En 1988, trois laboratoires ont étudié un échantillon du linceul de Turin avec la méthode du carbone 14. Ces laboratoires, l’un en Suisse, l’autre en Grande-Bretagne et le dernier en Arkansas aux Etats-Unis, ont présenté un tir pas trop précis mais indiquant sans conteste des dates du Moyen âge, entre 1260 et 1390, ce qui correspond par ailleurs à la présence de ce linceul au village de Lirey en 1357. Dès lors, auprès de la communauté scientifique, dans les médias et dans l’opinion publique - y compris chrétienne - la cause était entendue : c’était un faux de l’époque des reliques fabriquées pour la foule naïve des pèlerins.
Mais quelle hâte ! quel soulagement pour certains ! Je me souviens d’un brave dominicain proclamant que seule la foi comptait (mais qu’en sait-il donc ce bavard !) et que, Dieu merci, l’homme n’avait aucun support matériel pour croire – pas même cette pièce d’étoffe puisque c’était un faux. Belle envolée ! Or, pour une fois qu’on a un document archéologique sous la main, ne vaut-il pas mieux l’étudier sérieusement et sereinement ?
D’autant plus que cette datation, non contestable, s’inscrivait en totale contradiction avec l’analyse du linceul et des traces s’y trouvant : un tissu en lin, tissé comme ce qui se faisait à l’époque de Jésus en Palestine, contenant d’ailleurs du pollen de cette région, marqué de sang et de sérum (en auréole des tâches sang et invisible à l’œil nu), ayant contenu un corps de crucifié et, mieux, qui a subit la passion selon les évangiles (coups de flagellations, couronne d’épine, coup de lance afin de vérifier le décès avant le commencement du sabbat, non lavement du corps avec des parfums). Les traces relevaient d’une oxydation du tissu, sans aucun pigment de peinture, et ne pouvait donc pas être un faux de la part d’un artiste peintre.
Contradiction aussi avec les données des historiens, le linceul, plié, ayant été vu, de sources bien établies, à Edesse et à Constantinople et ayant été reproduit par les peintres des icônes orthodoxes et par un artiste hongrois dans une enluminure du codex De Pray daté de 1192-1195 (voir notre article « Lorsque les historiens défendent le Suaire de Turin ») http://etudes.unitariennes.over-blog.com/article-35638522.html )
Au lieu de crier au faux et de jouer aux perroquets, il fallait donc résoudre cette contradiction. De toute façon, croire à un faux du Moyen âge n’était pas du tout fiable car il aurait fallu alors expliquer comment un artiste de cette époque aurait pu s’y prendre ... sans utiliser de pigments !
L’énigme a enfin été trouvée grâce à des tisserands et dûment vérifiée par des chercheurs. Il s'avère que l’échantillon a été pris à l’angle en bas et à gauche du linceul afin d'abîmer le moins possible. Or cette partie a été re-tissée, sans doute pour rétablir le rectangle de la pièce qui avait été quelque peu échancré pour faire des reliques. Il n’y a pas eu simple ajout d’une pièce pour boucher l'espace manq uant, mais re-tissage à partir d’un effilochage des fils des bords échancrés, ceci avec des fils de coton torsadés avec ceux du lin du linceul afin que la jointure ne soit pas visible. Mieux, les fils de coton ont été teints en ocre afin de s’assimiler à l’oxydation du lin du linceul. Ce ravaudage a été effectivement fait au Moyen âge (à Constantinople ou à Lirey ?). Mieux, les dates différentes qui ont été obtenues des analyses au carbone 14 (quand même 130 ans pour une date peu éloignée !) correspondent tout simplement à la présence plus ou moins abondante des fils de lin d’origine.
Il faudrait donc refaire une datation au carbone 14, mais cette fois-ci à partir d’un échantillon plus central. Une piste : le linceul a été nettoyé des parties carbonisées qui restaient encore visibles et qui datent de l’incendie de Chambéry en 1532 ; ors ces parties enlevées ont été pieusement conservée : l’Eglise catholique acceptera-t-elle de s’en dessaisir pour une seconde analyse au carbone 14 ?
Source : émission sur ARTE le samedi 3 avril 2010 à 20h 40 « Le Suaire de Turin : la nouvelle enquête » (film de 47mn réalisé en 2008 au Royaume Uni par Michael Epstein)
maison d’un tisserand à Aignay-le-duc (Côte d’Or) (lien)