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24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 19:01

noun.jpg"Nazôréens" dans le Nouveau testament, "Nasarah" dans le Coran. Mais les Mandéens (Sabéens) – Mandaeans/ Sabbehies- se désignent aussi comme "Nazoraiï".

Au IVe siècle, Epiphane (dans son Panarion) désignait les judéo-chrétiens comme "Nazôréens".
Les Sassanides Zoroastriens du IIIe siècle distinguaient les "Kristiyane" (qui seraient les chrétiens) des "Nazoraye" (qui seraient des judéo-chrétiens ou des Mandéens)

Message de Michel Jas au groupe "Protestantisme libéral" de Facbook, le 24 juillet 2014.

 

illustration : noun, la lettre de l'alphabet arabe pour le "N" (de Nasarah). Elle fut peinte sur les portes des chrétiens de Mossoul en juillet 2014 par les fanatiques du prétendu Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL).

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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 05:18

ariel_alvarez_valdes_enigmes_de_la_passion.jpegLes révoltes politiques que Jésus a connues et son message du Royaume, par Ariel Alvarez Valdés, théologien et bibliste argentin, paru dans Exodo, trimestriel de langue espagnole, n° 106, décembre 2010, traduit en français et reproduit par Edouard Mairlot dans son article Le "Royaume" selon Jésus : les leçons d'une histoire mouvementée ? (Libre pensée chrétienne, n° 23, juillet-août-septembre 2013, pp. 4-8, lien). Nous remercions la revue LPC et Edouard Mairlot pour leur autorisation de reproduire ce texte.

Ariel Alvarez Valdès présentant son livre Los enigmas de la Pasion de Jesus

 

Une secousse politique à deux pas de la maison 

En l’an 4 av. J-C., mourut le roi Hérode alors que Jésus n’était qu’un enfant de deux - trois ans et qu’il vivait à Nazareth. Hérode avait gouverné le pays d’une main de fer durant près de quarante ans, si bien que sa mort provoqua un grand vide du pouvoir. De violentes manifestations explosèrent alors dans tout le pays.

La première eut lieu à Séforis, tout près de la maison de l’enfant Jésus. C’était une ville riche et puissante, à 6 km de Nazareth. Judas, un personnage issu des classes les plus populaires de Galilée, qui était à la tête d’un groupe de brigands depuis un moment, dirigeait la révolte. Profitant de la mort d’Hérode, il prit d’assaut le palais royal de Séforis et s’empara des armes qui y étaient entreposées. Il équipa ses hommes avec celles-ci, pilla les réserves qui se trouvaient là, et se proclama roi d’Israël. Fort du soutien de ceux qui le suivaient, il en vint à contrôler toute la région de Galilée, y inclus Nazareth où Jésus vivait avec ses parents.
Peu après, dans la province de Pérée, à l’est de Jérusalem, un homme appelé Simon, ancien esclave d’Hérode, se souleva lui aussi et, à la tête d’une horde nombreuse, mit le feu à un autre palais royal qu’Hérode avait à Jéricho et il s’y proclama roi.
Finalement au sud, dans la province de Judée, un berger d’une force physique énorme appelé Atronge, prit également la couronne royale et, avec ses quatre frères qu’il nomma généraux, il soumit toute la région.
Les leaders de ces révoltes furent appuyés par les gens et jouirent d’une grande popularité. D’abord parce qu’ils étaient tous Juifs, et que cela faisait longtemps que le peuple avait la nostalgie d’un roi autochtone. Hérode, en effet, n’était pas Juif mais Iduméen. Tous ces dirigeants étaient de plus à la fois d’origine modeste et  charismatiques, comme l’avait été le grand roi David. Tous ces leaders avaient donc, d’une certaine façon, réussi à raviver les espérances jamais oubliées d’un roi Messie qui viendrait libérer le peuple de l’oppression étrangère.


Quand les rêves sont réduits à néant

La survenue de ces trois chefs, qui s’autoproclamaient Messie, suscita partout toute une agitation enthousiaste si bien que la Palestine se vit rapidement engagée dans la violence et les délires d’une libération.
Face à cette révolte généralisée, la réaction de Rome ne se fit pas attendre. Le général Publius Varus, installé à ce moment en Syrie, prit immédiatement trois légions et marcha contre les révoltés. Il alla d’abord en Pérée où il étouffa le mouvement de Simon. Il écrasa ensuite les rebelles d’Atronge en Judée et en crucifia plus de 2.000 près de Jérusalem. Mais le châtiment le plus dur fut pour la Galilée, la patrie de Jésus. Varus assiégea Séforis, fit prisonnier et exécuta Judas, mit le feu à la ville, réduisit en cendres tous ses édifices, et finalement, parce qu’ils avaient appuyé Judas, fit vendre comme esclaves tous ses habitants.
C’est ainsi que la brutale répression romaine mit fin à ces tentatives d’inspiration messianique qui avaient éveillé tant d’attentes parmi le peuple. L’importance des troupes que Varus dut utiliser pour les réduire montre bien l’énorme soutien populaire dont elles avaient profité. Le souvenir de la "guerre de Varus", comme on l’appela par la suite, resta à jamais gravé dans la mémoire juive comme un des épisodes les plus sanglants auquel le peuple juif eût été affronté.
Pendant ce temps, tout près de là, l’enfant Jésus vivait sans souci dans les bras de  Marie, sans se préoccuper de ces terribles châtiments et crucifixions dont souffrait sa patrie, et sans encore rien comprendre de qui peut être ce Messie ou des causes sous-jacentes aux soulèvements en cours.


Seul Dieu pouvait le percevoir

En l’an 6 ap. J-C., Jésus étant déjà un adolescent d’environ 13 ans, une seconde vague de résistance à Rome se souleva dans le pays. Cette fois, les conséquences furent encore plus graves que les fois précédentes. A nouveau, le centre du soulèvement fut la Galilée où vivait Jésus. Il a donc dû connaitre tous les détails de ces troubles.

L’initiateur en fut un maître religieux, appelé Judas le Galiléen. Il fut provoqué par un changement dans l’administration dans le sud du pays, c’est-à-dire les provinces de Judée, Samarie et Idumée qui, jusqu’alors, étaient dirigées par un gouverneur juif [ndlr - Archélaüs, ethnarque de Judée et de Samarie]. En l’an 6, les Romains le destituèrent parce qu’il ne les satisfaisait pas, annexèrent le territoire à Rome et l’administrèrent directement par un préfet. Ils créèrent en conséquence un nouvel impôt appelé tributum soli (impôt sur le sol).
Le Grand Prêtre de Jérusalem soutint la mesure pour éviter de plus grands maux et ordonna d’accepter cet impôt. Mais Judas n’en tint pas compte et réagit violemment contre ce dernier. Bien que né à Gamala, au nord de la Galaunitide, et qu’en conséquence le nouvel impôt ne le concernât pas, il vint à Jérusalem et de là commença à exhorter la population à ne pas le payer. L’argument qu’il donnait était clair : Dieu est l’unique propriétaire de la terre, et en conséquence, l’empereur n’a pas le droit de lever des impôts sur le sol d’Israël.
L’insurrection de Judas n’était pas militaire, comme les précédentes, mais pacifique. Judas ne prétendait pas se proclamer messie, mais il voulait la reconnaissance de Dieu comme roi du pays et de ses droits sur son sol. C’était donc un mouvement "théocratique", religieux, non violent, qui cherchait à imposer des idées et non pas des structures. Mais en mettant en question l’impôt de Rome il défiait l’autorité impériale et, avec elle, la présence romaine en Palestine. Les Romains le considérèrent donc comme dangereux, d’autant plus qu’il était parvenu à ce que tout le pays soit de son avis. Ils le poursuivirent donc, le prirent et le tuèrent sans ménagements. (Ac 5, 37)
A ce moment, Jésus déjà adolescent avec ses treize ans, dans l’atelier de Nazareth, apprenait de son père comment devenir un bon artisan. […]

Plonger les gens dans l’eau
   
C’est en l’an 26, Jésus étant déjà un adulte, qu’un troisième mouvement apparut dans le pays. Son fondateur était Jean le Baptiste, un austère prédicateur de la province de Judée.
Jean avait vu comment tant la violence (celle des groupes messianiques) que l’affrontement aux autorités (dans le groupe théocratique) avaient fait échouer les essais de changement qui l’avaient précédé. C’est pourquoi il décida de fonder un autre courant, un mouvement prophétique, qui mettait plutôt en avant le ressourcement intérieur d’un chacun. Il s’installa dans le désert de Judas et se mit à y annoncer son message.
Ce que Jean enseignait était que le peuple d’Israël traversait une crise profonde, dont la cause était sa rébellion contre Dieu, c’est-à-dire son péché. Jean invitait en conséquence à cesser d’offenser Dieu, à confesser ses péchés, à se faire baptiser comme signe du changement, et ensuite à rentrer chez soi dans l’attente du jugement final qui était tout proche (Mt 3, 7-10).  Qui ne le faisait pas courait le risque d’être annihilé quand viendrait le châtiment divin qui était imminent.
Le pouvoir d’attraction qu’exerçait Jean était impressionnant, et son annonce fut un choc dans la société de son temps si bien que l’on accourait de toute part pour l’écouter, se faire baptiser et se proclamer disciple du Baptiste.
Son message, bien qu’éminemment religieux, avait également des implications politiques. L’arrivée du Royaume de Dieu qu’il annonçait, signifiait en même temps la disparition des divers pouvoirs oppresseurs des juifs, entre autre les autorités civiles.
Pour s’être attaqué aux mœurs d’Hérode Antipas, celui-ci l’élimina. […]

A la recherche d’un autre péché

Quand, au début de l’an 27, Jésus sortit pour prêcher, et qu’il chercha à créer un mouvement de résistance, il connaissait divers modèles et pouvait s’en s’inspirer et choisir. Mais il avait appris la leçon que lui donnaient ses prédécesseurs. C’est pourquoi il ne fonda pas un mouvement messianico-militaire, comme celui de Simon ou d’Atronge, invitant les gens à l’insurrection armée. Il ne fonda pas non plus un mouvement théocratique, comme celui de Judas le Galiléen, pour changer la société grâce à la résistance passive à l’autorité. Et bien qu’il fût disciple de Jean Baptiste, il n’opta pas non plus pour un mouvement prophétique comme le sien, plus préoccupé de ne pas offenser Dieu que de changer intérieurement.
Jésus chercha une quatrième voie. Il avait compris que le Royaume de Dieu, la transformation sociale, la rénovation anxieuse pour laquelle chefs et mouvements révolutionnaires avaient lutté, n’aurait lieu que si les hommes s’occupaient avec amour de la souffrance de l’autre. Alors que Jean avait basé sa prédication sur l’élimination du péché du monde (Mc 1.4), c’est-à-dire sur le fait que l’on cesse d’offenser Dieu, Jésus avait compris les choses autrement. Pour lui, le péché n’était pas quelque chose qui offensait exclusivement Dieu, mais qui offensait, faisait du mal et humiliait avant tout l’homme  (Mt 18.15-21 ; Lc 15.18 et 17.3-4).
C’est pourquoi il montra une grande préoccupation pour la souffrance humaine, et il centra tout son effort pour guérir les malades (Mc 1.34), donner à manger aux affamés (Mc 6 30-34), guérir les possédés (Mc 5.1-20), ressusciter les morts (Mc 5.35-43) et mettre en place la justice sociale (Lc 19.1-10). […].

 

fundacion_dialogo.pngNé en 1957, l'auteur fit des études bibliques chez les franciscains de Jérusalem, devint prêtre et enseigna dans des séminaires catholiques en Argentine. A partir de 1995, il entra en conflit avec la Congrégation de la foi qui n'appréciait pas la distinction qu'il faisait entre le Démon (Satan) et les démons (qui pullulaient à l'époque et étaient causes des maladies !), et surtout de diffuser largement ses textes au lieu de les réserver à un public spécialisé. Il quitta le ministère sacerdotal en 2009 et fonda la Fundacion para el dialogo entre la cienca y la fe. Dans une série intitulée "Enigmas de la Biblia", il continue son oeuvre de vulgarisation biblique comme par exemple son article (qui a été traduit en français) "Quel fut le premier miracle de Jésus ?" ( lien).

Ajout du 14 septembre : de nombreux articles ont été traduits en français par la revue jésuite suisse : "Choisir" (lien) et peuvent être téléchargés.

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9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 17:44

par Jean-Claude Barbier (chrétien unitarien, Bordeaux)

 

Qui est Jude ?

 

jude icôneJude (Iehouda) se présente comme le frère de Jacques (« Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques … », v. 1), lequel fut le « frère du Seigneur » et chef spirituel de la communauté de Jérusalem des années 40 jusqu’à sa mort en 62 *. Nous connaissons déjà Jude comme étant un frère de Jésus et de Jacques grâce à Marc (6, 3) et Matthieu (13, 55)  : « N’est-ce pas là le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset [variante : José, Joseph], de Jude et de Simon ? » (Marc, dans Matthieu, Jude vient après Simon, donc en position de puîné). En plus, ce verset nous renseigne sur son rang au sein de la phratrie : Jésus semble être l’aîné, devant Jacques et Jude, lequel est donc plus jeune que Jacques. Ci-joint, Jude en icône byzantine.


Jude ne va pourtant pas succéder à son frère à la tête de la communauté ; nous savons, par l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, que c’est Siméon, fils de Cléophas et de Marie (sœur de Marie la mère de Jésus selon Jn 19, 25, que Jean l’évangéliste place au pied de la croix avec la mère de Jésus et Marie de Magdala), qui sera choisi (et donc considéré comme le second « évêque » de Jérusalem) ; il exercera pendant longtemps, jusqu’à sa mort en martyr en 107. Jude, en tant que frère de Jésus et de Jacques, bénéficie toutefois d’un rang suffisant pour s’adresser aux fidèles dans une épître qui se veut solennelle, adressée : « aux appelés, aimés de Dieu le Père et gardés pour Jésus-Christ » (v. 1) - avec une variante : « aux nations appelées », à savoir indistinctement à tous les chrétiens qu’ils soient judéo-chrétiens ou convertis d’origine païenne. Il est alors suffisamment âgé pour adopter un ton paternel : « Mais, vous, très chers … » (à plusieurs reprises, v. 3, 17 et 20).

 

* Lors de la discussion à Jérusalem vers 48-49 sur la dispense de certaines prescriptions mosaïques aux païens convertis (la circoncision, les interdits alimentaires), c’est Jacques qui va trancher le débat et dire le dernier mot. Son épître aux Juifs de la Dispersion (= diaspora) a pu être écrite à cette époque (avant 49 pour certains). En été 58, les Actes des apôtres confirment qu’il est bien à la tête de la communauté. Il est mort lapidé en 62 sur ordre du grand prêtre Anan qui mit à profit une vacance du pouvoir romain entre la mort du préfet Festus et l’arrivée d’Albinus son successeur, afin de plaire aux Juifs hostiles aux Nazôréens (la Voie eschatologique qui se réfère à Jésus).


Il ne s’agit pas de l’apôtre Jude Thaddée (Mc 3, 16), puisque Jude ne se présente pas lui-même comme un apôtre, mais comme un simple serviteur de Jésus-Christ (v. 1). D’ailleurs, il prend les apôtres à témoin sans s’y inclure dans leur collège : « Mais, vous, très chers, rappelez-vous ce qui a été prédit par les apôtres de notre Seigneur Jésus-Christ » (v. 17).


Il a pu écrire son épître après la mort de son frère en 62. Elle marque en tout cas l’avènement d’une génération : les apôtres et ceux qui ont connu Jésus ont délivré leur témoignage ; désormais vient une seconde génération qui doit se positionner vis-à-vis de cet héritage. Pour Jude «  la foi [a été] transmise une fois pour toute » (v. 3) et il s’agit maintenant d’être vigilant, « de combattre » pour son maintien. On retrouvera le même refrain dans les écrits johanniques : il y a eu témoignage véridique, à transmettre fidèlement de génération en génération.

 

les accusations de Jude

 

Or Jude, jouant le rôle d’Ancien, se montre très sévère vis-à-vis de cette nouvelle génération ; il s’inquiète pour son salut et dit qu’il a été moralement « contraint » d’écrire pour lancer un cri d’alarme : « Très chers, j’avais un grand désir de vous écrire au sujet de notre salut commun, et j’ai été contraint de le faire … » (v. 3). Que se passe-t-il donc ?


Les années 60 sont mouvementés pour la communauté de Jérusalem : l’arrestation de Paul à la Pentecôte 58 ; le martyr de Jacques en 62 et sa succession qui a du faire débat ; l’incendie de Rome en juillet 64 et la persécution des chrétiens par l’empereur romain Néron avec peut-être les martyrs de Pierre et de Paul (les dates estimées varient de 64 à vers 67) ; le soulèvement des Juifs d’Alexandrie en 66 et leur répression par Tibère Alexandre, alors préfet d’Egypte, faisant plusieurs milliers de morts ; en été 66, le début de la Première guerre juive en Palestine ; le 29 août 70, la prise du Temple par Titus et l'incendie du lieu saint. Mais Jude ne se fait nullement l’échos de ces évènements, du moins explicitement.


Jude accuse certains de « débauche » (v. 4), ce qui est une approche moraliste des plus larges : difficile dans ces conditions d’y voir clair ! Ils sont « en délire » (se mettraient-ils en transe ?), « souillent la chair » (à savoir commettraient l’homosexualité que Jude vient d’évoquer en rappelant l’histoire de Sodome et Gomorrhe),  et v. 12, « Ce sont eux les écueils de vos agapes. Ils font bonne chère sans vergogne, ils se repaissent » (déjà Paul tempêtait contre ceux qui utilisaient l’eucharistie pour se goinfrer !). Dionysos s’inviterait-il donc aux agapes chrétiennes ? (lien) Jude, le judéo-chrétien, s’inquièterait-il de l’ouverture aux païens, lesquels, bien que convertis, auraient conservé des pratiques « immorales », éloignés de la rigueur des lois de Moïse ?


Plus grave (v. 17) seraient les « moqueurs » (Bible de Jérusalem), les « railleurs » (Bible de Chouraqui). Mais vis-à-vis de quoi ? Est-ce la perspective eschatologique du mouvement qui serait ainsi remise en cause ? La génération de ceux qui ont connu Jésus est en train de passer et Jésus n’est toujours pas de retour en dépit de ce qu’il aurait annoncé à ses disciples … Curieusement, est-ce pour des croyances dans les anges que Jude les pourfendrait ? Ils « méprisent la Seigneurie *, blasphèment les Gloires » (v. 9) (pour la Bible de Jérusalem) – « rejettent la souveraineté, blasphèment les gloires » (pour Chouraqui) – Et Jude le confirme dans son verset suivant (v. 10) : « Quant à eux, ils blasphèment ce qu’ils ignorent ; et ce qu’ils connaissent par nature, comme les bêtes sans raison … ». Fichtre !


* La Seigneurie ou les seigneuries ; celles des anges ! Paul y fait allusion en Ephésiens 1, 17-21 (il y évoque un « esprit de sagesse et de révélation » qui puisse « illuminer les yeux de nos cœurs » pour voir le Christ à la droite du « Père de la gloire » siéger « bien au-dessus de toute Principauté, Puissance, Vertu, Seigneuries … » - celles-ci étant le nom de hiérarchies angéliques dans la littérature juive)  et Colossiens 1, 15-16 (le Christ est « l’Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature, car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances … ».)


Cela irait-il jusqu’à la dissidence ? « Ce sont eux qui créent des divisions, ces êtres « psychiques » qui n’ont pas d’esprit » (v. 19), mais leur hérésie n’est pas nommée ; cela semble seulement des disputes au sein de la communauté sur ces histoires d’ange ! Cela provoque-t-il des départs ? un début d'apostasies ?  « Ces impies … renient notre seul Maître et Seigneur Jésus-Christ » (v. 4), mais ce reniement – si reniement il y a - semble resté ici au niveau des cœurs et non des faits ! Somme toute rien de grave sinon des désaccords sur les spéculations métaphysiques.

 

la référence aux apocryphes juifs

 

Mais Jude accorde quant à lui beaucoup d’importance à ces spéculations. Il confirme par son épître – et c’est là certainement son plus grand intérêt – la dimension eschatologique du mouvement des nazôréens. Les sadducéens avaient rejeté toutes ces nouveautés introduites chez leurs compatriotes exilés à Babylone (de 721 pour le Royaume d’Israël et de 598 pour les Judéens à l’édit du perse Cyrus en 538), mais les pharisiens s’étaient montrés plus libéraux. De ce séjour à l’étranger date aussi la croyance zoroastrienne d’un jugement au Dernier jour et d’une résurrection pour ceux qui auront été justifiés. Nous savons que les esséniens étaient plus encore tendus vers cette espérance des Dernier temps. Les nazôréens développent cette espérance et Jude témoigne dans son épître de cet ésotérisme.

 

C’est le seul texte du Nouveau testament qui se réfère à la littérature apocryphe juive inter testamentaire (donc non traduite par la Septante car plus récente et non reprise par la Bible hébraïque des rabbins) : le Livre d’Hénoch / Enock (en partie antérieur au Livre de Daniel où est évoquée la « Grande persécution » des années 167-164 sur ordre du séleucide Antiochus IV Epiphane), le Testament des Douze Patriarches, un autre apocryphe juif de la période des Séleucides (au temps de Jonathan, mort en 142), et l’Assomption de Moïse (située par la chronologie de la Bible de Jérusalem peu de temps après la naissance de Jésus, entre Pâque de l’an 4 et l’an 1 avant Jésus-Christ).


saint-michel remet tables-de-la-loi à moise par colas alphdessin d’Alphonse Colas (1818-1887) : Saint-Michel remettant les tables de la Loi à Moïse.

Ce peintre lillois décora l’église Saint-Michel de Lille en 1876-1887).


Jude évoque les « anges, qui n’ont pas conservé leur primauté, mais ont quitté leur propre demeure »  ( Dieu « les a gardés dans des liens éternels, au fonde des ténèbres » (v.6). Ces anges se sont laissés séduire par les filles des hommes comme le raconte la Genèse en 6, 1-2 et comme le développe abondamment le Livre d’Hénoch. Le Testament des Douze Patriarches mentionne ensemble le péché des anges et celui de Sodome qui consiste à courir « après une chair différente », ce que fait Jude aussi dans un même verset (v. 7). C’est précisément cette transgression, ces relations sexuelles contre nature, qui vaut « la peine d’un feu éternel » (v. 7) – ce qui n’est plus du tout le calme shéol où les défunts s’estompaient doucement. Ces anges ont-ils été transformés en ces « astres errants auxquels les ténèbres épaisses sont gardées pour l’éternité » (v. 13) ? Dans les apocryphes juifs, comme dans le Livre d’Hénoch, les anges sont fréquemment symbolisés par des étoiles (note de la Bible de Jérusalem).


Jude évoque par ailleurs la plaidoirie de l’archange ("messager en chef" dans la traduction de Chouraqui) Michel contre « le diable », lequel réclamait à l’archange le corps de Moïse. Celle-ci est relatée dans l’Assomption de Moïse *. Pas trop méchant le Michel car Jude (v. 9) nous dit qu’il ne porta point sur lui de « jugement outrageant » (encore moins ne le pourfendit-il pas comme postérieurement le fera le saint Michel de nos légendes chrétiennes) mais se contenta de lui dire « Que le Seigneur te condamne ! » (Bible de Jérusalem) / « L’Adôn te rabrouera ! » (pour la traduction de Chouraqui).
* malheureusement absent des éditions de La Pléiade sur les inter testamentaires.


Puis, en tableau final, cette fresque eschatologique du Livre d’Hénoch (1, 9) que Jude cite de mémoire (v. 14) : « C’est aussi pour eux [les blasphémateurs] qu’a prophétisé en ces termes Hénoch, le septième patriarche depuis Adam * : « Voici : le Seigneur est venu avec ses saintes myriades **, afin d’exercer le jugement contre tous et de confondre tous les impies pour toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont commises, pour toutes les paroles dures qu’ont proférées contre lui les pécheurs impies » (Bible de Jérusalem) / « Hanokh aussi, le septième depuis Adâm, fut inspiré sur ceux-là, disant: « Voici, IHVH-Adonaï vient avec ses myriades de consacrés, pour les juger tous, pour accuser tout être de toutes les œuvres non ferventes de leur non ferveur et de toutes les duretés dites contre lui par des fautifs non fervents. » (Chouraqui). Jude (v. 15) ajoute une réminiscence d’Hénoch 5, 5 : « Ce sont eux qui murmurent, se plaignent, marchent selon leurs convoitises … ».
* 1 Hénoch 60, 8 «Hénoch le septième depuis Adam »;
** 1 Hénoch 1, 9 «Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous...» ; Deutéronome 33:2 «Voici, le Seigneur est venu de Sinaï... il est sorti des myriades de saints». Les myriades : expression de l’Antiquité équivalant au nombre de 10 000 ; par extension, un grand nombre.


On l’aura compris, Jude ne badinait point avec ces histoires du Ciel !

 

athmosphere
La Deuxième épître de Pierre, que l’on dit pourtant copiée de Jude (à moins que ce ne soit l’inverse !), évitera, quant à elle, toute référence apocryphe. Pourtant des Pères de l’Eglise ne tiqueront pas sur cette littérature eschatologique de Jude et accepteront cette épître à commencer – peut être - par Hermas et Clément de Rome qui vivaient en 85 ( mais L. Aug.  Arnaud, dans sa thèse de 1835, ne retient pas cette   hypothèse car les citations ne lui semblent pas 2-Pierre-et-Jude.jpgsuffisamment ressemblantes), en tout cas au tout début du IIème siècle par Polycarpe dans son Epître aux Philippiens, où se trouve un parallèle avec Jude verset 20 ( « mais vous, très chers, vous édifiant sur votre foi très sainte, priant dans l’Esprit Saint, …) ; plus tard dans le même siècle Clément d’Alexandrie et Tertullien lesquels s’appuient eux aussi sur le Livre d’Hénoch ; enfin Origène au IIIème siècle qui juge l’épître authentique et la cite. Voici le témoignage de saint Jérôme (347-420) concernant son admission dans le canon (lequel a été fixé en 360) : « Jude, frère de Jacques, a laissé une brève épître, qui est du nombre des sept épîtres catholiques ; elle est rejetée par plusieurs du fait qu'elle invoque le témoignage du livre d'Hénoch, un apocryphe ; cependant, par son ancienneté et l'usage qui en a été fait, elle n'a pas manqué d'autorité et elle prend place au rang des Saintes Écritures. »


Sources (en français) :


epitre de judeEpître de Jude dans Wikipedia ( lien)
 Essai critique sur l'authenticité de l'épître de Jude de L. Aug. Arnaud (originaire de Nyons en Drôme, 1835, thèse soutenue à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg ; numérisé par Google ( lien)
 Recherches critiques sur l'épître de Jude, par Eugène Arnaud (pasteur), 1851, Strasbourg : imprimerie de Veuve Berger Levrault, numérisé par Google ( lien). Se réfère aux érudits allemands.
Etude sur l’épître de Jude, 1946 - Résumé de réunions d'étude à Paris en 1946, 104 p. , aux éditions Bibles et Littérature Chrétienne (EBLC) à Chailly-Montreux, en Suisse ( lien)
Samuel Benetrau, 1994 – La Deuxième épître de Pierre et Epître de Jude, édité par Edifac, 320 p., dans une collection de la Faculté de théologie évangélique de Vaux-sur-Seine ( lien)

John MacArthur2 Pierre et Jude, éd. Impact ; Librairie ACCM (lien), l’auteur utilise Jude pour critiquer le relativisme et la tolérance de l’époque post-moderne (sic !).

 

ndlr - Nous remercions Fabien Girard, membre du forum "Unitariens francophones" (lien) d'avoir attiré notre attention sur les références à la littérature apocryphe juive faites dans cette épître.

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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 23:03

par Jean-Claude Barbier

Un titulus est un mot latin qui désigne l’inscription apposée sur tout type de support. De retour de leurs victoires, lors de la cérémonie du triomphe, les légionnaires défilaient en brandissant une pancarte accrochée au bout d'un long bâton où étaient indiqué, en gros caractères, à l’usage de la foule, le nom des légions, le nombre de prisonniers, la quantité du butin, les noms des villes et des pays soumis, etc. Le titulus des condamnées indiquait quant à lui le motif de leur mise à mort.

Dans le cas de Jésus et selon Jean "Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs", écrit en hébreu, en latin et en grec. Ce qui donnera dans les représentations iconographiques chrétiennes, l’acronyme INRI pour "Iesus Nazarenus Rex Iudæorum", le "I" et le "J " étant en latin la même lettre ; c’est le titulus inri.


Que disait précisément le titulus qui fut mis au sommet du pieu de supplice de Jésus ? La question n'est pas réglée. Pour Marc (15, 26) "le roi des juifs". Pour Matthieu (27, 37) et Luc (23, 38) "Celui-ci est le roi des Juifs". C’est Jean seul qui parle de Jésus le Nazôréen : " Il y était écrit : " Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs " (Jn 19, 19). Il précise que c’est Pilate qui était responsable de cette inscription et que celle-ci avait été libellée dans les trois langues mentionnées. Il ajoute que nombreux furent les gens qui la lirent. On devine derrière ces précisions le témoignage du "disciple que Jésus aimait", qui assistait aux évènements, et dont les notes furent reprises par Jean l'évangéliste.

Ce support était attaché en haut du patibulum, la traverse de bois qui, après avoir été portée par le condamné jusqu’au lieu de son supplice, était juchée, avec le condamné, sur le sommet du pieu, qui lui était fixe, formant ainsi avec lui un T. C’est cette pancarte qui fit croire plus tard que Jésus avait été crucifié sur une croix (et non un support en T), et celle-ci devint (tardivement) l’emblème des chrétiens à partir du IVème siècle.


le titulus supposé être celui de Jésus ramené à Rome par l'impératrice Hélène en 326, conservé en la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem

En 326, l’impératrice byzantine Hélène, mère de Constantin, vint à Jérusalem et encouragea des travaux de recherche sur les lieux de la Passion. Ceux-ci avait été arasés par l’empereur Hadrien (117-138) et une plate-forme, reliant désormais la colline du Golgotha et le lieu supposé de la sépulture de Jésus (à savoir le tombeau de Joseph d’Arimathie), avait servi de support à la construction de deux temples, l’un voué à Junon, sur le Sépulcre, et l’autre à Vénus, au sommet du Golgotha. Or, on venait de détruire ces édifices "païens" et, dans leurs fondations, on retrouva, encouragé par l'impératrice, des objets censés être ceux de la Passion. Notons que les objets qui avaient servi aux supplices n’étaient pas récupérés car considérés dans le judaïsme comme impurs ; on se contentait de les enfouir dans le sol à proximité du lieu.

L’impératrice ramena les principaux d’entre eux (dont le titulus inri) en son palais Sessorien à Rome, laissant les autres sur place où ils furent vénérés dans la basilique du Saint-Sépulcre construite après le passage de l'impératrice.

Quelques années plus tard, sans doute après la mort de sa mère, Constantin fit construire une basilique qui prit le nom de ce palais. La basilique Sessorienne fut appelée aussi Sancta Hierusalem ; aujourd’hui, la basilique Sainte-Croix de Jérusalem (donc à Rome).

Fourgua-t-on à l’impératrice des reliques commanditées auprès des artisans du coin afin de la satisfaire ? Va-t-on savoir !
A notre connaissance, ces reliques n’ont pas fait l’objet d’une analyse au carbone 14, ce qui est fort dommage car entre l’an 30 et l’an 326, date du passage de l’impératrice Hélène à Jérusalem, cette méthode pourrait faire la différence  ! En tout cas, le Golgotha était, à Jérusalem, bel et bien le lieu d’exhibition que les Romains avait choisi pour les suppliciés à cause de sa visibilité pour les habitants de la ville. Mais où sont donc les archéologues ?

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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 22:08

par Michel Luciani (linguiste, agrégé d'allemand ; professeur d'allemand en CPGE).

Les termes Jésus de Nazareth et Jésus le Nazôréen ou Nazaréen, ou encore Nazarénien, employés dans le Nouveau Testament, semblent synonymes et donc interchangeables, mais ce n'est pas si simple. L'original grec a deux formes principales : Iesous ho Nazôraios, Iesous ho Nazarenos. On trouve aussi deux fois apo Nazaret(h), qui est fidèlement rendu par de Nazareth.


Les occurrences dans le Nouveau Testament grec (Nestle-Aland : " Novum Testamentum Graecae ", 1979, Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart) :


Les expressions : apo Nazareth, Nazôraios, Nazarenos, Nazôrenos apparaissent 19 fois dans le Nouveau Testament, les adjectifs étant au nominatif singulier ou à d’autres cas. Nazôraios n’est au pluriel que dans Actes 24,5.


apo Nazaret(h) : Jn 1,45 ; Actes 10,38 ; 
Nazôraios : Matt 2,23 ; 26,71 / Lc 18,37 / Jn 18,7 ; 19,19 / Actes : 2,22 ; 3,6 ; 4,10 ; 6,14 ; 22,8 ; 24,5 ; 26,9 ; Nazarenos : Mc 1,24 ; 10,47 ; 16,6 / Lc 24,19 (mais aussi : Nazôraios)


Les traductions :

Ces termes grecs sont traduits de façon très diverse. Nazôraios est traduit par : le Nazôréen, le Nazaréen, de Nazareth. Et Nazarenos : le nazarénien, de Nazareth.


Traduction de Nazôraios :
La bible de Jérusalem et la TOB française traduisent toujours Nazôraios par le Nazôréen. Luther, Segond et Crampon, par contre, traduisent presque toujours Nazôraios par Nazaréen ou de Nazareth (von Nazareth chez Luther) : chez Luther, nazôraios est une fois traduit par Nazarenus, une fois par Nazarener (au pl.), traduits chez Segond par Nazaréen(s). La traduction de Nazôraios par de Nazareth fait problème, d'un point de vue linguistique et contextuel.


Traduction de Nazarenos :
Toujours traduit par Nazarénien dans la bible de Jérusalem et par de Nazareth chez Segond, Crampon et la TOB.
Il semble que ce mot, qui apparaît essentiellement chez Marc, soit une déformation de Nazôraios, afin que l'adjectif se rapproche dans sa forme du mot Nazareth.


Nazareth :

L'adjectif signifiant de Nazareth devrait être logiquement nasarethenos, nasarethanos, nasarathaios, et s'écrire avec un sigma (son "s") et non un dzeta, pour correspondre au tsadi hébraïque, soit le son "ts" ; le son du dzeta (dz) correspond au zain hébraïque. Mais on constate déjà que le tsadi hébraïque dans Nazareth est curieusement traduit par un dzeta.


La traduction de Nazôraios par de Nazareth est contestée par Nestle dès août 1908, ainsi que par Guignebert dans son "Jésus" de 1933, malgré l'affirmation de l'évangéliste Matthieu en 2, 23 (traduction de la TOB, de la bible de Jérusalem et de Charles Perrot en 1943) : (Joseph) il se retira dans la région de Galilée et vint habiter une ville appelée Nazareth, pour que s'accomplisse ce qui avait été dit par les prophètes : il sera appelé Nazôréen (oti Nazôraios klêtêsetai).
Luther traduit par Nazarenus, donc par un mot latin, ce qui indique sans doute sa perplexité; la TOB allemande par Nazoräer ; Segond et Crampon par Nazaréen.

Or on ne trouve dans l'AT aucune trace de prophète(s) ayant dit : il sera appelé Nazôréen ...


Nazir :


En revanche, on a pensé que Nazôraios était proche de Nazir et de son adjectif : Naziraios, qui s'écrivent avec un zain hébraïque et apparaissent dans la Septante, traduction grecque de l'Ancien Testament, en Juges 13,5 et 13,7 ; on lit dans la traduction de la bible de Jérusalem : (l'ange dit à la femme de Manoath, père de Samson) : L'enfant sera nazir de Dieu dès le sein de sa mère. (…oti êgiasmenon naziraion estai tô theô to paidarion ek tês gastros…variantes : a) …oti nazir theou estai to paidarion apo tês kolias…b) …oti agion theou estai to paidarion apo gastros eôs êmenas thanatou autou). Luther traduit par Geweihter Gottes von Mutterleibe an, traduit fidèlement par Segond : sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère. La même phrase est répétée plus loin en 16,17 par Samson à Dalila : … car je suis nazir de Dieu depuis le sein de ma mère : …oti naziraios theou ego eimi ek koilias mêtros mou. variante : car je suis saint de Dieu depuis le sein de ma mèreoti agios theou ego eimi apo koilias metros mou.


Le Livre des Nombres (6,1-21) précise la loi applicable aux nazirs :

1. YHWH dit à Moïse :

2. … Si un homme ou une femme formule le vœu d'être nazir en l'honneur de l'Éternel,

3. il s'abstiendra de vin et de boissons alcoolisées, il ne boira non plus ni vinaigre, ni vinaigre d'alcool … il ne mangera ni raisins frais ni raisins secs. … ni même peaux de raisins… " … ".

4. … le rasoir ne passera pas sur sa tête ; …

5. Pendant tous les jours qu'il a mis à part pour YHWH, il ne s'approchera pas d'un mort ".


Il est clair que la vie de Jésus ne correspond pas du tout à celle d’un nazir. Cependant, nazir peut se traduire par saint de Dieu, expression que l'on retrouve appliquée à Jésus dans deux passages, chez Mc 1, 24 et Jean 6, 69 :


Mc 1, 24 : De quoi te mêles-tu, Jésus de Nazareth ?… je sais qui tu es : le Saint de Dieu. (traduction de la TOB ; la bible de Jérusalem dit : Jésus le Nazarénien ; l'original grec est : ti êmin kai soi Iesou Nazarêne .. oida se tis ei : o agios tou theou).
Un passage de Matthieu reprend la même formulation (avec l'expression hébraïque ti êmin kai soi) en 8,29 : ti êmin kai soi uie tou theou De quoi te mêles-tu fils de Dieu ?

Jean 6, 69 : Pierre dit à Jésus : Nous avons connu que tu es le Saint de Dieu : …su ei ho agios tou theou.


On a l'impression que chez Marc 1, 24 l'expression "le Saint de Dieu" sert à expliciter l'adjectif Nazarenos, qui serait dans ce cas un titre et non pas un adjectif géographique.


Le problème du contexte :


Il semble difficile de traduire Nazôraios par de Nazareth dans plusieurs contextes.


a) L'identification d'une personne par son lieu de naissance n'est compréhensible que si ce lieu est connu de tous, par exemple chez Marc en 15,21 : Simona kurênaion : Simon de Cyrène ; Cyrène était la capitale de la Cyrénaïque, donc de la Libye ; Nazareth, bourgade minuscule, n'est mentionnée nulle part, ni dans l'AT, ni chez Flavius Josèphe. Comprendre chez Jean 19, 19 l'inscription de Pilate au-dessus de la croix : Iesous ho Nazôraios o basileus tôn Ioudaiôn comme signifiant Jésus de Nazareth soulève donc des réserves. Du reste, la bible de Jérusalem et la TOB française traduisent par le Nazôréen ; Luther, Segond et la Tob allemande disent : de Nazareth. Il est plus crédible de penser que Pilate a voulu dire par dérision : celui que l'on appelait le Saint de Dieu, le roi des Juifs.


Il faut également souligner le fait que l'usage hébraïque est d'identifier plutôt une personne par ses parents, comme le fait Jean en 1, 45, quand il dit : Iesoun uion ton Iôseph ton apo Nadzaret : Jésus fils de Joseph, de Nazareth. (L'expression apo Nadzareth n'apparaît qu'ici dans les évangiles.) … et Matthieu en 16, 17 : Simon Bariôna / Bar Iôna : Simon fils de Jonas.


Jean est le seul à mentionner le terme de Nazôraios dans l'inscription au-dessus de la croix ; Matthieu dit en 27, 37 : outos estin Iesous ho basileus tôn Ioudaiôn ; Marc en 15, 26 : ho basileus tôn Ioudaiôn ; Luc en 23,38 : ho basileus tôn Ioudaiôn outos. Aucune inscription n'est identique.


b) Les difficultés de traduction de Nazôraios par de Nazareth deviennent quasiment insurmontables dans les Actes.


En Actes 24,5, Tertullus porte plainte contre Paul devant le gouverneur Felix ; il dit de Jésus : prôtostatên te tês tôn Nazôraiôn aireseôs. Traduction de la TOB et de la bible de Jérusalem : le chef de file de la secte des Nazôréens. Luther traduit Nazoraiôn par Nazarener, Segond et Crampon par Nazaréens.


Les premiers chrétiens, que Paul appelle les saints (oi agioi), sont appelés ici par leurs adversaires : les Nazôréens ; n'est-il pas plus crédible que ce nom veuille dire "la secte des saints de Dieu, des consacrés à Dieu" plutôt que des adeptes de celui qui habitait Nazareth" ?


Dans des contextes solennels, le terme de Nazôraios résonne comme un titre, et non comme une indication géographique :

- En Actes 22, 8, Paul demande au Christ : qui es-tu ? Réponse du Christ : ego eimi Iêsous o Nazôraios on su diôkeis : Je suis Jésus le Nazôréen, que tu persécutes. (Nazôraios est traduit par de Nazareth chez Crampon, Luther et Segond).

- En Actes 26, 9, Paul déclare : Pour ma part j'avais vraiment cru devoir combattre par tous les moyens le nom de Jésus le Nazôréen. (pros to onoma Iêsou tou Nazôraiou dein polla enantia praxai) (Segond et Crampon traduisent par de Nazareth).

- En Actes 3, 6, Pierre guérit un infirme de naissance en lui disant : en tô onomati Iesou Christou tou Nazôraiou periepatei : au nom de Jésus Christ le Nazôréen, marche ! (traduction de la bible de Jérusalem) ; Crampon et Luther, traduisent : Jésus-Christ de Nazareth.
- Même problème en Actes 4,10 ; Pierre dit devant le Sanhedrin : en tô onomati Iêsou Christou tou Nazôraiou… : C'est par le nom de Jésus Christ le Nazôréen que cet homme se présente guéri devant vous. (Luther dit encore : Jesu Christi von Nazareth, et Segond : Jésus-Christ de Nazareth)

- Pierre dit en Actes 2, 22, dans le discours de la Pentecôte : Iêsoun ton Nazôraion .. on ho Theos anestêsen. Jésus le Nazôréen, .. Dieu l'a ressuscité (Luther, Segond et Crampon disent : Jésus de Nazareth).

 

Cette analyse fait apparaître la grande difficulté de traduire nazôraios par de Nazareth, visible du reste à la divergence des traductions. Nazarenos, comme Nazorenos, semble une déformation de Nazôraios, sans doute pour rapprocher ce mot de son sens supposé, à savoir issu de Nazareth, et non le consacré à Dieu, le saint de Dieu. Mais Nazôraios n'est pas Naziraios, et, on le sait, la vie de Jésus ne correspond pas du tout à celle d’un nazir !


Et que dire du commentaire de Matthieu en 2, 23 qui apporte une citation de prophètes inexistante pour expliquer que Nazaréen veut dire de Nazareth ? Il reflète ou bien son embarras ou bien une information erronée, et peut-être aussi un aplomb peu commun. Le sens exact de Nazôraios s'est-il perdu assez tôt ? l'apôtre Paul, qui écrit ses épîtres dès les années cinquante, ne mentionne jamais ce terme.


D’autres occurrences de Nazôraios, Nazarenos :

- Jean 18,7 - arrestation de Jésus : oi de eipan Iesoun ton nazôraion (à la question : qui cherchez-vous ?) ils répondirent : Jésus le Nazôréen (Tob fr., bib Jérusalem) ; Tob all., Crampon, Segond/Luther : Jésus de Nazareth.

- Mt 26,71 - reniement de Pierre : outos ên meta Iesou tou Nazôraiou. Celui-ci était avec Jésus le Nazôréen (b de Jérusalem., Tob fr.) ; de Nazareth ( Tob all., Luther, Segond)

- Mc 10, 47 - guérison de l'aveugle Bartimée : kai akousas oti Iêsous o Nazarênos estiv / Nazoraios / Nazôrênos . Segond : il entendit que c'était Jésus de Nazareth ; Luther : Jesus von Nazareth ; Bib Jérusalem : Jésus le Nazarénien ; TOB : apprenant que c'était Jésus de Nazareth ; littéralement : le Nazaréen.

- Mc 16, 6 - L’ange au tombeau qui dit aux femmes : Iêsoun zêteite ton Nazarenon

Segond : "vous cherchez Jésus de Nazareth" ; Luther : "Jesus von Nazareth" ; Perrot : "le Nazaréen" ; Bib de Jérusalem : "le Nazarénien" ; TOB : "Jésus de Nazareth"

- Luc 24, 19 - les pèlerins d'Emmaüs : peri Jesou tou Nazarenou / plusieurs témoins disent : Nazôraiou. Bible de Jérusalem et Osty : ce qui concerne le Nazarénien ; Tob, Crampon et Louis Segond : Jésus de Nazareth ; Luther : Jesus von Nazareth ; TOB allemande : Jesus aus Nazaret ; Charles Perrot : Jésus le Nazaréen.

- Luc 18, 37 - guérison de l'aveugle à l'entrée de Jéricho : Iêsous o Nazôraios parerkhetai.

TOB : c'est Jésus le Nazôréen qui passe ; Jérusalem, Perrot : Jésus le Nazôréen qui passait ; Luther et Tob all. : Jesus von Nazareth.

- Nazôraios dans Act 6, 14 - Etienne est confronté à de faux témoins devant le Sanhédrin : akèkoamen gar autou legontos oti Ièsous ho Nazôraios outos katalusei ton topon touton.. TOB fr. et all : "Nous lui avons entendu dire que ce Jésus le Nazôréen détruirait ce Lieu… " ; Luther : "Jesus von Nazareth"; bible de Segond et de Jérusalem : "Jésus, ce Nazaréen" ; Crampon : " Ce Jésus de Nazareth ".

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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 12:03

par Jean-Claude Barbier d’après des notes de Louis Cornu et le site "Antik" de Joël Guilleux

Nous reprenons ici le vocabulaire de Flavius Josèphe (ou Titus Flavius Josephus ou Josèphe ben Mattatias, 37 -v. 100), historien Juif de langue grecque qui écrivit ses Antiquités juives en 93-94 ap. J.-C.

A noter que l’aïeule de notre historien fut l’une des filles de Simon Maccabée, lequel régna en Judée en qualité de Grand prêtre et de prince, de 142 à 135 et qui est considéré par les historiens comme le fondateur de la dynastie des Hasmonéens.

En fait il s’agit de courants d’opinion qui se font jour au sein de la société juive lorsque, suite aux exploits nationalistes des 5 fils de Mattathias Maccabées (grand prêtre de 167-166), un nouveau royaume de Juda arriva à se faire reconnaître par les Séleucides.

Flavius Joseph en énumère trois : les saducéens, les pharisiens et les esséniens. Tous ces courants se proposent de résister à l’hellénisation ambiante car une partie de la société est, quant à elle, tout à fait acquise aux valeurs universalistes et aux délices de la civilisation pilotée par les Grecs (les grand prêtres, qui sont nommés par les Séleucides, sont bien entendu de cette tendance). Ce sont donc des résistants ; mais chaque courant propose pour cela une attitude, une politique, une stratégie.

 

Les sadducéens veulent s’en tenir à une organisation centrée sur le Temple, avec son grand prêtre, ses docteurs de la loi et ses scribes, son rejet des nouvelles croyances (venues de Babylone ?) comme la résurrection des corps lors d’un jugement dernier, une vie éventuelle après la mort, les spéculations sur les anges.

 

Les pharisiens ne sont pas moins sourcilleux quant à la Tradition et Jésus critiquera leur rigorisme *, mais ils en acceptent néanmoins une interprétation du moins savante qui, par compilation, donnera naissance au IIème siècle après J.-C. à la Mishna, puis aux Talmuds de Babylone et de Palestine.
* Ils passent, selon la formule de Flavius Josèphe (qui leur est favorable) " pour l’emporter sur les autres Juifs par la piété et, par une interprétation plus exacte de la Loi ". Ils font ainsi de la surenchère par rapport à la pratique commune. Leur objet c’est, selon la formule d’un de leurs docteurs, " de faire une haie à la Torah ".

Pour eux, Moïse reçut non seulement une Loi écrite, mais aussi une Loi orale (se distinguant ainsi des sadducéens qui en restent à la seule version écrite). A coup d’interprétations, ils se montrent favorables à de nouvelles idées qui étaient, nous l’avons vu, catégoriquement rejetées par les sadducéens. Des interprétations diffèrent aussi quant aux fêtes de Shavouot (qui, pour eux, doit être célébrée le lendemain d’un sabbat, c’est à dire un dimanche) et de Souccot (ils en acceptent la cérémonie dite de "réjouissance du puisage de l’eau").


Ils seront le seul courant à survivre à la chute du Temple en 70 après J.-C. et à l’exil du sanhédrin à Yavné (Yamnia pour les Romains) ; ils fonderont le rabbinisme. Ils sont par ailleurs désireux de dissocier le rôle sacerdotal du Grand prêtre du pouvoir royal.


Les esséniens misent davantage sur la pureté des mœurs et une attente des Derniers temps où l’on verra, conformément aux prophéties messianiques, Dieu se réconcilier avec son peuple élu, ou ce qui en subsistera, ou encore un "Reste" qui se tient soigneusement à l’écart des impuretés, une communauté témoin.

Ces courants de pensée s’organisent au niveau d’institutions et pratiquent le lobbying. Des docteurs de la loi qui émargent à ces courants se retrouvent au sein du sanhédrin (la Grande assemblée composée d'au moins 70 sages), essaient d’être bien en cour auprès du "prince" (titre de nassi que le président du sanhédrin pouvait porter), du ou des "ethnarques" (qui étaient sous la tutelle d’une puissance étrangère) ou du "roi" de Juda ou d’Israël (des dynasties hasmonéenne, puis hérodienne). Les pharisiens multiplient les synagogues qui sont des lieux d’enseignement de la Torah ; Jésus enseignera ainsi à celles de Nazareth (une seule fois car cela semble s’être mal passé !) et de Capharnaüm. Une partie des esséniens vivent en groupes de célibataires aux abords des villages ou dans des monastères comme celui de Qumra ; ils y pratiquent la vie communautaire avec mise en commun de biens, et le végétarisme.

Ces partis irriguent la société, essaient de rallier à eux les autorités religieuses et politiques, ont chacun leurs sympathisants plus ou moins déclarés, essaient de mobiliser les populations lors d’enjeux importants. S’y ajoute, au début du Ier siècle apr. J.-C., les zélotes qui, à l’exemple des Maccabées, prônent la résistance armée à la domination romaine, et qui d’ailleurs sont volontiers rejoints par les autres lorsque les autorités romaines menacent le culte juif où les intérêts vitaux.

 

Quelques dates repères :


Un manuscrit de la Mer morte (4Q448) témoigne d’un éloge, fait par les esséniens, du roi Jonathan (Grand prêtre qui régna de 160 à 142, 3ème dans la liste dynastique hasmonéenne).

Jean Hyrcan I
, qui régna de 134 à 104, est dit avoir été élève des pharisiens, mais il eut ensuite des amis sadduccéens bien en cour. Par ailleurs, c’est durant son règne qu’un premier texte de facture essénienne, le livre apocryphe des Jubilés, aurait été écrit, certains suggérant même que ce serait à la demande du souverain. Même si ces courants existaient auparavant, c’est sous son règne qu’ils commencèrent à s’affirmer … et sans doute à rivaliser d’influence.

 

Puis, les pharisiens protestent lorsque Aristobule I, après qu’il eut été nommé Grand prêtre comme prévu par son père Jean Hyrcan I, se proclame aussi "roi" (à la place de sa mère qui était prévue comme "reine régnante" et qu’il fait emprisonner, puis mourir de faim) *. En réponse, ils sont persécutés par le jeune et ambitieux souverain. Le règne ce dernier est heureusement court (104-103), mais la même situation se reproduit en plus dramatique avec le successeur, Alexandre Jannée, qui, lui aussi, réunit les deux pouvoirs sacerdotal et royal, Grand prêtre et "roi de Judée" - cette fois-ci pour trois quart de siècle, de 103 à 176.
* il est le tout premier à joindre ainsi le pouvoir sacerdotal et le pouvoir royal ; avant lui, son père Jean Hyrcan I était Grand prêtre et ethnarque (et non point roi) et Simon Maccabée, Grand prêtre et prince (titre que président du sanhédrin avait le droit de porter).

Des massacres ont lieu en 96 et en 88, que le dessinateur et graveur hollandais Willem Swidde de Jonge (1661-1697) reproduisit en notre XVIIème siècle, en imaginant une cour royale fastueuse.

Entre ces deux dates, le mouvement pharisien soutient la révolte des paysans contre le poids des taxes royales.

 
En 96, les pharisiens mettent en doute la légitimité du sacerdoce du roi à la suite d’une inadvertance commise par le Grand prêtre et roi dans l'exécution du rituel de la fête des Tabernacles qui déclenche une émeute à Jérusalem ; Alexandre Jannée montra publiquement son appui aux sadducéens en refusant le droit de la libation d'eau. Au dire de Flavius Josèphe – mais qui exagère toujours les effectifs dans de très fortes proportions (il faut en général diviser par au moins 10) – "6 000" contestataires sont massacrés dans la cour du Temple.

Il s’ensuit une guerre civile où les pharisiens font appel au roi séleucide Démétrios III Eukairos (qui règne de 95 à 88), lequel, en 88, bat le roi de Judée près de Sichem … mais doit repartir car les Juifs de son armée ont déserté ! Alexandre Jannée écrase alors les révoltés et, en 86, s’empare de leur chefs réfugiés dans Bémésélis (ou Misilya, au Sud de Jenîne, en Cisjordanie). "800" d’entre eux sont ramenés enchaînés à Jérusalem et sont crucifiés au cours d’un banquet, tandis qu’on égorge sous leurs yeux leurs femmes et leurs enfants. Terrifiés, "8 000"opposants s’enfuient en exil, beaucoup vers Damas. Il est dit que "50 000" personnes vont périr dans cette guerre civile (rappelons que les chiffres sont donnés par Flavius Joseph, donc à diviser par au moins 10 !).

Toutefois, avant de mourir, Alexandre Jannée se résout à la séparation des pouvoirs que demandaient les pharisiens pour limiter l'omnipotence du Grand Prêtre Roi. Il lègue la royauté à sa femme, Salomé Alexandra, qui, elle, était acquise à leur parti *. Celle-ci donne le pontificat à son fils aîné, Hyrcan II, et fait entrer les pharisiens au sanhédrin. Le sadducéen Diogène de Judée, qui avait poussé le roi à la crucifixion de pharisiens en 86, est exécuté ; puis la reine juge utile pour la paix du royaume de faire partir les Sadducéens de Jérusalem et les in
stalle à la direction de certaines villes fortifiées qu’elle multiplie aux frontières.

* elle était la fille de Rabbi Setach et la sœur de Siméon (ou Shimon) Ben Shetach (v.120-40 av.J.C) qui était un érudit et l'homme le plus puissant de la ville d'Ascalon (Ashkelon). Les fréquentes visites au palais de son frère, chef du parti pharisien, ont dû débuter dans les premières années du règne d'Alexandre Jannée, avant les évènements de 98.

En 66, après la mort de leur mère, les deux fils de la reine Alexandra Salomé entrent en guerre de succession : les pharisiens soutiennent Hyrcan II (qui reçoit aussi le soutien du gouverneur de l’Idumée, Antipater I, le père de celui qui deviendra plus tard Hérode-le-Grand ; du roi voisin des Nabatéens ; puis en 63 celui du Romain Pompée) pendant que les sadducéens sont derrière Aristobul I (qui, lui, reçoit l’aide extérieure des Parthes).

La rédaction du Pesher de Nahum (4QpNah), texte essénien rédigé entre 63 et 49, évoque les tensions qui existe avec les pharisiens : il est dit que le groupe essénien l’emportera sur son rival ! La foi eschatologique est affirmée, mais il n’est pas encore fait d’allusion claire à une règle communautaire (celle-ci date de 54 selon le manuscrit 1QS), ni à un retrait au désert (plausible entre 56 et 43). Le Pesher de Nahum témoigne de la fidélité des esséniens à la monarchie hasmonéenne.

 

Hérode-le-Grand, avec l’appui des Romains, devient l’homme fort de la région. Il succède à Hyrcan II d’abord comme tétrarque de Judée (41-40), puis roi de Judée (40-37), enfin comme roi d’Israël (37-4). Avec lui, il y a changement dynastique.

Hérode aurait été séduit par le don de prophétie qui était attribué à l’essénien Menahem ; il le fait entrer, en 37, au sein du sanhédrin en qualité de vice président (av beth din). La légende voudra que Menahem aurait, en 63, prédit son destin au petit Hérode– qui n’avait alors que 10 ans ! Menahem seconde Hillel l’Ancien, président (nassi), formant paire (zougot*) avec lui de 37 à 30. Mais en 30, il est remplacé par un pharisien, Shammaï l’Ancien.

* c’est la période dite des zougot, qui s’est étalée sur 5 générations, et qui va jusqu’à la chute du Temple en 70. Le sanhédrin est dirigé par un président (qui a le droit de porter le titre de nassi = prince) et d’un vice.

 

L’Histoire ne donne pas les raisons du départ de Menahem. On peut seulement constater que c’est l’époque où Hérode rompt ses attaches avec les Hasmodéens. En 35, il ordonne la noyade du Grand prêtre Aristobule III, prince hasmonéen et frère de son épouse, Mariamne I. En 30 il fait mettre à mort Hyrcan II, puis, l’année suivante, en 29, son épouse Mariamne I. Sanglante rupture qui coïncide à une mise à l’écart ou à un retrait des esséniens (peut-être du fait de leur fidélité aux Hasmonéens ?).

 

Hillel, le pharisien, est né à Babylone, d’une famille aisée car son frère Shebna fut un riche commerçant, mais, lui, aurait été bûcheron et se serait consacré à l’étude de la Torah. Il est à Jérusalem vers 48 pour y étudier sous des maîtres pharisiens. Il sera la figure dominante du sanhédrin jusqu’à sa mort en l’an 10 ap. J.-C. Il laissera la réputation d’un homme plus souple et plus ouvert que ne le fut son second, Shammaï, homme sévère et de grand rigueur (il est maçon ou architecte de métier).

Le Pesher d’Habacuc (1Qphab), rédigé vraisemblablement après 31, semble se faire l’écho de ces conflits politiques. Le Maître de Justice, qui conduit la communauté, est considéré comme l’interprète des prophètes. Il a été molesté par le "Prêtre impie" qui, lui-même, a été depuis humilié et tué. Avec sa communauté, il est en conflit violent avec les pharisiens, dirigés par l’ "homme de mensonge". Il a été abandonné par la "Maison
d’Absalon" (Hérode apparemment ?). Il a été exilé, avec ses disciples fidèles. Il paraît être encore vivant. Les espérances eschatologiques sont affirmées avec vigueur.

Les Hymnes (Hodayot) (1QH) parlent désormais de la persécution du Maître, de sa comparution devant un tribunal, de la défection d’une partie de ses disciples. La Règle adaptée aux Derniers temps (1Qsa) et le Règlement de la guerre des fils de Lumière (1QM) vont dans le sens d’un net repli eschatologique sur la Fin des temps.


Vers 10 avant J.-C. paraît le Pesher du psaume 37 (1QpPs37) : les espérances eschatologiques y sont réaffirmées avec confiance, d’autant plus que l’impiété (des dirigeants) ne durera que 40 ans. Paraît également l’Ecrit de Damas, dont de nombreux fragments ont été retrouvés dans les grottes IV, V et VI de la Mer morte. Ce document évoque de nouveau la figure du Maître de Justice qui est présenté non comme un fondateur mais comme une réformateur de la communauté (essénienne) à l’approche des Derniers temps. Le retour du Maître de Justice est attendu 40 ans après sa mort. Conviction est redite que, avant cette échéance, le peuple abandonnera les pharisiens pour se rallier aux esséniens. Mais qui est ce Maître de Justice ? Est-ce en écho à l'action de Ménahem ?
 
 

Vers l’an 10, mais cette fois-ci, après J.-C., le Testament de Moïse prévoit la fin – eschatologique – de la dynastie hérodienne pour 28-29 au plus tard ! Les évènements contemporains donnent en tout cas à penser à une fin dynastique.

Hérode a misé sur un bien piètre successeur ; Archélaos est exilé en l’an 6 par le pouvoir romain et la Judée tombe sous leur administration directe. Une révolte nationaliste vient de sévir en Galilée de – 1 à + 6, à l’initiative de Judas-le-Galiléen, fils du rebelle Ezéchias qu’Hérode avait fait exécuter vers 47 en Galilée alors qu’il était stratège de cette région pour le compte d’Hyrcan II. Le parti zélote, fondé par ce Judas, continue d’une façon clandestine et ses militants armés, les sicaires, multiplient les assassinats de Romains et de collaborateurs.

 

Si les Hérodiens fondèrent avec succès une nouvelle dynastie, ils sont loin d’avoir rallier à eux tout le peuple. Ils ont notamment contre eux d’une part les nationalistes zélotes, restés fidèles aux Hasmonéens et qui désapprouvent sa politique pro-romaine, et la mouvance essénienne d’où sortiront et Jean-le-Baptiste et Jésus-le-Nazôréen … lesquels auront à faire à Hérode Antipas, le fils de la Samaritaine Malthace, non moins sanguinaire que son père.


Epilogue :

Le pharisien Shammai, préside le sanhédrin après la mort de Hillel, puis meurt en 30, l’année du martyre de Jésus. Sans doute était-ce lui qui était encore à la tête du sanhédrin lorsque Jésus comparaît devant cette instance car Luc, au début des Actes des apôtres (5, 24-43), donc juste après la mort de Jésus, mentionne le changement de politique du sanhédrin vis-à-vis des disciples ; ceci à l’instigation de Gamaliel, petit-fils d’Hillel et qui a succédé à Shammaï – Gamaliel préconisa de laisser faire tout simplement la volonté de Dieu, sans plus intervenir ; toutes les révoltes messianiques n'ont-elles pas jusqu’à présent échouées ? dit-il en guise d'argument.

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