En multipliant les sanctuaires sacrés comme autant d’autels aux dieux de la Nature, le paganisme a enchanté des espaces entiers, les protégeant ainsi bien avant l’heure de l’écologie. De leur côté, les grandes sagesses asiatiques qui ont su promouvoir le respect de toute vie. Mais les monothéismes religieux ont également contribué à ce respect de la Nature. Avec la civilisation musulmane, les surfaces irriguées, les oasis, les plantations d’arbres fruitiers et les jardins ont connu un âge d’or. En ce qui concerne le christianisme, on peut aussi énumérer de nombreuses réalisations et aussi des points forts d'une théologie ouverte à la Création entière.
D’abord, les chrétiens comme les Juifs s’inspirent des grands textes de la bible hébraïque : les récits de la création du monde où il est dit que celle-ci est bonne ; le sauvetage des espèces animales par le patriarche Noé (sur injonction divine !) à l’heure du Déluge ; les visions eschatologiques d’Isaïe où la paix règne entre les animaux (en rupture totale avec la chaîne alimentaire !) ; les psaumes pleins d’images animalières et végétales (lien) ; etc. Jésus continue cette inspiration biblique en évoquant les oiseaux et les activités rurales de sa Galilée natale.
La tradition chrétienne elle-même n’hésitera pas à présenter Jésus comme le bon berger réunissant son troupeau autour de lui, l’agneau rédempteur, ou bien encore comme le Christ cosmique régnant sur l’univers. Plus concrètement, les églises et les monastères seront des lieux qui cultiveront leur environnement en plantant des arbres, en entretenant des jardins fleuris, etc. Les ordres monastiques seront de grands défricheurs de forêts dans le sens d’un nouvel aménagement rural de l’espace (reboisement, plantations fruitières, irrigation, aménagement de marais où sévissait les « fièvres », entretien d’étangs, etc.). Les jardins de presbytères seront des conservatoires de légumes et de plantes médicinales (les « simples »). Par ses prières et bénédictions, par ses fêtes, l’Eglise accompagnera les communautés rurales, rythmant les saisons et les travaux des champs. Elle sera présente avec compassion aux drames de la mer et aux catastrophes naturelles.
Dans sa controverse théologique avec les cathares, l’Eglise catholique rejettera une vision dualiste du monde où le monde matériel serait l’œuvre d’un démiurge et non de Dieu lui-même (mais aura le tort d’en appeler au bras séculier et de mener croisade et inquisition). Dans ce contexte, saint Antoine de Padoue (1195-1231) adresse ses homélies aux poissons (puisque les « hérétiques » cathares ne veulent plus l’entendre ! … et afin de dire à sa façon qu’ils sont aussi des créatures du bon Dieu !) et saint François d’Assise (1181 ou 82 -1226) qui prêche aux oiseaux et écrit (en 1224) son célèbre « Cantique du frère Soleil » (ou « Cantique des créatures ») célébrant Dieu en sa création, premier texte en italien moderne et l'un des premiers grands poèmes italiens.
L’élan missionnaire multipliera des points d’ancrage dans le monde entier en faisant preuve d’un soucis d’aménagement tout à fait remarquable. Chaque mission locale s’entoure d’arbres, de fleurs et de jardins, s’assure de son approvisionnement en eau potable, gère son domaine avec le soucis d’économiser les ressources, etc. Ceci pour garantir son autonomie, parfois survivre en autarcie, en tout cas pour économiser les moyens et éviter le gaspillage, et à la fois pour montrer aux populations locales l’image d’un monde nouveau, moderne, christianisé, attractif. L’artisanat et la transformation des produits locaux sont à l’ordre du jour ; ils apportent des emplois et de l'argent. Le contraste est saisissant entre ces îlots de verdure entretenus avec soins par de multiples gestes quotidiens et les bâtiments administratifs résidentiels mis à la disposition des fonctionnaires au lendemain des Indépendances.
Atelier Saint-Joseph à la mission de Nagasaki au Japon (lien) construit par le père Marc de Rotz (1840-1914, à Sotome près de Nagasaki de 1879 à 1911).
Enfin, la grande figure chrétienne moderne qui a su intégrer la Nature dans l’œuvre de Dieu est celle du théologien jésuite et paléontologue Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955)*. L’Eglise catholique craignit une dérive panthéiste et le condamna en 1923 à ne plus enseigner ni publier ; nonobstant, il n’en sera que plus lu ! Le parallèle protestant de cette figure, sera le biologiste Théodore Monod (1902-2000)*.
* Voir une présentation des thèses de ces deux auteurs par Jean-Claude Lacaze dans son livre récent « Le christianisme à l’ère écologique » (Paris, L’Harmattan, novembre 2013), pp. 43-50 (lien).
Au XXème siècle, les scoutismes catholiques et protestants sont l'occasion de faire découvrir la nature aux jeunes urbains. Des messes catholiques sont célébrées face à des paysages où les croyants peuvent admirer l'oeuvre du Créateur. La beauté des paysages grandioses est considérée comme une preuve de l'existence de Dieu, de sa providence.
Cependant, et Jean-Claude Lacaze ne cesse de le rappeler dans son livre, les Eglises elles-mêmes - hiérarchie catholique et synodes protestants - n'ont pas encore sonné la mobilisation de leurs fidèles sur la défense de l'environnement et sont jusqu'à présent absentes des grandes conférences mondiales sur ce thème. Aimer la Nature ne suffit pas ; il faut encore "sauver la planète" !