. Alors les évangiles interpellent avec une force qui ne tire pas sa puissance des matériaux utilisés, des procédés de l'exposition, mais de l'universel dans lequel ils s'enracinent et dont ils portent témoignage d'une manière directe quoique encore sous une forme comme neutre et impersonnelle.

 

à suivre ... en activant la rubrique "Jésus par Marcel Légaut" (lien)

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