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30 janvier 2014 4 30 /01 /janvier /2014 11:44

Dans le cadre d'un séminaire de formation animé par l'Eglise unitarienne francophone pour le compte de la Congrégation unitarienne du Rwanda, le rituel chrétien du lavement des pieds a été pratiqué lors du culte du dimanche 22 décembre 2013 (lien).

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17 décembre 2012 1 17 /12 /décembre /2012 12:46

L'Évangile selon Jean, chapitre 13:1-15 nous propose le récit suivant :

lavement_des_pieds_Meister_des_Hausbuches.jpg« Avant la fête de Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour eux. Pendant le souper, lorsque le diable avait déjà inspiré au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer, Jésus, qui savait que le Père avait remis toutes choses entre ses mains, qu’il était venu de Dieu, et qu’il s’en allait à Dieu, se leva de table, ôta ses vêtements, et prit un linge, dont il se ceignit. Ensuite il versa de l’eau dans un bassin, et il se mit à laver les pieds des disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.


Scène de lavement des pieds : panneau gauche d'un retable de la Passion du Christ, Maître du Livre de raison (Meister des Hausbuche), v. 1475, huile et tempera sur bois, Gemäldegalerie de Berlin

 

« Il vint donc à Simon Pierre ; et Pierre lui dit : Toi, Seigneur, tu me laves les pieds ! Jésus lui répondit : Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt. Pierre lui dit : Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jésus lui répondit : Si je ne te lave, tu n’auras point de part avec moi. Simon Pierre lui dit : Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête. Jésus lui dit : Celui qui est lavé n’a besoin que de se laver les pieds pour être entièrement pur ; et vous êtes purs, mais non pas tous. Car il connaissait celui qui le livrait ; c’est pourquoi il dit : Vous n’êtes pas tous purs. Après qu’il leur eut lavé les pieds, et qu’il eut pris ses vêtements, il se remit à table, et leur dit : Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m’appelez Maître et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. Si vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez

 

Jusqu'à présent, le lavement des pieds était un geste d’accueil et d’hospitalité, pouvant revêtir un aspect plus cérémonial lorsqu'il se voulait particulièrement honorifique vis-à-vis d’un hôte que l’on recevait. Pour Jésus, si l'on en croit ce texte, s'y ajoute d'autres sens :

a) un rite de purification : rite de passage eschatologique pour entrer dans le Royaume ? reprise du rite baptismal sous une autre forme par l’évangéliste Jean ? (saint Augustin insistera sur la purification de nos péchés par ce rituel – voir une longue citation de lui dans Wikipedia, lien).

b) un geste d’inversion sociale : le responsable se fait serviteur et accepte même les rôles dévolus aux esclaves. Dans nos communautés, les responsables sont au service des autres (et non l’inverse). Et plus largement, c'est une invitation à se laver les pieds les uns les autres dans une relation fraternelle de service mutuelle.

c) un geste d’amour de haut en bas (« Jésus vis-à-vis des siens »), Jésus pour Jean l’évangéliste est le Fils unique, Bien aimé de Dieu (attention ! pas encore Dieu, mais auprès de Dieu).

d) nous sommes invités à transmettre ce rituel.


Jésus a-t-il réellement fait ce geste ? Seul Jean l'évangéliste le mentionne ! Ni les Actes des apôtres, ni la Didachée n’en parle en ce qui concerne les premières communautés. Paul, évoque bien le fait que les veuves étaient invitées à laver les pieds des "saints", ces veuves étant riches et devant aider les autres, mais ce passage ne dit rien sur les apôtres, anciens, presbytes, etc.


Première épître à Timothée (5:10) : « Une veuve, pour être inscrite sur le rôle doit être âgée de soixante ans au moins, avoir été mariée une seule fois, être réputée pour ses bonnes œuvres, comme ayant élevé des enfants, exercé l'hospitalité, lavé les pieds des saints, assisté les malheureux, pratiqué toute bonne œuvre».


On est manifestement face à un texte placé là par opposition aux synoptiques puisqu’il est parallèle au récit de la communion en le situant exactement dans le même contexte (un repas pascal pris dans une chambre haute du quartier des Esséniens, sans doute dans la maison du Disciple que Jésus aimait, laquelle sera connue dans la tradition chrétienne comme « le Cénacle ») et en mentionnant que l’heure était venue pour Jésus de « passer de ce monde vers le Père » (Jn 13, 1) et que l’un des Douze allait le trahir. Par contre, Jean l’évangéliste a placé une explication de la communion du pain (vrai corps de Jésus) et du vin (son vrai sang) bien avant, à la synagogue de Capharnaüm (Jn 6, 22-59), le lendemain du grand rassemblement près de Bethsaïda où Jésus multiplia à profusion 5 pains d’orge et 2 poissons (Jn 6, 1-15) * – ce qui laisse supposer qu’il considère que ce partage fut déjà le rituel de la communion. Manifestement, les propos qu’il attribue alors à Jésus ne collent pas du tout avec le contexte et sont plutôt l’écho des vives polémiques de la fin du Ier siècle (la rédaction définitive de l’évangile de Jean est datée vers 90) entre Juifs et chrétiens à propos de la communion, les premiers ne pouvant que s’étonner d’un acte de cannibalisme rituel, fut-il symbolique !

* les synoptiques présentent deux récits tout à fait semblables : d'abord Mt 14, 13-21 ; Mc 6, 30-44 ; Lc 9, 10-17, puis une répétition d'une seconde séance de multipplication avec Matthieu (Mt 15, 32-39) ; et Marc (Mc 8, 1-10).

 

Revenons au lavement des pieds. Si l’on peut douter de l’historicité du récit de Jean l’évangéliste, par contre il connaîtra un succès postérieur indéniable. Jean Chrysostome (né entre 344 et 3491, mort en 407), choisi archevêque de Constantinople par l’empereur byzantin en 397, puis exilé en 404, et l’un des principaux Pères de l’Eglise grecque, pour qui le service aux plus pauvres étaient « le sacrement du frère ») (Wikipedia, lien) rappelle à ses contemporains – et aux gens de la cour impériale byzantine - cette scène exemplaire.


lavement_des_pieds_psautier-de-Theodore.jpg

Un manuscrit ancien byzantin de Constantinople montre une enluminure du lavement des pieds comme illustration du psaume pénitentiel 50 : « Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense ». Psautier de Théodore, psaume 50, British Museum, Monastère du Stoudion de Constantinople.

 

« Où sont-ils maintenant ceux qui ne font aucun cas de leurs frères en servitude ? Où sont-ils ceux qui veulent être honorés ? ... Lavons-nous les pieds les uns aux autres, dit le Sauveur, lavons même ceux de nos serviteurs. Et qu’y a-t-il de si grand à laver même les pieds de nos serviteurs ? Parmi nous toute la différence entre le libre et l’esclave n’est que de nom, mais à l’égard de Jésus-Christ, elle est réelle et véritable. Il est le Seigneur par nature, et nous, par nature, nous sommes des serviteurs et des esclaves, et cependant celui qui est le vrai Seigneur n’a pas dédaigné de faire une action si basse et si humiliante. Mais aujourd’hui il faut se tenir pour content si nous traitons des hommes libres comme des serviteurs et des esclaves achetés au marché ».


Jean Chrysostome était éloquent ; si bien que ses auditeurs l’appelait « la bouche d’or ». Son influence fut considérable. Lorsqu’il ordonne le retour des reliques de saint Phocas, l'impératrice Eudoxie, épouse d'Arcadius, l’empereur régnant, se charge en personne de porter la châsse à travers la ville, ce dont il la remercie ensuite vivement dans une homélie.


L’Eglise institue la cérémonie du lavement des pieds chaque Jeudi saint, sans toutefois en faire un sacrement comme l’est la communion (mais saint Bernard, la considérait comme un sacrement au même titre que le baptême, la confirmation et la communion). Après l'ablution, l'évêque baisait les pieds et, en certains lieux, posait, à trois reprises, par humilité, les talons du catéchumène sur sa tête. C’est un rappel aux grands de ce monde à l’humilité chrétienne et au service des plus petits, à commencer par les dignitaires de l’Eglise (pape, patriarches et archevêques, évêques, supérieurs de communautés monastiques, etc.), puis aux rois et aux princes.


Par contre, la Réforme calviniste va rompre avec cette tradition. Calvin tourna en ridicule la cérémonie catholique : « Tous les ans, ils auront une manière de faire, qu'ils lavent les pieds à quelques gens comme s'ils jouaient une farce sur une scène ... Le vrai sens de l'ordre de Jésus est que nous soyons à toute heure et en tout temps de notre vie, à laver les pieds de nos frères et de nos prochains. » (Commentaire sur l'Évangile de Jean). Si bien que les Eglises anti-trinitaires du XVIème siècle, dérivées du calvinisme ne retinrent pas, elles non plus, ce rituel.


D'autres protestants maintiennent cette tradition. Pour l’anecdote, une secte anabaptiste (en Hollande) en rajouta même : « Il s'éleva au seizième siècle une secte d'anabaptistes qui se donnèrent le nom de podonipsiae * et qui, faisant profession d'observer à la lettre tous les préceptes du Sauveur, soutenaient que la podonipsia était la véritable et essentielle tessère ** de la religion chrétienne, et même, si l'on en croit leurs principales confessions, celle de Dordrecht notamment, un sacrement établi pour la rémission des péchés » (Bayle ; Dict. liist. art. Anabaptistes).

* Le lavement des pieds est appelé podonipsia en grec (de ποδοι / podoi, « pieds » et νιψειν / nipsein, « laver »)

** Dans la Rome antique, les tessères étaient des tablettes et des jetons qui servaient à divers usages, par exemple un jeton d’entrée au théâtre. Une tessère militaire portait le mot d’ordre ou les ordres eux-mêmes. Etc.

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17 décembre 2012 1 17 /12 /décembre /2012 09:46

On en trouve des exemples dans la plus haute Antiquité, puisqu'alors on marchait les pieds nus ou couverts de simples sandales : un hôte fournissait l'eau et un serviteur pour laver les pieds des invités. Geste d'accueil et d'hospitalité, avant même que le visiteur n'ait décliné son identité et qu'il n'ait dit le pourquoi de sa venue ou de son passage ; geste qui se veut aussi honorifique. Chez les Grecs par exemple, une telle scène est décrite dans l’Odyssée (roman grec écrit par Homère), quand Euryclée, la nourrice d'Ulysse, lui lave les pieds. Elle le reconnaît alors à une blessure que ce dernier s'était faite lors d'une chasse aux sangliers !


Cette coutume est aussi mentionnée à plusieurs endroits dans l'Ancien Testament. Au lieu dit Chêne de Mambré, Abraham reçoit trois visiteurs inconnus (en qui il voit des anges envoyés par Dieu) : "Qu'on apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds et vous vous étendrez sous l'arbre. Que j'aille chercher un morceau de pain et vous vous réconforterez le coeur avant d'aller plus loin ; c'est bien pour cela que vous êtes passés près de votre serviteur !" (Gn 18, 1-15). De même, son neveu Lot, à Sodome, invite les "deux Anges" à venir chez lui "Je vous en prie Messeigneurs ! Veuillez descendre chez votre serviteur pour y passer la nuit et vous laver les pieds, puis au matin vous reprendrez votre route" (Gn 19, 1-3).


Isaac, fils d'Abraham, est reçu chez Laban à Haran, au pays de ses pères, afin de lui demander la main de sa fille, Rachel (dont il vient de faire tout juste la connaissance autour d'un puit) : "L'homme [Isaac] vint à la maison et Laban débâta les chameaux, il donna de la paille et du fourrage aux chameaux et, pour lui et les hommes qui l'accompagnaient, de l'eau pour se laver les pieds. On lui présenta à manger ..." (Gn 24, 1-33).


Joseph, fils de Jacob, devenu grand intendant en Egypte, reçoit ainsi ses frères, lorsqu'ils dînèrent avec lui  (Genèse 43, 24) : « L’homme fit entrer tous les frères chez Joseph. On leur apporta de l'eau pour se laver les pieds et on donna du fourrage à leurs ânes ».


Le futur roi David monte une expédition contre Nabal, un chef voisin et riche propriétaire en pays Moab, qui a mal reçu ses serviteurs (faut dire qu'ils étaient venus quémander ! ),  Abigaïl en désaccord avec son mari, va le trahir et peut-être l'empoisonner durant un repas où Nabal mangeât de trop ! David, cherchant à élargir son influence de chef de bande et peut-être déjà fidèle à sa réputation de coureur de jupons, propose à la toute récente veuve de la consoler en mariage. Celle-ci se montre  parfaitement consentante et sera sa seconde femme. Elle se proterne face contre terre à l'arrivée des serviteurs de David et leur dit "Ta servante est comme une esclave, pour laver les pieds des serviteurs de Monseigneur" (I Samuel, 25-43).  Le psaume 108 fera-t-il allusion à cette scène lorsque Dieu (Elohim parlant en son sanctuaire) appelle Moab « le bassin où je me lave » ? ("Moab, pot de mon bain" dans la traduction d'André Chouraqui).


philippelejeune1992.jpgL’onction à Béthanie, par Philippe Lejeune catalogue 1992, icône à fond d'or, détrempe à l’œuf sur bois, s.d.) (lien).


Dans les quatre évangiles, on retiendra le célèbre et émouvant geste de la femme oignant la tête et les pieds de Jésus de parfum ... et  baignant les pieds de ses larmes (mais seul Luc 7,38 nous le dit, et de préciser qu'il s'agissait d'une "pècheresse dans la ville"). La scène se passe à Béthanie, chez Simon le lépreux (Mt. 26, 6 ; Mc 14, 3) ou Simon le pharisien (Lc 7, 36-40), ou encore chez Marthe, sa soeur Marie et son frère Lazare et dans ce cas le geste est de Marie (Jn 12, 1-8).


Continuons avec Luc seul : Jésus s’adresse à Simon, le pharisien qui l’a invité. Il lui fait le reproche de ne l’avoir pas accueilli selon les règles, tandis que la femme, qui pleure sur ses pieds, le fait à sa manière : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi et tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds ; mais elle m'a lavé les pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas reçu en m'embrassant; mais elle n'a pas cessé de m'embrasser les pieds depuis que je suis entré. Tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête ; mais elle a répandu du parfum sur mes pieds. » (Lc 7, 44-46).

 

Dans les autres évangiles (Matthieu, Marc et Jean), c'est l'annonce de sa mort et l'acceptation d'un hommage : des pauvres vous en aurez toujours, mais moi, bientôt, vous ne m'aurez plus ...

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