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26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 16:03

communication de Jean-Claude Barbier, intervenant au séminaire organisé par la Congrégation unitarienne du Rwanda les 15-21 décembre 2014 à Kigali, sur un programme de formation de l’Eglise unitarienne francophone (EUfr) (lien).
* John Shelby Spong, 2014 – Jésus pour le XXIème siècle, Paris, Karthala, 328 p., traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Raymond Rakower ; l’auteur est évêque émérite de l’Eglise épiscopalienne de Newark, New Jersey. Version originale : Jesus for the Non-Religious, 1ère édition en 2007 chez HarperCollins, chap. 16, pp. 185-193.

« Fils d’homme, tiens-toi debout, car je vais te parler » (Ezéchiel 2, 1). Dieu s’adresse à son prophète par cette expression « ben adam » qui rappelle la différence entre Dieu (éternel, omniprésent, possédant la connaissance dont celle du futur) et l’être humain dans sa finitude et ses limites ; thème classique de l’Antiquité depuis la geste de Gilgamesh de la littérature babylonienne.
Ezéchiel est le principal prophète durant le temps de l’Exil à Babylone, au VI° siècle av. J.-C. Sans doute membre prédominant des « prêtres écrivains » qui enrichirent la Torah, la doublant en longueur (avec des rites cultuels dans le Lévitique, les nombreuses observances telles les prescriptions du sabbat, les aliments casher, la circoncision des bébés masculins), et contribuant ainsi à forger le peuple juif en le maintenant distinct des autres peuples.

Après Ezéchiel, il faudra attendre 400 ans pour qu’un autre prophète, Daniel (au IIème s. av. J.-C, vers 164-162), réutilise cette expression, mais cette fois-ci dans un tout autre sens : un être divin situé à la droite de Dieu : « Je regardais dans les visions de la nuit et voici qu’avec les nuées du ciel venait comme un Fils d’homme : il arriva jusqu’au Vieillard*, et on le fit approcher en sa présence. Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera jamais détruite » (Daniel 7, 13-14) - « L’Ancien » dans d’autres traditions.

Une véritable libération n’est pas possible par une révolte armée, d’où l’espoir de l’intervention d’un messie céleste qui viendrait comme l’agent de Dieu et qui disposerait de pouvoirs surnaturels.
Ce messie présidera au Jugement dernier, puis ce sera l’instauration du Royaume de Dieu sur Terre et pour l’éternité.
Chute prédite des grands royaumes dominateurs qui n’ont du pouvoir que jusqu’à ce que Dieu a besoin d’eux pour punir son peuple. Si le peuple élu ne pêche plus, alors Dieu lui pardonnera et tout rentrera dans l’ordre, Dieu cessant son soutien aux grands royaumes.
« Le Fils d’homme était devenu un personnage divin, possédant des pouvoirs surnaturels, et qui avait reçu la tâche de faire advenir la fin du monde, et d’amener le jugement et le règne éternel du Dieu sur Terre » (John Shelby Spong).


jugement_dernier.jpgLe jugement dernier par Michel Ange, fresque de la chapelle Sixtine, Vatican ; au centre, le Fils de l'homme

Le Livre d’Hénoch (qui selon la Bible de Jérusalem est en partie antérieur à Daniel) développe cette  vision du Fils de l’Homme à partir de l’ascension du patriarche Hénoch (ou Hénok ou Enoch) qui n’est pas mort et s’est donc retrouvé avec Dieu (Gn 5, 21-24) ; n’étant par mort (« Hénok marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu l’enleva » (v. 24), il peut donc revenir sur terre ! Il en est ainsi pour Elie disparu dans les nuées avec un char de feu (2 R, 2, 11 et s.). Ce livre est un apocryphe juif qui ne fut pas reconnu par les rabbins qui rédigèrent les Talmuds. L’épître de Jude y fait écho (versets 14-15) ce qui montre bien que les judéo-chrétiens le lisaient.

Jésus se serait déclaré « Fils de l’homme » à ses disciples après sa sortie de Galilée (et le récit de la Transfiguration) (Mt 17, 10-13, avec parallèle en Mc 9, 11-13). Jean-le-baptiste est selon lui Elie revenu et, lui, le Fils de l’homme. Devant le Grand Prêtre, Jésus persiste et signe (Mc 14, 55-64 avec parallèles Mt 26, 59-66 et Lc 22, 66-71). Selon Jean, Jésus aurait plutôt affirmé qu’il était « Fils de Dieu » (Jn 10, 22-39 – précisément le verset 36).

A noter que l’expression de Fils de l’homme n’est pas utilisée par Paul dans ses épîtres.

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16 septembre 2009 3 16 /09 /septembre /2009 09:40

Khalil Gibran (1883 - 1931), poète et peintre libanais, vécut aux Etats-Unis. Engagé dans une démarche spirituelle originale, il publia en 1923 son chef-d'oeuvre, Le Prophète, aujourd'hui traduit dans le monde entier. En français, il a été publié aux Editions Castermann en 1956, dans la traduction de Camille Aboussouan, et en 1992 par Anne Wade Minkowski, chez Gallimard, collection Folio classique (n° 2335).


En hommage, Michel Luciani a imaginé une suite, sous forme de poèmes en vers libres, intitulée : "Le Fils du prophète", et qu’il a mis en ligne (lien)

Le prophète Almustafa s’est retiré dans une île ; il y a formé son fils adoptif, Lechaïm, qui signifie "enfant trouvé" ; celui-ci débarque au port d’Orphalese, sur la côte, là où son maître a vécu. Les habitants viennent l’accueillir à son arrivée.


Il sait parler aux uns et aux autres, afin que chacun se sente reconnu, respecté, aimé, encouragé, transcendé surtout. La compassion est une façon de comprendre la souffrance d’autrui, ses désirs profonds, ses élans parfois désespérés ; c’est une communion avec l’être des autres afin d’aider à leur élévation morale et spirituelle, à ce que chacun puise en lui-même ce qu’il a de meilleur afin d’un mieux vivre à la fois individuel, personnel et fraternel.


le Prophète, dessin au fusain (1920) de Kalhil Gibran

Un Fils de prophète dans la lignée des maîtres gnostiques … à rencontrer ; une voix à entendre et à écouter, à aimer, pour se réconcilier avec soi-même et avec les autres.

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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 19:11

par Michel Théron.

Conclusion du chapitre intitulé  Fils de l'Homme du tome 2 de sa Théologie buissonnière, à paraître prochainement aux éditions Golias. Nous remercions l'auteur pour la pré-publication de ces "Bonnes feuilles". Après avoir évoqué le Fils de l'homme dans la Genèse, le Livre de Daniel, les Paraboles d'Hénoch, les Evangiles et l'Apocalypse, l'auteur termine dans cette conclusion par la version gnostique de cette expression. Jésus l'a fait sienne, mais c'est en quelque sorte comme précurseur et comme modèle initiateur pour nous tous. A nous, à notre tour, de devenir nous aussi Fils de l'homme ! 

Fils de l’homme, l’homme est donc fils de lui-même. Qu’est-ce à dire, sinon qu’il doit s’accoucher à lui-même, réaliser pleinement les possibilités les plus profondes de sa nature ? L’homme passe infiniment l’homme. Il n’est pas (essentiellement) ce qu’il est (accidentellement). L’homme doit devenir Homme. Il y a dans cette formulation une antanaclase fondatrice : c’est en rhétorique la répétition d’un même mot ou d’une même expression avec affectation d’un sens différent à chaque occurrence. Elle reflète le fond de la pensée gnostique, qui oppose toujours en l’homme son apparence (phainomenon)
, et son essence (ousia). Ou pour reprendre les termes de l’EvTh, qui lit à sa façon Gn 1/26 (l’homme créé " à la ressemblance et à l’image de Dieu "), la ressemblance au modèle : logion 84. – v. : Image*.

Tout le monde sent bien que des formules comme : "Une femme est une femme", "Paris sera toujours Paris", "Rome n’est plus dans Rome", ne sont pas des tautologies, mais des confrontations de plans. Pareillement pour une formule comme : "Ma vie n’est pas une vie", qui oppose la vie réelle à la vie essentielle, celle qui existe en tant qu’archétype dans l’esprit, et s’atteste dans le langage quand je prononce le mot vie. – v. : Vie*.


Si je dis à quelqu’un : "Tu n’es pas un homme", j’ai bien en moi l’idée de ce qu’un homme doit être, à quoi je confronte l’être que je vois. L’idée est bien plus forte que si je caractérisais par la qualification : "méchant homme", etc. "Je cherche un homme", disait aussi Diogène le Cynique en se promenant dans Athènes en plein jour, une lanterne allumée dans la main. Ne pensez pas qu’il eût des mœurs spéciales ! Il cherchait seulement quelqu’un qui fût digne de ce nom. En chaque homme, il cherchait l’Homme.


Bien sûr il doutait de le trouver. Mais on n’est pas obligé de partager ce pessimisme. Malgré la chute ontologique, la dégradation de l’essence dans l’accident, cette dernière continue d’y miroiter (antanaklasis en grec veut dire : reflet, éclat, écho). On sait aussi que l’antanaclase est l’archétype stylistique majeur de tout l’évangile selon Thomas. Réunir au second homme, imparfait, le premier ou le primordial, celui qu’il a été, qu’il peut être à certains moments et qu’il doit redevenir, est la tâche essentielle. Pour reprendre un mot de Nietzsche, il faut devenir ce qu’on est. Au fils de l’homme, faire succéder le Fils de l’Homme.


Alors ce Fils de l’Homme n’est plus ce juge extérieur dont on nous menace d’habitude dans la perspective du jugement eschatologique, mais il signifie ce que nous pouvons tous être dès maintenant, si nous nous réunifions à nous-mêmes, à notre être profond et essentiel, de cette façon : "Jésus a dit : ‘Lorsque vous faites le deux Un, vous deviendrez Fils de l’homme, et si vous dites : montagne, éloigne-toi : elle s’éloignera.’ " (logion 106).


photo Michel Théron

Ce qui permet ce miracle, l’ambulation de la montagne, c’est l’effort, le travail, réservé peut-être à certains seulement, qui peuvent réaliser leur propre unification. Ce n’est donc pas la foi qui soulève les montagnes, comme le dit le discours majoritaire tiré du texte canonique : "Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne : ‘Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer’, et s’il ne doute point en son cœur, mais croit que ce qu’il dit arrive, il le verra s’accomplir." (Mc 11/23 ; cf. Mt 17/20 et 21/21).

C’est que ce dernier discours, beaucoup plus simple, s’adresse à la foule, qui effectivement n’est pas naturellement portée à faire un tel effort de réunification intérieure, de réunion à soi-même. Qui ne meurt de n’être que soi ne sera jamais soi-même.

Voir plus d’éclaircissements sur cette problématique (dualité de la vie et réunion au "modèle instituant") dans
le site "autour des auteurs" ; article "deux vies" présentant un ouvrage de Michel Théron.

 

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30 août 2009 7 30 /08 /août /2009 12:58

par Jean-Claude Barbier


Nous savons combien les trinitaires ont tiré (abusivement) du Prologue de Jean l’affirmation du dogme de la Trinité, à savoir un Jésus non seulement "Fils de Dieu" (ce qui est somme tout un titre messianique, ou même plus général) mais un Jésus qui serait l’incarnation de Dieu lui-même, en quelque sorte avec une filiation réelle, ontologique, et non plus symbolique.

Ce texte, qui a été manifestement rajouté à l’évangile de Jean (il n’est pas de même facture et il est la seule partie de cet évangile à utiliser cette notion de "logos"), est donc encore plus tardif, au basculement des 1er et du 2ème siècle. Ecrit en grec, utilisant un mot abstrait, il fait tout de suite penser à la philosophie néo-platonicienne qui commençait alors à faire florès et qui est reprise par les Pères de l’Eglise.


En fait, il s’inscrit AUSSI en toute logique avec ce que nous savons désormais du Fils de l’homme selon le Livre d’Hénoch et que Jésus reprit à son compte en l’actualisant jusqu’à sa passion (voir les articles de Louis Cornu dans la même rubrique "le Fils de l’homme"), à savoir un être céleste de la mystique eschatologique juive.


C’était bien ce qu’André Chouraqui disait déjà en 1982 dans sa traduction de la Bible et, en ce qui le concerne, sans faire expressément référence à cette histoire de Fils de l’homme.
Il constate d’abord, avec l’exégèse moderne, que les versets 3 à 5 sont probablement la reprise d’un hymne pré-chrétienne qui aurait vu le jour dans les milieux judéo-hellénistiques et qui paraphrase le récit de la Genèse en Gn 1, 2–4a en résumant l’œuvre créatrice du Verbe. Il traduit ces versets de la façon suivante :

" 3 - Tout devient par lui [le logos] ; hors de lui, rien de ce qui advient ne devient. 4 – En lui est la vie ; la vie est la lumière des hommes. 5 – La lumière brille dans la ténèbre, mais la ténèbre de l’a pas saisie ".


Cette Parole active de Dieu, d’un agir qui découle immédiatement du dire, qui transforme magiquement les réalités qui sont désignées, appelées (ainsi Adam assoit-il son autorité en nommant les animaux !), correspond tout à fait au mot hébreux dabar de l’Ancien testament.

A. Chouraqui rappelle que Philon d’Alexandrie (mort en 54 après Jésus-Christ) faisait déjà du logos un être divin qui fut instrument de la création ; de même que la littérature gnostique que l’on a retrouvée à Nag Hammadi.

Pour A. Chouraqui, pas de doute : "… Il y a fort à croire que l’auteur de l’évangile ne se réfère pas au logos des systèmes de pensée hellénistiques et à ses connotations rationnelles et spéculatives. C’est plutôt dans la tradition vétéro-testamentaire qu’il faut chercher la source de l’emploi de ce terme " (note, p. 387, éd. Lydis, Paris, 1er tome, 1982).

Ce logos ne se réfère pas non plus, ajoute t-il, au courant gnostique en pleine émergence à la fin du Ier siècle puisqu’il n'hésite pas à parler de la chair ("14 - Le logos est devenu chair. Il a planté sa tente parmi nous … "), terme qui est répulsif pour les gnostiques puisque, pour eux, il nous faut précisément nous dégager de la pesanteur de notre gangue corporelle, de la glèbe charnelle.


Alors ce Prologue ? Un point d’orgue de la tradition juive (bien qu’apocryphe !) avant l’entrée définitive du christianisme dans la culture hellène ?

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30 août 2009 7 30 /08 /août /2009 10:06

par Jean-Claude Barbier

La Bibliothèque Chester Beatty a été créée en 1950 à Dublin, en Irlande, dans le but de conserver les collections orientales et moyennes orientales du magnat américain de l'industrie minière Sir Alfred Chester Beatty (1875-1968). Parmi elles, des manuscrits coptes en dialecte sahidique, lequel peut être considéré comme une forme primitive du copte.

En Egypte, au cours du IIIème siècle après Jésus-Christ, la Septante et les écritures grecques chrétiennes de cette époque furent traduits en cette langue (selon The Anchor Bible Dictionary), dont le Chester Beatty 813 qui porte sur le Nouveau testament. Certains pensent même que cet évangile aurait déjà été diffusé en Egypte à la fin du 1er siècle, puis traduit en copte sahidique dès le IIème siècle (lien)


Une telle traduction présente de l’intérêt d’abord par son ancienneté car les documents d’avant le IIIème siècle sont rarissimes, ensuite parce que le dogme trinitaire s’est imposé à partir de 325 à la suite du concile de Nicée et a pu influencer les traductions ultérieures, enfin parce que le copte – comme nos langues occidentales – utilise l’article indéfini, ce que ne faisait pas le grec ancien, ni le syriaque, ni le latin.
En grec, on a "en archè èn ho logos, kai ho logos èn pros ton theon, kai theos èn ho logos" (Jean, 1,1).


Nouveau testament en copte sahidique, Chester Beatty 813 (Dublin)

Or l’usage de l’article indéfini s’avère bien utile pour savoir si on parle de Dieu ou bien d’un dieu. Il en est notamment ainsi pour le Prologue de Jean. C’est ce que tient à souligner La Tour de Garde du 1er novembre 2008 *, organe des Témoins de Jéhovah. La traduction de Jean, 1, 1 par ceux-ci (la "Traduction du Monde nouveau" qui est leur traduction) a été la suivante : "Au commencement la Parole était, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était un dieu" *. En cela, le manuscrit en copte sahidique leur donne raison.
* "La Parole était-elle " Dieu " ou bien " un dieu " ?" (pp. 24-25).

 

Nous remercions Fabien Girard de nous avoir informé de l’existence de cet article pertinent.

 

La Tour de Garde du 1er nov. 2008, édition en italien

La Bible de Jérusalem et d’autres traduisent quant à elles : " le Verbe était Dieu ", entérinant ainsi l’absence de l’article indéfini dans le grec ancien.

Le débat est d’importance puisque le même Prologue avance que c’est précisément Jésus qui est la Parole, le Verbe, le Logos. Jésus serait-il donc Dieu (à savoir Dieu lui-même qui se serait incarné en lui, ce qui est l’interprétation trinitaire officialisé par le concile de Nicée) ? ou bien " un dieu ", à savoir un être humain qui a été " glorifié ", qui a été " élevé " au ciel comme le patriarche Hénoch ou encore Elie et qui se retrouve auprès de Dieu, ou encore en son sein ? ou un être humain qui est mort mais qui a été ressuscité " d’entre les morts " selon le kérygme de la Pentecôte ?

Dans les trois cas, c’est assurément de l’ordre de l’exception, de l’extraordinaire à l’encontre de toute loi naturelle, du miraculeux qui suppose l'intervention d'un dieu providentiel. Ce qui implique "un acte de foi" : comme on dit, on y croit ou on n’y croit pas !


Dans un contexte monothéiste, l’affirmation que Jésus est un dieu ne peut pas passer et on voit mal l’auteur du Prologue penser cela. Le Verbe déposé par Dieu en Jésus et celui-ci alors dans un rôle de médium de Dieu est assurément une idée plus acceptable. Jésus aurait alors reçu la révélation divine par excellence, en direct !
Certaines bibles, plus prudentes, s’en tirent en disant que " le Verbe est divin ".


Ceci dit, le Fils de l’homme selon Jésus (s’inspirant du Livre d’Hénoch) est effectivement un être céleste, ayant vécu " au sein de Dieu " - et c’est précisément pour cela que le Prologue poursuit ses spéculations métaphysiques en affirmant que le Logo (= Jésus) était avant tous les siècles, au commencement du Monde ! Jésus l’aurait dit lui-même en affirmant qu’il était déjà avant qu’Abraham ne fut.

Et si les Témoins de Jéhovah avaient raison en insistant sur cette nature céleste de Jésus, ce qui est précisément la théologie arienne du IVème siècle (Jésus, être céleste " né avant tous les siècles ", dieu mais subordonné à Dieu, en position seconde) ? du moins en lecture fondamentaliste des Ecritures … et n’en déplaise aux unitariens pour qui Jésus est simplement un être humain comme nous tous *

* mais je rappelle ici que les unitariens ne sont pas fondamentalistes (à la suite entre autres d'un Faust Socin, William Ellery Channing et Thomas Parker) et sont dispensés (ouf !) de suivre à la lettre ce que disent les Ecritures lorsque celles-ci contredisent manifestement la raison !


Décidément ce Prologue de Jean, qui continue à faire couler beaucoup d’encre, est logiquement à mettre dans notre rubrique relative à cette figure si "extraordinaire" (au sens plein du terme) du Fils de l’homme.

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26 août 2009 3 26 /08 /août /2009 17:50

par Jean-Claude Barbier

Le Livre d'Hénoch (également connu sous le nom de 1 Hénoch) est un écrit inter-testamentaire. Il n’a été repris ni par le canon juif ni par celui des chrétiens.
Son abandon contraste bien entendu avec son succès populaire durant plusieurs siècles. Fort heureusement, l’Eglise éthiopienne l’a, elle, conservé pieusement dans son propre canon , et c’est ainsi que le livre fut redécouvert en 1777 par l'explorateur écossais James Bruce qui en ramena 3 exemplaires d’Éthiopie.

Les débats vont bon train dans les hautes sphères religieuses (de toutes les religions !) pour établir la liste des livres considérés comme inspirés par Dieu, lieux par excellence de la révélation. Alors que la Septante (qui résulte de la traduction des livres hébreux en grec à la demande du roi lagide Ptolémée II Philadephe, qui règna de – 285 à – 246) englobe les livres que nous retrouvons aujourd’hui dans la version catholique de l’Ancien testament, la Grande assemblée (le sanhédrin), en exil à Yavné après la ruine du temple de Jérusalem (en 70 ap. J.-C ), décida en 90, sous la présidence du rabbin Gamaliel II (80 - vers 116 ; de la période historique dite des Tannaïm) de s’en tenir à une version plus restrictive (le Tanakh tel qu’il fut établi à l’époque perse du scribe Ezra et du haut-commissaire Zorobabel, au retour de l’Exil), ce qui exclut les livres qui furent écrits ultérieurement directement en grec, sous le prétexte que les chrétiens citaient ces textes dans leur argumentaire.

Il s’ensuivit des " deutérocanoniques " que l’on retrouve aujourd’hui dans les bibles catholiques, mais – du moins au début – mis en annexe par les protestants et absents des bibles hébraïques. Sans compter les nombreux " apocryphes " juifs (dont notre Livre) qui, malgré leur succès populaire, ne firent pas consensus.
Fort heureusement, les Pères de l’Eglise étaient souvent des érudits moins tatillons dans le choix de leurs lectures et leurs citations ont sauvé bien des références d’ " apocryphes ".


Du côté des chrétiens, c’est la volonté de Marcion à vouloir exclure l’Ancien testament (pour lui, œuvre satanique) qui obligea, par réaction, les autorités religieuses à établir une liste des livres recommandables aux fidèles. Ce fut fait tardivement, au IVème siècle, à la demande du pape Damase 1er, que Jérôme de Stridon traduisit en latin la Septante, plus le Nouveau testament, ce qui donna la Vulgate avec les livres que nous connaissons aujourd’hui dans les versions catholiques. Cette liste " officielle " fut confirmée lors des conciles d’Hippone (393) et de Carthage (397 et 419) ; et l’Eglise byzantine s’y rallia plus tardivement lors du concile de Trullo en 692.


Le Livre d'Hénoch fut violemment pris à partie et condamné pour hérésie par le chrétien Filastrius (Liber de Haeresibus, numéro 108), et, côté Juif, par le Rabbi Simeon ben Jochai, au deuxième siècle de notre ère, qui prononça une malédiction sur ceux qui le croyait.


La majorité des érudits affirment que le contenu actuel de l'histoire dans le Livre d'Hénoch a été écrit quelque part durant le 2ème siècle. Il va sans dire qu’il s’agit d’un pseudépigraphe, le brave patriarche Hénoch étant mort depuis de nombreux siècles ! On n’en connaît donc pas l’auteur.


Le plus ancien texte éthiopien apparemment a été rédigé à partir d'un manuscrit grec du Livre d'Hénoch, lequel lui-même fut une copie d'un texte plus ancien, en langue sémitique, aujourd'hui considéré comme étant de l'araméen ainsi que le prouvent les fragments qui ont été retrouvés parmi les manuscrits de la Mer Morte. Il était largement diffusé car ces fragments renvoient à pas moins de dix manuscrits différents ! On peut imaginer que, au sein de la mouvance essénienne, le courant apocalyptique, qui donnera naissance au mouvement de Jésus, avait une prédilection pour ce genre de texte.

Dans la compréhension du Fils de l'homme selon Jésus, il apparaît comme le chaînon manquant de nos bibles entre le Livre prophétique de Daniel (écrit entre 167 et 164 av. J.-C. selon la Bible de Jérusalem, 1956, p. 982) et les évangiles.

Plus de deux cents expressions dans le N-T trouvent leur précédents dans le Livre d'Hénoch. Mieux, l’épître de Jude nous indique dans son verset 14 que " Hénoch, le septième depuis Adam, a prophétisé ... ". et cotinue en faisant une référence directe au Livre d'Hénoch (2 : 1 ou 1 : 9 selon les traductions), où il écrit, " pour exécuter le jugement sur tous, pour condamner tous ceux qui sont impies... ". L'auteur apocryphe de
l'Épître de Barnabas cite le Livre trois fois, l'appelant deux fois " l'Écrit " un terme dénotant spécifiquement la Parole de Dieu inspirée (Épître de Barnabas 4 : 3, 16 : 5,6). D'autres écrits apocryphes reflètent la connaissance de l'histoire d'Enoch des "Veilleurs", notamment le Testament des Douze Patriarches et le Livre des Jubilés.

Du côté des Pères de l’Eglise, Justin Martyr attribue tout le mal aux démons qui sont de
la progéniture des anges tombés à cause de la convoitise pour des femmes (ce qui est la version hénochienne). Athenagoras, écrivant dans son texte appelé Legatio environ 170 de notre ère, considère Hénoch comme un vrai prophète. Il décrit lui aussi les anges qui " ont violé leur propre nature et leur fonction." et entre dans le détail de leur Chute. Hénoch est cité (et approuvé) par Tatian (110-172), Irenaeus, évêque de Lyon (115-185), Clément d'Alexandrie (150-220), Tertullian (160-230), Origen (186-255), Lactantius (260-330), Methodius de Philippi, Minucius Felix, Commodianus, et Ambrose de Milanalso




pour les textes inter-testamentaires :

DUPONT-SOMMER et PHILONENKO, sous la direction de, 1987 - La Bible. Écrits intertestamentaires, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade. Le Livre d’Hénoch est ici introduit et commenté par André Cacquot.


pour les études sur les fragments du Livre d’Hénoch en araméen :

MILIK, J. T., éd. et traduction, 1976 - The Books of Enoch : Aramaic Fragments of Qumran Cave 4, Oxford : Clarendon Press, 400 p.

MARTIN François, 2000 - Le Livre d'Hénoch traduit sur le texte éthiopien, Milan : Archè
LANGLOIS Michaël, 2008 - Le premier manuscrit du livre d'Hénoch - Etude épigraphique et philologique des fragments araméens de 4Q201 à Qumrân ; avec une préface d’André Lemaire, paru en octobre aux éditions du Cerf dans la collection Lectio Divina.


pour lire le Livre d’Hénoch et des commentaires sur Internet :

LE MOAL, le texte
http://sites.google.com/site/grandoeuvre/livre-dh%C3%A9noch

POPPER, avec un parallèle entre le Livre d’Hénoch et les citations dans le N.T.
http://www.viaveritas.fr/Le-livre-d-Enoch-2-2
FONTAINE Didier, Encyclopedia Gentium Boni (L’Encyclopédie des gens de Bien), avec toutes les citations concernant les noms d’Hénoch
http://www.areopage.net/atxtheb/Gen5_21-24.html 
***, L'Univers spirituel du monothéiste ; à la rubrique " Le Livre d’Hénoch" : Le Livre d’Hénoch (le texte lui-même), Au sujet du Livre d’Hénoch *, Points culminants du livre d’Hénoch.
www.monotheiste.com

* ndlr : nous avons utilisé, entre autres, cet excellent article pour rédiger notre présente notice.

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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 15:14

suite et fin du texte de Louis Cornu sur Le Fils de l'homme

les textes

Mc 14, 10-25 ; Luc 22, 21-23 ; Jn 13, 21-26


le déroulement des faits

Pendant qu’ils sont à table (apparemment, au début du repas), Jésus fait une annonce : l’un de vous qui êtes en ce moment à table avec moi, me livrera. Cette information attriste et intrigue les assistants. Au cours de ce repas, Jésus fait aussi un geste très fort : l’institution de la " Sainte Cène ", l’Eucharistie. Selon Marc, ce geste serait situé après l’annonce de la " trahison ", selon Luc, avant. Le plus sage est d’admettre que l’annonce de la trahison est première … que le geste eucharistique vient ensuite, en interaction avec les effets d’annonce …

Jean précise que "le disciple bien aimé" et Pierre ont su assez vite qui serait le traître, Judas, lorsque Jésus lui offrit une bouchée de pain trempé. Jean pense que c’est en recevant ce pain que Judas fut investi par Satan et décida de trahir, mais Marc précise que, la veille déjà, il avait dans ce but pris contact avec les Grands-Prêtres. Jean paraît donc estimer que, jusqu’à cet instant, Judas n’avait pas encore pris de décision irrévocable.


Pour finir, Judas reçoit de Jésus l’ordre d’agir vite et sort dans la nuit.


analyse


Quand Judas reçoit de Jésus la directive : " Ce que tu fais, fais le vite ", les autres disciples ne pensent pas à la " trahison " annoncée, alors même que deux d’entre eux, Pierre et le disciple bien aimé, savent que c’est Judas qui assumera cette action. Normalement ne devraient-ils pas savoir aussi que la trahison aurait lieu ce soir même ? On voit bien Jésus n’a pas été aussi explicite car, de toute évidence, leur comportement et leurs réflexions, au moment de la sortie de Judas, ne trahissent aucune appréhension d’un drame imminent pourtant annoncé : ils supposent que Judas, tout simplement, vient de se voir confier une mission (caritative ?) convenue au préalable.

Judas sort donc dans la nuit et Jésus laisse filer le temps. Il sait pertinemment que ce dernier va au rendez-vous fixé avec le chef de la police du Temple pour le guider ensuite au jardin de Gethsémani. Judas, de son côté, est certain que Jésus y sera.
Gethsémani est un rendez-vous (lieu et heure assumés par Jésus, fixés par Jésus lui-même, d’accord avec Judas qui en a proposé la possibilité au Grand-Prêtre, lequel a accepté de lui faire confiance. De fait le moment venu, Jésus s’y rend, sachant très bien ce qui lui arrivera.


Il y a manifestement connivence parfaite entre Jésus et Judas. En effet, si, au contraire, il s’agissait d’une véritable trahison, projet pernicieux, dont Jésus aurait été informé à l’insu du traite, il pourrait, après la sortie de Judas, disparaître dans la nuit et s’enfuir avec ses amis … comme il l’a déjà fait plusieurs fois devant un péril mortel, et particulièrement au début de l’année, lors de la fête d’Hanouka (Jn 10, 39-40) et encore, quelques temps plus tard (Jn 11, 54) Judas se fût alors trouvé dans la situation périlleuse du comploteur démasqué, trompant la confiance du Grand-Prêtre.


En fait, Jésus va se rendre à Gethsémani où il sait que, grâce à Judas, il sera arrêté. Cette arrestation, c’est son objectif et Judas est en mission pour cela.


plausibilité


Comment expliquer cette connivence ? On pourrait supposer que l’initiative fût de Judas et que Jésus, informé par un tiers (Nicodème ?) ait décidé de se rallier et d’en faciliter la réalisation. Encore faudrait-il que Judas n’ait eu aucun doute sur ce point … ce qui implique concertation entre eux. Il est beaucoup plus vraisemblable que l’initiative fût de Jésus lui-même et que Judas ne fût que l’homme de confiance de sa mise en œuvre et de sa réussite … dans le cadre d’une concertation secrète entre eux deux seuls, le mercredi (5 avril) au plus tard.


indices


Nos évangiles ne manquent pas d’indices en faveur de cette possibilité. Jésus a échappé à une lapidation lors de la fête de Hanouka (Dédicace) trois mois plus tôt (fin décembre 29 ou début janvier 30). Il s’est enfui de Jérusalem (Jn 10, 39-40), mais il y est revenu un peu plus tard pour Lazare, prenant ainsi un risque certain. Cette fois, il a sans doute été condamné à mort par contumace … en tout cas la décision de le faire mourir a été prise après délibération du sanhédrin (
Jn 11,53) et des poursuites avaient été lancées contre lui (Jn 11, 57) : " Les Grands-Prêtres et les pharisiens (le Sanhédrin) avaient donné ordre : si quelqu’un savait où il était, qu’il l’indique pour qu’on l’arrête ").


Lui, il s’était enfui du côté d’Ephraïm (Jn 11, 54), mais il avait fait savoir qu’il reviendrait pour la fête de Pessah et les pèlerins se demandaient, en montant à Jérusalem pour cette fête, s’il aurait vraiment l’audace de venir affronter ses adversaires, qui avaient décidé sa mort (Jn 11, 56).


Eh bien, en toute connaissance de cause, Jésus était venu, faisant preuve d’une extraordinaire détermination … alors même qu’apparemment rien ne l’y obligeait. Assumant le destin du "Fils d’Homme" (Dan 7, 13-27) conformément à la prophétie (Dan 9, 24-25) dont le délai arrivait à échéance … et celui du Bon Berger qui donne sa vie pour son troupeau, en vue d’une " nouvelle alliance " (Zac 13, 7-9), Jésus avait décidé que l’acte final se déroulerait devant " tout Israël " rassemblé pour la Pâque fixée au 8 avril cette année-là. Son heure était venue.


une échéance prophétique


Le triomphe du "Fils de l’homme", inaugurant le " Royaume de Dieu " (
Dan 7, 13) avait été prophétisé par Daniel à l’issue d’un délai précis – 490 ans (Dan 9, 24) prenant origine à partir d’un évènement qui, lui, pouvait donner lieu à d’éventuelles spéculations : " le surgissement d’une parole en vue de la reconstruction de Jérusalem " (Dan 9, 25). A l’époque de Jésus, la seule possibilité encore ouverte était de se référer à l’ordre de mission remis au prêtre-scribe Esdras par le roi Artaxerxès en la septième année de son règne (Esd 7, 7). A l’époque de Jésus, on considérait qu’il s’agissait d’Artaxerxès I (- 465 - 424). La septième année de son règne correspondait à - 458 ou - 459.


Sur cette base, le délai eschatologique de Daniel - 490 ans conduisait approximativement aux années 30-31 de notre ère. Faisant confiance à ce prophète – le prophète du Fils de l’homme – (c’était le cas de Jean Baptiste et de Jésus) on s’attendait naturellement à voir se produire en Palestine, sous Pilate (
26-36) des évènements conformes à ces prédictions (Dan 9, 26-27) : destruction de Jérusalem et surtout du Temple, au cours d’une courte période de guerres et de dévastations. Tout naturellement aussi, on était certain de voir le Fils de l’Homme mettre fin à ces épreuves en inaugurant le Royaume de Dieu.


la dernière semaine


L’heure était donc venue : Jésus ne pouvait plus attendre. Allaient se produire des évènements tragiques dont il souffrirait lui-même, en "Bon Berger sacrifié", mais dont il sortirait "glorifié" (
Jn 13, 31-32 et 17,1) en "Fils de l’Homme". Ces évènements, nécessairement, comportaient une guerre contre Rome, que les nationalistes juifs (zélotes) ne pouvaient manquer de provoquer en se soulevant contre l’occupant étranger.


C’est dans cette certitude que Jésus était arrivé avec ses disciples à Jéricho d’où, prenant la route de Jérusalem pour une ultime étape, le dimanche 2 avril, il avait clairement annoncé : " Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’Homme va être livré aux Grands-Prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort. Ils le livreront aux païens. Ils se moqueront de lui ; ils cracheront sur lui, le fouetteront et le feront mourir … " (Marc 10, 32-34).


Le scénario qu’il venait de décrire était désormais entré dans ses objectifs précis, dont l’issue certaine était sa glorification (Jn 13, 31-32 et 17, 1) car il avait ajouté : " et, après trois jours, il s’élèvera " (Marc, 10, 34).


Normalement, son entrée royale à Jérusalem et dans le Temple, en fin d’après-midi de ce même 2 avril, aurait du provoquer les troubles prévus par Daniel : enthousiasme populaire, répression romaine, arrestation du roi d’Israël venu pourtant pacifiquement sur un ânon, selon Zac 9, 9. Rien !


Le lendemain, lundi, chassant les marchands du Temple, en référence à
Zac 14, 21 : " Il n’y aura plus de marchands dans la Maison du Seigneur le tout-puissant, en ce jour-là " (le jour de l’instauration définitive du Royaume de Dieu), Jésus avait posé un acte hautement subversif qui confirmait son initiative de la veille. Encore Rien !


Le mardi, il avait, dans l’enceinte du Temple, polémiqué avec tous ses adversaires, de façon extrêmement provocante. Toujours Rien ! Ce même mardi, le soir venu, sur le mont des Oliviers, il avait réaffirmé aux Douze ses certitudes (Marc 13). Il n’en demeurait pas moins qu’il devait faire face à une situation imprévue : on ne voulait pas l’arrêter pour l’exécuter " pendant les fêtes, afin qu’il n’y ait pas de tumulte dans le peuple " (Marc 14, 2). Ses adversaires avaient toujours la volonté de la supprimer, mais par ruse et surtout après les fêtes (Mc 14, 1) lorsque la foule des pèlerins aurait quitté Jérusalem, ce qui ne manquerait pas de se produire dans une dizaine de jours, une semaine après Pâque. S’ils y parvenaient, Jésus risquait tout simplement de connaître le sort obscur de Jean-Baptiste, en 28 : une exécution discrète et c’est justement ce qui n’entrait pas dans ses objectifs.


Puisque ses ennemis avaient décidé de temporiser, c’était à lui de leur forcer la main sans attendre. Ils ne voulaient pas procéder à une arrestation publique, de jour, par crainte de provoquer un mouvement populaire aux conséquences dramatiques (
voir Jn 11, 48). Il fallait donc rapidement leur offrir la possibilité d’une arrestation discrète, de nuit. C’est exactement ce qui allait se passer le jeudi soir … après que Judas eut pris contact avec le Grand-Prêtre dès le mercredi (Mc 14, 10). Ce jour là, avaient commencé, par l’intermédiaire de Judas, des tractations dont le résultat allait parfaitement servir le projet de Jésus.


Pour inspirer confiance à son interlocuteur, Judas avait joué le rôle du traître vénal : Jésus était au courant de ce détail. En était-il le concepteur ? Etait-ce Judas qui l’avait imaginé ? Le plus simple est d’admettre, entre Jésus et Judas, pendant la nuit du mardi au mercredi, une concertation très secrète, au cours de laquelle auront été étudiées plusieurs éventualités de déroulement pour une négociation en face au Grand-Prêtre. Judas aurait alors fait preuve de maîtrise, de perspicacité et d’esprit d’initiative. De son habileté dépendait une décision du Grand-Prêtre, qui pourrait conduire rapidement au dénouement que Jésus avait annoncé et auquel il tenait absolument pendant les Fêtes.


psautier de Copenhague, 1175-1200, le baiser de Judas

Dans cette affaire, pour tous les protagonistes et singulièrement pour Jésus et Judas, le secret était indispensable. Qu’il fut percé, tout risquait d’échouer. Jésus n’avait donc informé ses amis qu’au dernier moment, au début du repas du jeudi soir … et encore ne leur avait-il pas tout dit : il ne leur avait certainement pas révélé le moment (le jour) de la "trahison" puisqu’ils ne comprirent pas la portée de la sortie de Judas " Ce que tu fais, fais-le vite ".


Au cours de ce jeudi, 6 avril 30, d’autres transactions avaient eu lieu entre les ennemis de Jésus, les Grands-Prêtres, le sanhédrin, Pilate. C’est ce que met en évidence le déroulement de l’arrestation au milieu de la nuit.


Pilate avait appris du Grand-Prêtre que, dès le vendredi matin, il aurait à juger un "nazôréen" subversif, arrêté au cours de la nuit précédente. Cet homme était dangereux parce que sa prétention au trône d’Israël stimulait un nationalisme populaire juif très anti-romain. Le Grand-Prêtre tenait à ce que la police du Temple procédât elle-même à l’arrestation de l’individu, mais Pilate acceptait de lui prêter main forte avec la participation d’un détachement de la " cohorte " (Jn 18, 3). Il acceptait également de laisser pendant quelques heures l’homme – déjà condamné pour motif religieux par le sanhédrin (Jn 11-53) – à la disposition du Grand-Prêtre qui désirait l’interroger personnellement pour le confondre. Il fut aussi convenu entre eux que l’affaire (procès romain, exécution) serait conduite très rapidement. Tout devait être terminé avant la fête de Pâque qui débutait dès vendredi soir à la tombée de la nuit. Pilate prendrait donc livraison de l’homme le vendredi matin, dès le lever du jour (Jn 18, 28 ; Mc 15, 1).


De tout ce programme, Jésus ne connaissait avec précision que le premier acte, l’arrestation à Gethsémani. Il savait donc qu’il ne pourrait célébrer la Pâque avec ses amis le vendredi soir comme le voulait la coutume juive. Il avait donc décidé de les réunir plus tôt, le jeudi soir, pour un repas d’adieu pré-pascal au cours duquel il voulait célébrer le sacrifice du Bon Berger (Zac 13, 7-8 ; Mc 14, 27) dont le sang était celui de " la Nouvelle Alliance " (Lc 22, 20). Il profiterait de cet ultime repas avec ses proches (Mc 14, 25) pour leur donner des informations (le strict indispensable, seulement) sur l’arrestation nocturne dont ils allaient être témoins … évènement dont seuls lui et Judas connaissaient tout, pour l’avoir préparé ensemble.


Du déroulement ainsi enclenché Jésus (et Judas avec lui) attendait sa glorification rapide en Fils de l’homme, recueillant la royauté, la puissance et la gloire (Dan 7, 13-27). Malheureusement pour Judas, cette glorification du Fils de l’homme ne fut pas strictement conforme à la prophétie et elle ne fut pas immédiate. Elle ne devint évidente que plus tard, par les apparitions de Jésus vivant. En attendant cette évidence, Judas restait prisonnier du rôle de traître qu’il avait si bien joué … rôle de composition dont seul Jésus, désormais mort, connaissait le secret.

la mort de Judas


Il allait, lui, Judas, payer de sa vie ce terrible secret.


Nous avons deux versions contradictoires de sa fin : celle de Mt 27, 3-10 - un suicide dès le vendredi soir – et celle de Luc, dans Actes 2, 18-19, une mort brutale (accidentelle ?) plus tard (il avait eu le temps d’acheter un champ qu’à l’évidence il pensait exploiter). Deux choses sont certaines cependant : il a été rejeté et honni à cause du rôle qu’il avait accepté de jouer … et il n’est pas décédé de mort naturelle.


réhabilitation gnostique


Il ne fallut pourtant pas très longtemps pour que ce mépris unanime fût ébranlé. Certains chrétiens, certes très minoritaires, s’avisèrent plus tard que le rôle de Judas était indispensable à l’économie du salut ; qu’il avait fait partie du plan de Dieu ; en somme que Judas avait été nécessaire ; que sa trahison avait été voulue par Dieu. Ces chrétiens – gnostiques – étiquetés caïnites, avaient rédigé un Evangile de Judas fustigé par Irénée de Lyon (130-202) dans son ouvrage Adversus haeréses, au cours de la deuxième moitié du IIème siècle. Il ne paraît pas cependant qu’ils soient allés jusqu’à nier la trahison et à faire de Jésus l’instigateur de l’affaire.

C’est par l’analyse de nos seuls évangiles canoniques que l’on peut parvenir à cette conclusion qui, d’ailleurs, pour l’historien, n’est que l’hypothèse la plus cohérente avec les faits, les gestes et les principales paroles de Jésus.

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19 août 2009 3 19 /08 /août /2009 10:47

suite du texte de Louis Cornu "le Fils de l'homme".

Personnellement, Jésus a développé une mystique qui lui est propre, d’union intime avec Dieu, perçu comme son Père, non pas sur le mode adoptif, mais sur le mode de l’être. Dans cette mystique, Jésus est convaincu d’être tout-à-fait exceptionnellement, la personne céleste " dans le sein de Dieu, avant la création du monde " dénommée dans l’Ecriture " l’Elu " ou " le Fils de l’homme ". Il est cette personne d’origine, réellement quoique paradoxalement, aussi sous l’identité humaine de Jésus de Nazareth, né dans une famille humaine de Galilée, aujourd’hui persécuté par Caïphe et Ponce Pilate. Si Jésus avait quelque doute à ce sujet, il serait demeuré Juif pieux, sans doute d’obédience pharisienne, probablement avec femme et enfants, exerçant la profession de charpentier. Ce n’est pas le cas.

 

Sur la base de cette foi, de cette mystique, Jésus s’est convaincu d’avoir un rôle irremplaçable à jouer à l’époque où Caïphe et Ponce Pilate sont ensemble aux affaires en Palestine. Cette époque – entre 26 et 32 – est celle que Daniel, le révélateur du Fils de l’homme (sous inspiration divine) a indiquée comme dernier " septénaire " du monde actuel. A la fin de ce septénaire – Jésus en est certain – le monde sera transformé en une " nouvelle terre " devenue définitivement " Royaume de Dieu ", d’où la mort et le mal seront bannis et où la vie sera éternelle. Bénéficieront de cette vie, dans le Royaume de Dieu, les " justes " qui survivront au moment de cette transformation, ainsi que les morts ressuscités, reconnus justes à l’issue d’un ultime " Jugement général " qui constituera, dans le temps, la limite entre le monde d’avant et celui d’après sous la véritable " royauté de Dieu ".

 

Selon la révélation de Daniel / Hénoch, à laquelle Jésus adhère totalement, c’est au Fils de l’homme qu’appartiendra au dernier jour la fonction de Jugement. Ce jour de la Fin sera le jour où le Fils de l’homme = Fils de Dieu jugera et inaugurera du même coup une royauté divine éternelle. Ce sera l’avènement royal du Fils de l’homme. Ce sera " le Jour du Fils de l’homme " à l’issue du dernier septénaire en cours.

 

Implications pratiques de cette mystique eschatologique

 

Puisque Jésus se perçoit comme le Fils de l’homme céleste incarné, il lui faut en assumer concrètement le destin, la fonction, au cours du dernier septénaire où se déroule son existence humaine. Ce ne peut être encore la fonction finale de Juge et de Roi ; c’est, en attente de cela, une fonction de proclamation pour proposer le salut, un salut assuré aux seuls qui croiront au Fils de l’homme / Fils de Dieu. Ne seront sauvés en effet que les Juifs qui auront rallié la "congrégation" de ces croyants-là : la "congrégation des sauvés" (sauvé = nazôréen). Dans le concret, ce ralliement nécessaire, de plus en plus urgent, évidemment, qui consistait au début, en 28, dans l’admission au baptême nazôréen ou " baptême de Jean " est devenu, après l’arrestation de Jean, " se mettre à la suite de Jésus ", Fils de l’homme implicitement déclaré.

 

L’action de Jésus–Fils de l’homme, tout aussi concrètement, s’est trouvée inscrite de façon incontournable, dans le temps limité du dernier septénaire, et suivant le schéma daniélique de son déroulement.

 

1° - Le temps limité au dernier septénaire


Jésus doit bien admettre avec réalisme que le temps n’est repérable qu’avec une relative approximation, et que l’on ne peut en déterminer ni le premier jour, ni le dernier, celui de l’avènement du Fils de l’homme en juge et Roi, qui dépendra d’une décision ponctuelle de Dieu, au moment choisi par lui, inconnu du Fils de l’homme-Jésus lui-même.

 

2° le schéma du déroulement, en revanche, est connu avec une précision suffisante (Da 9, 25-27)

 

a) Il y aura " des guerres et des dévastations ", mais il n’est pas assuré que ces guerres et dévastations occuperont toute la durée du septénaire, de façon cruelle ou furieuse. En effet, le septénaire sera coupé en deux périodes égales ; la première sera caractérisée par une alliance imposée " par le dévastateur " - une sorte de collaboration pendant laquelle on peut admettre que le conflit sera simplement latent, à la veille d’exploser. Dans cette vision des choses, cela pourrait correspondre à la guérilla zélote actuelle contre les Romains, si faible et jugulée qu’elle soit en apparence.

 

b) La seconde partie du septénaire, pendant trois ans et demi, sera " sans sacrifice ni offrande " ; au culte du Temple détruit, s'étant substitué l’idolâtrie (" l’abomination " ) du dévastateur. Au cours de cette période, il va de soi que guerres et dévastations séviront : guerre contre le " dévastateur ", Rome et les nations qu’elle domine et qui la servent. Qui déclenchera cette guerre ? – qui doit finir par la victoire du " peuple de Dieu " sur le dévastateur, si ce ne sont pas les nationalistes juifs, les zélotes ?

 

Quand Jésus affirme avec conviction que, bientôt, du Temple, il ne restera pas pierre sur pierre, c’est qu’il analyse le présent et prévoit l’avenir suivant le schéma de Daniel où la ruine du Temple est l’évènement central. Normalement, au moment où il exprime cette conviction, il estime se situer au milieu du dernier septénaire, juste avant la période tragique, puisque le Temple est encore debout et qu’il doit être détruit au cours de cette période, sinon à son début.

 

C’est à partir de cette base que Jésus, en ce mardi-soir, trois jours avant son exécution, envisage l’avenir : l’avenir proche pour ses disciples, les nazôréens, en principe sauvés, qui auront pourtant à vivre des années (au moins trois et demie) difficiles et périlleuses avant le salut du dernier jour, celui du Fils de l’homme ; mais aussi l’avenir immédiat pour lui-même qui va affronter ses ennemis, déjà, avant le temps de l’épreuve générale.

 

Comment imagine-t-il cet avenir personnel immédiat ? Il va être exécuté, c’est certain, mais il voit cette exécution comme une glorification, apparemment une mort-glorification comme un seul évènement biface, dont la face mort ne serait qu’épi-phénoménale : il a surtout annoncé aux siens qu’ils allaient assister à sa glorification avec, semble-t-il l’ouverture du ciel et l’accueil des anges de Dieu (et dans cette hypothèse, une glorification publique spectaculaire). Sa mort effective va les surprendre, au point qu’ils n’espéreront même pas, d’abord, une résurrection.

 

Comment Jésus concevait-il sa mort-glorification, ou sa glorification sans mort ? Comment concevait-il sa transformation d’être humain souffrant dans sa chair en être céleste glorifié " dans le sein de Dieu "?

 

Le mercredi, jour de la négociation de Judas avec les Grands-prêtres, Jésus affirme : " Le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié " (Mt 26, 2). Jésus aurait donc été immédiatement au courant de ce qui se tramait.

 

Le jeudi soir, en annonçant qu’il va être " livré ", Jésus affirme : " Le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé de lui " (Lc 21, 22 ; idem Mc 14, 21 et Mt 26, 24). Indubitablement, le départ du Fils de l’homme dont parle Jésus en lien avec la "livraison" qu’il vient d’annoncer, c’est sa "mort-glorification", évènement qu’il affirme prophétisé par l’Ecriture. De fait, la glorification du Fils de l’homme a été prédite par Daniel et Hénoch, mais la mort du Fils de l’homme, non : aucune prophétie, d’aucun prophète, dans l’Ecriture, sur ce point précis, la mort du Fils de l’homme. Enigme dont la solution devrait être celle-ci :

 

Le Fils de l’homme est, selon Daniel, destiné à recevoir " la royauté, la puissance et la gloire " : il sera donc roi sur Israël, peuple de Dieu ; il conduira Israël. Or celui qui conduit Israël est aussi, dans l’Ecriture, appelé Berger – même Dieu est berger d’Israël, dans les psaumes. Le Fils de l’homme sera donc "Berger" d’Israël : il y a concordance entre les deux titres. Il sera " Bon berger " et fidèle ou valeureux " compagnon " de Dieu, selon une qualification, en Za 13,7, qui correspond parfaitement à la personne du Fils de l’homme, depuis toujours dans l’intimité de Dieu, auprès de Dieu.


Christ Bon berger en croix, par Philippe Lecois (Caen)
 

Ce "Bon berger" est, selon Zac 13, 7-9, frappé sur l’ordre de Dieu. Nous avons bien là un texte prophétique prédisant souffrance et mort du "Fils de l’homme – Bon berger". Telle est certainement l’analyse que faisait Jésus, six mois plus tôt, lorsqu’il a déclaré : " Je suis le Bon berger qui donne sa vie pour son troupeau " (Jn 10, 11). Maintenant, en ce jeudi-soir, à quelques heures de son arrestation, il se tient toujours à cette analyse en affirmant qu’une " Ecriture " conduit son destin : cette écriture, c’est celle du Bon berger sacrifié sur l’ordre de Dieu, de Zacharie. Il en fournit la confirmation aussitôt en la citant à l’intention de Pierre : " Tous vous allez être scandalisés (en danger de tomber) car il est écrit : " Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées " (Mc 14, 27, citant Zac 13, 7-9) Aucun doute n’est possible lorsqu’on voit Jésus, présentant la coupe de vin, affirmer également : " cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang versé pour vous " (Lc 22, 20). En effet, selon Zacharie 13, 9, le sacrifice du Bon berger conduit à une alliance nouvelle au bénéfice des brebis rescapées d’une épuration sévère, mais nécessaire et salutaire, voulue par Dieu.

 

Il faut prendre "Jésus-Bon berger sacrifié-Fils de l’homme" comme un tout indissociable sur lequel est fondée la "Nouvelle alliance" au bénéfice des "Sauvés". C’est à Zacharie et non pas à Jérémie que Jésus se réfère en cette occurrence.


les derniers moments
 

Au jardin de Gethsémani, au moment de l’arrestation. " L’heure est venue, voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pêcheurs " (Mc 14, 41) ; " Voici qu’est proche l’heure … " (Mt 26, 45). Jésus à Judas : " Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme " (Lc 22, 48).

 

Le vendredi matin, avant l’aube, au Grand-prêtre qui l’interroge en présence de membres du sanhédrin, Jésus répond à cette question " Es-tu le Messie, le fils du Dieu béni ? ".

Je le suis, et vous allez voir le Fils de l’homme siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel " (Mc 14, 62). " Tu le dis. Seulement, je vous déclare, désormais vous allez voir le Fils de l’homme, siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant avec les nuées du ciel " (
Mt 26, 64). " Si je vous le dis, vous ne me croirez pas … Mais désormais le Fils de l’homme siègera à la droite du Dieu puissant " (Lc 22, 69).

 

Le Grand-prêtre " déchire ses vêtements " et conclut : " Vous avez entendu le blasphème, qu’en pensez-vous ? Tous jugèrent qu’il méritait la mort ". Ce n’est pas en se prétendant Messie, mais en se disant Fils de l’homme à la droite du Tout-Puissant que Jésus a blasphémé car cela équivalait à se proclamer "de nature divine". C’est d’ailleurs ce que précise Luc qui ajoute l’échange suivant : " Tu es donc le Fils de Dieu ? Vous-mêmes, vous dites que je le suis ". Un tel blasphème d’auto-déïfication, selon la Tora, entraîne une lapidation. Deux fois déjà, Jésus l’avait évitée de justesse, pour ce même motif (Jn 8, 59 et 10, 31).

 

Le dimanche matin, à la pointe du jour, les femmes, venues au tombeau pour embaumer le cadavre de Jésus, n’y trouvent pas son corps, mais deux inconnus qui leur donnent une information stupéfiante :
" Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était encore en Galilée. Il disait : il faut que le Fils de l’homme soit livré aux hommes pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite " (Lc 24, 5-7).

 

C’est la dernière mention du Fils de l’homme dans les évangiles. Elle est de Luc. Il utilisera cette expression encore une fois dans son second ouvrage, les Actes, en relatant un évènement qui se produisit assez peu de temps après Jésus, moins de cinq ans vraisemblablement.

 

Etienne, nouveau rallié à la communauté des nazôréens disciples de Jésus, fait cette déclaration qui provoque sa lapidation : " Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu " (Ac 7, 56). Etienne est le troisième nazôréen exécuté, après Jean et Jésus, en raison de la proclamation de sa foi dans la divinité du Fils de l’homme.

 

Le Nouveau testament n’utilise l’expression Fils de l’homme, ensuite, que dans son dernier livre, l’Apocalypse, ouvrage attribué à l’évangéliste Jean et rédigé, dit on, vers la fin du siècle, c’est-à-dire, au moins soixante ans plus tard. Vision du Fils de l’homme au ciel :
Et au milieu des chandeliers quelqu’un qui semblait un Fils d’homme … disant " Ne crains pas. Je suis le Premier et le Dernier et le Vivant. Je fus mort et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles et je tiens les clefs de la mort et du séjour des morts " (Ap 1, 13-18). " C’était une nuée blanche et sur la nuée siégeait comme un Fils d’homme " (Ap 14, 14).

Ce Fils d’homme lance alors l’ordre de procéder à la moisson finale …


En conclusion :


Le "Fils de l'homme" de Daniel, figure allégorique du "Peuple de Dieu", amplifiée en personnage céleste réel, d'origine divine, par les Paraboles d'Hénoch, est assumé par Jésus, Fils de l'homme du Nouveau Testament, avec une particularité tragique supplémentaire de souffrances et de mort ... que n'avaient prévue ni Daniel, ni l'auteur de ces Paraboles.

C'est cette origine divine, affirmée par les Paraboles d'Hénoch qui, pour tout homme qui se prévaudrait de cette identité, équivalait à la prétention blasphématoire de se faire "l'égal de Dieu". C'est exactement ce que fit Jésus, mystiquement convaincu de son origine divine singulière ... assumant avec réalisme les contingences de son présent, soutenu, jusqu'à sa crucifixion, par une foi inébranlable dans son imminent destin personnel eschatologique radieux.

C'est la relation étroite de ces trois situations - origine divine, présent difficile, destin glorieux - assumés en bloc par Jésus le Nazôréen, qui constitue l'unité profonde du "Fils de l'homme" des quatre évangiles, en "Fils de Dieu", de façon singulière certes ..., mais sans toutefois l'égalité trinitaire du dogme chrétien.

→ suite du texte de Louis Cornu avec  "Judas fut-il envoyé en mission ?"

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18 août 2009 2 18 /08 /août /2009 19:41

commentaires de lecture de Louis Cornu selon l'ordre chonologique des trois années de la vie publique de Jésus

Dans son prologue, pour présenter Jésus, Jean, après avoir affirmé que le logos était Dieu et que le Fils unique, plein de grâce et de vérité, s’était fait chair, il conclut "Si la loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu, Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé " (Jn 1, 17-18). La formule " Dieu Fils unique dans le sein du Père " reprend presque mot à mot ce qui était affirmé dans les Paraboles d’Hénoch au sujet de l’Elu / Fils de l’homme dans le sein de Dieu (
Hen XLVIII, 1-6).

 

au baptême

Au baptême de Jésus, est confirmée la filiation divine de ce dernier, mais elle est exprimée par les trois synoptiques en analogie avec l’onction qui faisait d’un roi d’Israël un " Fils " adopté par Dieu, le jour de son sacre seulement : " Aujourd’hui je t’ai engendré … c’est mon bon plaisir ", ma décision, mon choix. Jean précise et rectifie : cette filiation n’est pas adoptive (ponctuelle) ; elle est ontologique : c’est celle de l’Elu / Fils de l’homme, depuis toujours dans le sein du Père.

 

Jésus est salué par Nathanaël, Israélite authentique, comme " Fils de Dieu, Roi d’Israël ". Jésus ne rejette pas ce titre, mais il ajoute : " Tu vas voir des choses bien plus grandes … En vérité, en vérité je vous le dis, vous allez voir le ciel ouvert et les anges de Dieu, monter et descendre au dessus du Fils de l’homme " (Jn 1, 50-51). Vision évoquée : le Fils de l’homme / Jésus étant sur terre, l’ouverture du ciel va mettre le ciel en communication avec la terre et l’on assistera à un va-et-vient d’anges entre l’un et l’autre, donc au-dessus du Fils de l’homme, dans ses fonctions révélées par Daniel et Hénoch pour les derniers temps.

 
à Pâque an 28

A l’occasion de la Pâque de l’an 28 (30 avril), Jésus rencontre le pharisien Nicodème à Jérusalem et lui fait cette remarque : " Si vous ne croyez pas lorsque je vous dis les choses de la terre, comment croiriez-vous si je vous disais les choses du ciel. Car nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé afin que quiconque croit ait en lui la vie éternelle " (Jn 3, 12-14).

 

La vie éternelle, c’est la salut qu’apporte la Fils de l’homme à ceux qui croient (ou qui ont cru) avec la résurrection des morts au dernier jour. C’est élevé (glorifié), c’est-à-dire de là haut, du ciel qu’il accordera ce salut (d’où l’allusion au serpent d’airain) (Nb 21, 4-2) guérissant les blessés-piqués, à terre, qui levaient leurs yeux vers lui). Les pharisiens, que représente Nicodème, sont sceptiques et ne seront pas sauvés.

 

Jésus, en tant que Fils de l’homme, est seul à pouvoir leur parler des choses du ciel puisqu’il est seul à en être descendu, mais il constate et déplore leur scepticisme. Actuellement, Fils de Dieu, venu dans le monde pour sauver, il ne " juge " pas. C’est encore le temps du salut possible, même pour les pharisiens, à condition de croire. C’est seulement au dernier jour qu’il entrera dans sa fonction judiciaire (Hen XLVI, 3 et LXIX, 27). En attendant ce jour, Jésus / Fils de l’homme n’a pour objectif que d’apporter le salut : il n’y a pas contradiction, c’est une question de séquence chronologique.

 

Jésus, revenu en Galilée, à Capharnaüm, a remis ses péchés à un paralysé avant de le guérir. Il s’adresse à la foule présente et dit : " Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur terre le pouvoir de remettre les péchés " (Lc 5, 24 ; idem Mc 2, 10 et Mt 9, 6). Belle concordance des trois synoptiques. Dans la pensée judaïque, infirmité et péché sont étroitement liés : l’infirmité signale le pécheur. Guérir l’infirme, c’est donc aussi accorder le pardon de la faute, au nom de Dieu à qui seul appartient normalement ce pouvoir. Il y a donc entre Dieu et le Fils de l’homme partage du pouvoir divin : le Fils de l’homme accomplit l’œuvre de Dieu.

 

début été 28

Au début de l’été 28, ses disciples ayant arraché des épis un jour du sabbat, à des pharisiens réprobateurs, Jésus rétorque : " Il est maître du sabbat, le Fils de l’homme " (
Lc 6, 5 ; idem Mc 2, 28 et Mt 12, 8).

 

Au cours d’une controverse, avec des pharisiens, après la guérison d’un possédé, ceux-ci affirment que Jésus agit dans l’affaire non pas au nom de Dieu mais de connivence avec Béelzéboul, chef des démons. Jésus considère cette affirmation polémique comme un blasphème contre l’Esprit de Dieu : " Tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes … mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit-Saint, il reste sans pardon à jamais " (Mc 3, 28), " Si quelqu’un dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné, mais s’il parle contre l’Esprit-Saint cela ne lui sera pardonné ni en ce monde, ni dans le monde à venir " (Mt 12, 31). Marc ne parle pas de blasphème contre le Fils de l’homme. Matthieu ne stigmatise pas le blasphème mais seulement " la parole contre " le Fils de l’homme, moins grave qu’un blasphème. Il y a une échelle de gravité …

 

L’une des Béatitudes : " Heureux êtes-vous lorsqu’on proscrit votre nom comme infâme à cause du Fils de l’homme " (Lc 6, 22). Quiconque proclame sa croyance que le Fils de l’homme est un être céleste, préexistant dans le sein de Dieu, et qu’il va sous peu intervenir comme juge de la fin des Temps ; quiconque accorde sa confiance à Jésus, Fils de l’homme, professe une conviction très minoritaire qui peut lui valoir des quolibets, du mépris même ; eh bien, qu’il se réjouisse, il va bientôt savourer le bonheur d’avoir eu raison, la récompense des prophètes traités jadis de la même façon. Curieusement, Matthieu ne cite pas cette béatitude.

 

Jean-Baptiste, en prison et inquiet, a fait interroger Jésus qui lui a fait transmettre une réponse rassurante. Ensuite, il se compare à lui. " Le Fils de l’homme est venu, il mange et boit … " (Lc 7, 34 ; idem Mt 11, 19). Jean avait mené depuis longtemps une vie ascétique que finalement chacun avait pu constater pendant la courte période (quelques mois seulement au printemps 28) de son activité publique de baptiste, avant son arrestation. Depuis cette arrestation, Jésus, revenu en Galilée, avait dû mener une existence active, peut-être trépidante, de missionnaire itinérant, sans doute fatigante qui l’obligeait à se nourrir normalement et le conduisait parfois à partager le repas de ceux qui l’invitaient à leur table pour mieux le connaître. Qu’il y ait eu quelques bonnes âmes ou mauvaises langues pour le traiter de viveur ne serait pas étonnant ; le contraste devait être saisissant si on cherchait à faire une comparaison. Il est indéniable que Jésus (Fils de l’homme) avait dû s’adapter à une conjoncture que ni le Baptiste, ni lui-même apparemment, n’avaient envisagé à l’origine lorsqu’ils s’était rendu à Jérusalem, au printemps de l’année 28, pour la Pâque.


automne 28
 

Jésus, revenu à Jérusalem, à l’automne 28, lors de la fête de Soukot apparemment, a guéri un paralytique un jour de sabbat. Pour cette raison, s’en est suivie une discussion avec les Juifs et des paroles menaçantes. Jésus a dû mettre les choses au point : " En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et maintenant elle est là – où les morts vont entendre la voix du Fils de Dieu et ceux qui l’auront entendue vivront. Car comme le Père possède la vie en lui-même, ainsi a t-il donné au Fils de posséder la vie en lui-même ; il lui a donné le pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est le Fils de l’homme " (Jn 5, 25-27).

 

La mise au point de Jésus est particulièrement claire : lui, qui vient de guérir un paralytique le jour du sabbat, il est le Fils de Dieu parce qu’il est le Fils de l’homme – celui qui était dans le sein de Dieu avant la création du monde (Hen XLVI, 3 et XLVIII 1-6). C’est bien en raison de cela, qu’à propos de cette guérison, il avait affirmé son union intime avec Dieu : quand j’agis, le Père agit avec moi. Ses interlocuteurs juifs avaient très bien compris et ils estimaient que cette déclaration constituait un blasphème d’autodéification, crime passible d’une sentence de mort (Jn 5, 17-18).

 

Assez vraisemblablement ces interlocuteurs représentent une catégorie de croyants judaïques très proches des pharisiens que Jésus mettait en cause quelques mois plus tôt à propos des menaces pesant sur les baptistes (Jn 4, 1 et s) et qui vont maintenant se concerter avec les hérodiens dans l’intention de le faire périr (Lc 6, 11 ; Mc 3, 6 ; Mt 12, 14).

 

Il ne s’est écoulé que 7 ou 8 mois depuis l’entrée en scène de Jean et Jésus au printemps de l’année 28. Le premier est au cachot et sera bientôt décapité ; le second est menacé de mort. Première persécution, par action conjointe du pouvoir religieux – les pharisiens – et du pouvoir civil avec Hérode-Antipas.


printemps 29
 

Au printemps 29, peu avant " la mission des Douze ", Jésus explique sa parabole de l’ivraie : " Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme " (Mt. 13, 37), " le Fils de l’homme enverra ses anges " (41)

 

Peu avant Pâque 29, Jésus a multiplié les pains pour les Galiléens rassemblés par la "mission des Douze". Ils ont voulu le proclamer roi. Il a refusé ; il s’explique : " La vie éternelle que le Fils de l’homme vous donnera … " (Jn 6, 27), " Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, vous n’aurez pas la vie en vous … " (53), " Et si vous voyez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant ". Après ce discours, les Galiléens abandonnent Jésus, désormais presque seul.

 

Après son refus d’être proclamé roi et son discours explicatif à Capharnaüm, Jésus est abandonné par la quasi-totalité de ses disciples galiléens, hormis les Douze. Jusqu’alors, il n’avait évoqué le Fils de l’homme que dans une perspective de " Royauté, de puissance et de gloire " conforme aux révélations de Daniel et d’Hénoch. Désormais, sans exclure la gloire finale, c’est sur un destin tragique, qu’aucun prophète n’avait imaginé pour le Fils de l’homme, qu’il va le plus souvent insister.

 

Jésus dans une attitude à la Che Guevara ; affiche de la Tribu chrétienne hérétique alternative autogérée de prière (TCHAAP) qui représente en France la mouvance "Jésus freaks".


Jésus, avec les Douze prend la route de Césarée. En chemin, première annonce, inattendue, de sa Passion à venir : " Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup … " (
Lc 9, 22). " Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre " (Mc 8, 31). " Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? " (Mt 16, 13) ; " Il commença à leur dire qu’il fallait qu’il souffre beaucoup " (Mt 16, 13). Surprise totale, Pierre prend cette annonce pessimiste pour un découragement passager, une baisse de moral ; Jésus persiste.

 

Jésus sait ce qu’il en coûtera à ses disciples de lui demeurer fidèles dans les épreuves qu’ils vont avoir à vivre, avant le triomphe final. 
- dans Luc : " Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans sa gloire " (9, 26).

- dans Marc :  " Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles, au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père, avec les saints anges " (8, 38). " Parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le règne de Dieu venu avec puissance " (9, 1) .

- dans Matthieu : " Le Fils de l’homme va venir avec ses anges, dans la gloire de son Père … " (9, 27). " … parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Fils de l’homme venir comme roi " (28) .

 

Les auditeurs de Jésus, qui sont ici les Douze vivront la " Fin des temps ". Luc l’affirme sans restriction ; Marc et Matthieu précisent que certains seulement vivront alors : c’est la preuve qu’ils ont rédigé leur évangile après le décès de l’un (ou de plusieurs) des douze apôtres. Luc n’ayant pas jugé cette réserve nécessaire : son évangile pourrait avoir rédigé auparavant et à partir d’un récit antérieur à la mort de Jacques, vers 42.

 

Quelques jours plus tard, sur une haute montagne de la région de Césarée, Jésus est transfiguré en présence de Pierre et des fils de Zébédée, Jacques et Jean. Il leur fait ensuite une deuxième annonce – plus précise – de sa passion.

- dans Luc : " Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes " (9, 44)

- dans Marc : " Il leur recommanda de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. Ils observèrent cet ordre tout en se demandant entre eux ce qu’il entendait par " ressusciter d’entre les morts " (9, 9-10), " Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes. Ils le tueront et trois jours après il ressuscitera. Mais ils ne comprenaient pas cette parole et craignaient de l’interroger " (9, 31-32).

- dans Matthieu : " Ne dites rien à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts " (17, 9) . " Le Fils de l’homme lui aussi va souffrir par eux " (12). " Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes. Ils le tueront et le troisième jour, il ressuscitera " (22) .

 

Voilà un discours de Jésus que seul l’un des trois, Pierre, Jacques ou Jean, pouvait rapporter. Marc, qui fut l’interprète de Pierre à Rome avant de rédiger son évangile, mérite donc une attention toute particulière. Selon lui, les trois ne comprenaient pas le sens de " ressusciter d’entre les morts ". Pour être explicite, cette expression suppose que Jésus l’ait liée à l’affirmation de sa mort. Il n’aurait donc pas évoqué verbalement sa mort, mais seulement " sa livraison ", ses " souffrances " … et logiquement sa " glorification ".

 

La formule " mort et résurrection le troisième jour ", imposée par les faits, se serait substituée dans les récits oraux à la formule " glorification " … Mais alors Pierre aurait éprouvé quelque difficulté à justifier son attitude (et celle de tous les disciples) lors de la mort de Jésus : on n’attendait point sa résurrection, on se souciait simplement d’embaumer son cadavre. D’ailleurs, remarque Jean (20, 9) " ils n’avaient pas encore compris l’Ecriture selon laquelle il devait se lever d’entre les morts ".


automne 29

A l’automne 29, lors de la fête de Soukot, Jésus est remonté à Jérusalem, malgré la menace qui pèse sur lui. " Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, vous connaîtrez que je le suis et que je ne fais rien de moi-même. Je dis ce que le Père m’a enseigné " (Jn 8, 28). Quelque temps plus tard, à un aveugle-né qu’il venait de guérir. " Crois-tu au Fils de l’homme ? … eh bien tu l’as vu, c’est celui qui te parle " (Jn 9, 35).

 

fin décembre 29

Fin décembre 29, à Jérusalem, lors de la fête de Hanouka, Jésus déclare " … avant qu’Abraham fût, je suis " (Jn 8, 58) – ce qui découle de la préexistence du Fils de l’homme" caché dans le sein de Dieu, avant la création du monde. Il a échappé de peu à une lapidation … s’est enfui, mais est revenu à Jérusalem pour Lazare … s’est enfui à nouveau et maintenant il annonce, en clandestinité, sa dernière montée à Jérusalem. " Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel des nids, le Fils de l’homme, lui, n’a pas où poser la tête " (Lc 9, 58 ; idem Mt 8, 20).

 

Le Fils de l’homme comme Jonas.
" De même que Jonas fut un signe pour les gens de Ninive, de même aussi le Fils de l’homme en sera un pour cette génération " (Lc 11, 30). " Tout comme Jonas fut dans le ventre du monstre marin trois jours et trois nuits, le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits " (
Mt 12, 40).

Le Jugement appartient au Fils de l’homme.

" Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme se déclarera pour lui devant les anges de Dieu " (Lc 12,8).

Imminence de la fin des Temps.
" Vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ignorez que le Fils de l’homme va venir " (Lc 12, 40). " … vous n’achèverez pas le tour des villes d’Israël, avant que ne vienne le Fils de l’homme " (Mt 10, 23).

Venue du Royaume de Dieu le "jour du Fils de l’homme".
" Des jours vont venir où vous désirez voir ne fût-ce seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas " (Lc 17, 22). " Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il aux jours du Fils de l’homme " (26). " Et il en sera de la même manière le jour où le Fils de l’homme se révèlera " (30). " Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? " (18, 8).

 
printemps de l'an 30

Printemps de l’année 30, Pâque tombe le 8 avril, un sabbat. La dernière semaine de Jésus commence. IL a déjà été condamné à mort par le sanhédrin quelques semaines plus tôt (Jn 11, 53). Il est recherché par la police du Temple (Jn 12, 57). Les pèlerins arrivent en nombre. Jésus a fait savoir qu’il viendrait affronter ceux qui veulent l’éliminer : il est persuadé que les évènements vont aboutir à son triomphe, à sa glorification de Fils de l’homme (Jn 12, 27-31). Il arrive par Jéricho.

 

Montant à Jérusalem en compagnie des Douze et d’un grand nombre de pèlerins, une semaine avant sa mort, Jésus passe à Jéricho. Il annonce, pour la troisième fois, sa passion désormais imminente.

- dans Luc : " Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l’homme " (18, 31) ; " Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu " (19, 10)

- dans Marc : " Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme sera livré aux Grands-prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort et le livreront aux païens ; ils se moqueront de lui ; ils cracheront sur lui ; ils le flagelleront ; ils le tueront et, trois jour après, il ressuscitera " (10, 33).

- dans Matthieu :  " Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’homme sera livré aux Grands-prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort et le livreront aux païens pour qu’ils se moquent de lui, le flagellent, le crucifient ; et trois jours après, il ressuscitera " (Mt 20, 18).

 

Cette troisième annonce, très succincte en Luc, est en revanche très détaillée en Marc et en Matthieu où elle correspond exactement au déroulement des faits quelques jours plus tard. Luc confirme ce que Marc avait déjà énoncé à l’occasion de la deuxième annonce : c’était écrit (Mc 9, 11) ; c’était écrit par les prophètes. Problème : aucun prophète connu n’avait prédit au Fils de l’homme, souffrances, mort et résurrection. C’est une énigme à résoudre.

 

Second problème : si Jésus avait prédit aussi clairement sa mort et sa résurrection le troisième jour, il irait de soi que ses disciples aient attendu cette mort ; puis, ensuite, avec confiance, une résurrection dans les trois jours. Or il apparaît que sa mort les a consternés et que, sans attendre, on s’est soucié d’embaumer son cadavre dès le surlendemain.

 

Voilà ce qui est hautement vraisemblable. Jésus a bien annoncé ses souffrances qui allaient déboucher sur sa glorification. Il a très probablement évoqué son exécution – c’est ce que donne à penser Jn 12, 7 dans le récit de l’onction de Béthanie, la veille de l’entrée royale à Jérusalem – mais sans insister outre mesure, car associée à la manifestation immédiate, simultanée du Fils de l’homme en gloire, avec ouverture des cieux. Cette ouverture et cette manifestation ne s’étant pas produites, la mort de Jésus en croix – qui ne devait être qu’un épiphénomène – a pris rapidement, pour ses disciples, une importance dramatique. Ils ont du se rendre à l’évidence dès le vendredi-soir : il n’y avait plus qu’un cadavre à embaumer.

 

Après la requête des Fils de Zébédée, pour modérer leur ambition.

" Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mc 10, 45). " C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu non pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20, 28).

 

Pour la part tragique de son destin, qui ne peut être rattachée au Fils de l’homme (selon Daniel et Hénoch) Jésus s’identifie au " Bon berger " de Zac 13, 7-9 qui donne sa vie pour son troupeau (Jn 10, 11). C’est l’association Bon berger - Fils de l’homme qui explique cette parole de Jésus

 

Le dimanche, Jésus est entré à Jérusalem, sur un ânon, en roi sauvé (Zac, 9, 9). Il s’exprime devant la foule qui le questionne : " Elle est venue l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié " (Jn 12, 23). " Comment peux-tu dire qu’il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? " Qui est le Fils de l’homme ? " (34). Jean ne parle jamais de résurrection, mais de glorification.

 

Le grand discours eschatologique du mardi soir :

" Alors, ils verront le Fils de l’homme venir entouré d’une nuée, dans la plénitude de la puissance et de la gloire " (Lc 21, 27 ; idem Mc 13, 26).
" Comme l’éclair qui part du levant et brille jusqu’au couchant, ainsi en sera-t-il de l’avènement du Fils de l’homme " (Mt 24, 27). " Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme " (30).

" Restez éveillés et priez pour tenir debout devant le Fils de l’homme " (Lc 21, 36)

" Tels furent les jours de Noé, tel sera l’avènement du Fils de l’homme " (Mt 24,37) ; " Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme " (39) ; " Voilà pourquoi, vous aussi, tenez-vous prêts car c’est l’heure que vous ignorez que le Fils de l’homme va venir " (44).

" Quand le Fils de l’homme viendra dans la gloire accompagné de tous les anges, alors il siègera sur son trône de gloire " (Mt 25, 31)

 

Par son discours du mardi soir, deux jours avant son arrestation, Jésus confirme sans équivoque sa mystique eschatologique personnelle, inspirée par les prophètes auteurs de révélations (apocalypses) au sujet des derniers temps, le second Zacharie et surtout Daniel (avec amplification hénochienne). Daniel est pour lui, pour ce qui concerne l’avenir, le prophète de référence : Fils de l’homme, échéance eschatologique, vie éternelle sur une terre nouvelle.

à suivre avec l'article "Jésus, mystique jusqu'au bout"

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18 août 2009 2 18 /08 /août /2009 18:08

par Thierry Moralès (message du 18 août 09 au groupe "Unitariens francophones" sur Yahoo)

Hénoch, Idris dans le Coran, est né en -3538 avant JC selon la chronologie biblique. Nous sommes au début de la période d'Uruk (qui commence vers - 3700 av. J.-C. selon les historiens). Uruk correspond à l'Erech biblique (Gen 10/10).

Les historiens considèrent cette période comme une période d'explosion démographique et d'urbanisation importante (passage du gros village à la véritable ville, souvent cernée de murailles, temples monumentaux, etc.). Uruk, centre administratif et commercial de la Mésopotamie de l'époque, couvrait quelques 400 hectares et était ceint d'une muraille de prés de dix kilomètres de long !

C'est aussi la période de l'invention de la roue, du tour de potier, de la voile, de l'araire à traction animale (aucune époque n'a connu autant d'innovations techniques hormis notre 19 ème siècle), du travail du métal généralisé (cuivre, bronze, puis or et argent), du développement de la sculpture, de la généralisation de l'utilisation des " sceaux-cylindres " pour marquer la propriété et la comptabilité et de l'invention de l'écriture sur tablettes d'argile : les plus anciens écrits connus date d'environ –3 300 et ont été découvert dans la ville d'Uruk. 

tête en céramique, datant de - 3 000, trouvée à Uruk.

Hénoch est donc associé de façon pertinente à l'invention de l'écriture. La tradition juive et musulmane considère Hénoch comme le père de l'écriture (son nom en arabe dérive de la racine d-r-s : étudier. La tradition rabbinique l'appelle le grand écrivain et le livre apocryphe des Jubilés le considère comme l'initiateur de l'écriture 4/17).

NDLR - Pour en savoir plus sur cette période d'Uruk (- 3750 - 2900), qui précède la période "sumérienne", voir le cours de Sabine Barbé, professeur à l'Atelier des Beaux Arts de la Ville de Paris "Art du Proche-Orient ancien", lien, mis en ligne sur le site de Simon Rudelle.

NDLR - et lorsque la Bible fait venir Tèrah, le père d'Abraham, d'Ours-Kasdîm (Gn 11, 27-31), c'est plus qu'une migration géographique ; c'est d'abord la référence à la civilisation la plus prestigieuse de l'époque dans la mémoire régionale du Proche-Orient. 

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