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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 16:58

plotin.jpgPlotin (205 - 270 après J.-C.) était un philosophe romain de l'Antiquité tardive. Il fut le fondateur d'un courant philosophique appelé « néoplatonisme », qui influença de manière profonde la philosophie occidentale. Il installa son école à Rome, en 246. Sa relecture des dialogues de Platon fut une source d'inspiration importante pour la pensée chrétienne, en pleine formation à l'époque. L'intégralité de ses écrits a été publiée, par un autre disciple fidèle, Porphyre de Tyr, dans les Ennéades. La pensée de Plotin est originale en ce qu'elle approfondit la réflexion de Platon et d'Aristote sur la nature de l'Intelligence. Source Wikipedia (lien).


Dans La République, Platon dressait déjà un schéma tripartite de l'âme. Disciple de Platon, Plotin, à partir de la distinction platonicienne entre le monde sensible et le monde des idées, conceptualise dans l'au-delà du monde matériel la présence de 3 hypostases qui sont le principe de l'univers :


- Au centre se trouve l'Un. Immobile, permanent, il possède en lui-même le principe de son existence, il est la source même de son âme. Il précède tout ce qui existe et en fonde l'être.
- Émanant de l'Un et l'entourant, se trouve l'Intelligence. Elle est immobile et contient en elle la multiplicité des idées et des formes.
- Ensuite l'Âme qui émane de l'Intelligence. Elle est animée d'un mouvement circulaire et centrifuge qui la conduit à se diffuser vers le monde de la matière.


On trouve ici un modèle (je dis bien un modèle et non pas le schéma exact !) de la Trinité élaboré au début du IIIème siècle après J.- C. et qui aura un grand écho dans le monde intellectuel antique, au moment même ou l'Église essaiera de donner un fondement argumenté à la doctrine trinitarienne (le concile de Nicée se tiendra en 325, celui de Chalcédoine en 451).


Plotin appelle le mouvement de qui part de l'Un vers le monde sensible via les deux autres hypostases la procession. Dans l'optique néoplatonicienne, le but de la vie spirituelle est la conversion, c'est à dire suivre le cheminement en sens inverse par le biais de la contemplation.


Laurens Trobat, protestant unitarien, message du 27 février 2011 au forum « Unitariens francophones » (lien)

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5 septembre 2009 6 05 /09 /septembre /2009 18:18

"La Trinité chrétienne est une triade", par Jean-Claude Barbier, article à la Une de la Correspondance unitarienne, n° 88, février 09, 4 p. (suite et fin).

Cela nous invite à une relecture de la naissance de la religion chrétienne.

Celle-ci, fut à l’origine une simple voie juive, purement interne : Jésus était Juif, ses disciples aussi. Toutefois, les judéo-chrétiens prolongèrent le sabbat, avec le dimanche, et , avec le partage du pain et du vin, effectueront un rite de communion à Jésus. Ils l’invoquent pour qu’il revienne établir son Royaume. La première prière est le " Maranatha "
(= Reviens). Au regard de la loi romaine, ils bénéficient toujours du régime spécial accordé aux Juifs. 

La première distinction s’établit lorsque des craignants en Dieu, des Gentils, viennent rejoindre les premières communautés à l’injonction de Pierre, Barnabé et Paul. C’est à Antioche où s’activent Barnabé et Paul que les Romains vont, pour la première fois, dénommer la première voie : les disciples du Christ. La Voie est désormais visible de l’extérieur et elle sort de la matrice juive du fait qu’elle est composée de plus en plus de non-Juifs (et donc de personnes qui ne sont plus protégées par l’exception juridique juive).

Lorsqu’en 68 les Juifs se révoltent contre l’occupant ; ils ne sont pas aidés par les judéo-chrétiens ni les chrétiens non juifs. Le Temple est brûlé en 70. Le Sanhédrin, réfugié à Yavné décrète l’exclusion des chrétiens (y compris des judéo-chrétiens) des synagogues. C’est la rupture. Pour les Juifs " orthodoxes ", les judéo-chrétiens de Palestine sont des " Nazoréens " (
peut-être une déformation de " Nazaréens " ? dénomination en tout cas reproduite par les Actes des apôtres et l’évangile de Jean). Les chrétiens ne sont plus couverts par les autorités juives et donc exposés face aux autorités romaines qui leur reprochent de ne pas rendre le culte à César. S’ensuivront les martyres. 

Au IIème siècle, les pharisiens d’un côté et les chrétiens de l’autres sélectionnent les textes qui feront partie de leur canon. Le Symbole des Apôtres constitue un credo beaucoup plus élaboré que celui du kérygme de la Pentecôte. Puis, les chrétiens se lanceront dans la construction d’une idéologie englobante (et non plus seulement d’un culte à Jésus) avec le dogme trinitaire qui va tout chapeauter.

Ce n’est donc ni Jésus, ni même Paul qui ont fait du message originel une nouvelle religion, mais bel et bien les artisans de la Trinité. Cette " orthodoxie ", dont le premier jalon a été établi au concile " oecuménique " de Nicée en 325, n’aura de cesse d’être consolidé par les Docteurs et les Pères de l’Eglise grecque : Athanase d’Alexandrie (vers 298-373), relayé par Basile-le-Grand (329-379) et Grégoire de Nysse (331-341) en Cappadoce, Jean-Chrisostome (344-354) né d’une famille d’Antioche, etc. Grâce à eux, le Saint-Esprit est confirmé à Constantinople en 381 comme 3ème personne à part entière de la Trinité.

Les trois Pères grecs de la Cappadoce figurant en rosace de mosaïque sur la façade de l'église orthodoxe d'Aiud (en hongrois Nagyenyed), en Transylvanie. Photo, Jean-Claude Barbier, juillet 2005.

Le christianisme, désormais allié à l’empereur romain, est une Eglise régnante sur la terre entière. Grégoire de Nyzance, affirme : "Les anges sont les ministres de la volonté de Dieu, ils sont naturellement et par communication, une force extraordinaire ; ils parcourent tous les lieux et se trouvent partout, tant par la promptitude avec laquelle ils exercent leur ministère que par la légèreté de leur nature ; les uns sont chargés de veiller sur quelques parties de l'Univers qui leur est assigné par Dieu, de qui ils dépendent en toute chose; d'autres gardent les villes et les lieux saints. Ils nous aident dans ce que nous faisons de bien".

Le culte marial va rapidement se greffer sur la Trinité : Marie est mère de Jésus et donc " mère de Dieu " puisque Jésus est Dieu. Le dogme est édicté au concile d’Ephèse en 431 et le patriarche de Constantinople, Nestorius, déposé pour avoir proposé quelle n’était seulement que la mère de Jésus – à savoir la partie humaine de la seconde personne de la Trinité ! Cette logique se continuera avec la Dormition (le corps de Marie a été élevé au ciel pour échapper à la putréfaction) et, au XIX° s., par l’Immaculée conception (qui est l’exemption du péché originel à sa propre naissance afin que l’embryon Jésus-Dieu ne soit pas, dans le ventre de sa mère, en contact avec le péché). Pourtant, cette 4ème composante, Marie Téotokos (mère de Dieu), ne constituera jamais une quaternité; elle restera à l’état d’appendice. Le trèfle de saint Patrick ne comprendra que 3 feuilles ...

Qu'importe, avec la Trinité, la Vierge Marie, les archanges et anges gardiens, la cohorte des saints, sans oublier le Diable, la chrétienté offrira suffisamment de points de repère pour avoir réponse à tout et enfermer les personnes dans un univers qui se suffira à lui-même, une énorme bulle théocratique. 

Du côté de l’hindouisme, faut-il accuser aussi la Trimoûrti de l’immobilisme social et culturel des masses populaires de l’Inde ? Au sein de cette architecture, les repères se sont multipliés, enserrant l’homme dans un véritable filet aux mailles serrées. Aujourd’hui, l’hindouisme a adopté des accents nationalistes, affirmant une tolérance interne (le polythéisme) mais rejetant les mouvements religieux " étrangers " même pour le catholicisme et l’islam qui sont pourtant anciens. Assurément, il peine à se moderniser, à se laïciser, à se rationaliser, préférant ses pesanteurs qui attirent les ferveurs du peuple et la transmission conservatrice entre les générations, ne dissociant pas la culture de la théologie.

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5 septembre 2009 6 05 /09 /septembre /2009 18:10

"La Trinité chrétienne est une triade", par Jean-Claude Barbier, article à la Une de la Correspondance unitarienne, n° 88, février 09, 4 p. (suite).

Y aurait-il eu une influence de la civilisation indienne ?

Nous savons que, de leur exil à Babylone, les Judéens ont ramené des éléments  qui étaient jusqu’alors " étrangers " à la culture hébraïque : les messagers de Dieu deviennent des archanges avec des noms propres (Raphaël qui guide les voyageurs, Gabriel qui fait les annonces) et un chef d’armée (Michel). Ces influences d’Orient continuent à se faire sentir même après le retour d’exil, comme par exemple avec l’espérance d’une résurrection des corps et l’attente d’un Jugement moral (hérités du zoroastrisme), avec la menace d’une damnation éternelle pour les uns, d’une vie heureuse pour les autres. Egalement avec le célibat et le végétarisme chez les Esséniens que l’on peut mettre en relation avec ce qui se pratique en Inde.

Depuis l’expédition d’Alexandre le Grand dans la vallée de l’Indus, le monde méditerranéen a été mis en relation d’une façon directe avec ce foyer culturel. Les conceptions philosophiques hindoues étaient connues du monde grec au début de notre ère. La ville d'Alexandrie accueillait d'ailleurs une communauté indienne et des témoignages grecs sur le culte vishnouite du IIème siècle avant J.-C. existent (dont celui de Héliodore, fils de Dion).

batik indien représentant la Trimoûrti d'après une sculture ancienne du site "Elephant Cave"

 L’indianiste français Alain Daniélou (Mythes et dieux de l'Inde, Champs Flammarion, 1994) n’hésite pas à établir un parallèle entre les déités de la trimoûrti hindouiste et celles de la trinité chrétienne. Dieu le père, le procréateur, est à rapprocher de Shiva*, le dieu se substituant à son organe de création, le lingam ; Vishnu serait alors Dieu le fils, descendant sur la terre sous forme d'avatars. On trouve d'ailleurs un certain nombre de similitudes ou ressemblances entre Krishna et les autres avatars et le Christ, comme on en trouve d'ailleurs avec certains héros grecs ; Krishna et Achille ne meurent-ils pas de la même façon, une flèche dans le talon. Ces similitudes entre Jésus et Krishna ont fait l'objet d'étude par des auteurs comme Gerald Massey (1828-1907), Kersey Graves (1813-1883), un quaker de l'Indiana, et d'autres encore. Quant au Saint-Esprit, il ne semble pas avoir mieux réussi sur le plan de la dévotion que Brahmâ (à qui, dans toute l’Inde, un seul temple est consacré).

* Je verrai plutôt un rapprochement avec Brahmâ !

Il va de soi que l’influence irait dans le sens de l’hindouisme au christianisme puisque la réforme qui marque le passage du védisme à l'hindouisme date du IVe ou IIIe siècle av. J.-C., même si elle ne s'est imposée largement que plus tard.

Cela dit, la comparaison avec la Trinité chrétienne est à la fois imparfaite et contestée, dans la mesure où certains hindous ont tendance à privilégier les uns Shiva, les autres Vishnu, explique Arthur L. Basham. Pour Wilhelm Schmidt comme pour Max Müller, les influences entre hindouisme et christianisme, si elles ont eu lieu dans une moindre mesure, ne sont survenues que tardivement.

Mais au-delà des comparaisons de figures à figures, toujours imparfaites et en partie subjectives, ne faut-il pas adopter une approche structuraliste ? C’est l’architecture qui importe, indépendamment du contenu ; c’est finalement la mise en relation entre les déités, pour en faire un système englobant, qui est en jeu. Les triades en sont d’autant plus puissantes qu’elles sont unitaires dans leur projet, ne laissant plus d’échappatoire. Elles annulent les alternatives, les ailleurs, les choix multiples, les no man’s land. Elles proposent une vision totale, complète, bouclée, finie, harmonieuse pour l’esprit abstrait.

Elles font le délice des esthètes. Les légendes, retransmises par les théâtres populaires, s’en donnent à cœur joie avec les relations matrimoniales ou adultérines, filiales ou incestueuses, sinon contre nature avec les animaux comme le taureau, les avatars et autres apparitions fantaisistes, etc. L’imaginaire religieux n’a pas de bride sur le cou.

Mais elles enferment dans un système où les points de repère se multiplient, en vase clos : la fatalité du chiffre 3 qui, comme le 1, peut engendrer un univers totalitaire … Toutes les religions ont d’ailleurs cette tendance à être englobantes. Si le judaïsme en est resté au monothéisme, il n’en a pas moins multiplié les fêtes (avec obligation de monter à Jérusalem pour deux d’entre elles, la Pâques et les Tentes) et les interdits alimentaires. L’islam orchestre toujours, chaque année, le grand pèlerinage à La Mecque et le Coran a multiplié les anathèmes à l’encontre des " infidèles ".

Dans cette optique, l’explication de la Trinité chrétienne tiendrait moins à une lecture déductive des Ecritures (les argumentaires trinitaires isolent péniblement quelques versets de leur contexte) qu’à une volonté de construire un système de croyances englobant, lequel donnera effectivement naissance à la chrétienté – un système clos où l’Eglise avait réponse à tout ... du moins tant que les hommes vivaient dans l’ignorance. La Renaissance sera un retour à la Vie, à la découverte du Monde, à une curiosité qui s’était déjà exprimée lors de l’Antiquité, à des regards humains ... et, enfin, humanistes.

à suivre ...

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5 septembre 2009 6 05 /09 /septembre /2009 17:53

par Jean-Claude Barbier, article à la Une de la Correspondance unitarienne, n° 88, février 2009, 4 p.

Les religions n’aiment pas être comparées les unes aux autres car, bien souvent, elles prétendent à la vérité exclusive, du moins à leur excellence, à leur particularité irréductible, si ce n’est à leur " révélation " historique (Moïse sur le mont Sinaï pour le judaïsme, le Saint-Esprit pour le christianisme, l’ange Gabriel pour les musulmans, etc.). En cela, le théisme est un progrès puisqu’il dépasse les révélations en faisant appel à la raison humaine et à l’observation des lois de la Nature. Quant aux sciences humaines, elles mettent carrément ces vanités particularistes au parc des attractions (même si elles ne le disent pas aussi brutalement afin de ne pas vexer les fidèles).

Il y a donc bel et bien triade chrétienne avec la Trinité, même si chaque triade des civilisations indo-européennes a sa propre genèse et histoire.

La védique
(formée d'Agni, seigneur du feu sacrificiel et du foyer, d’Indra, divinité de la guerre et incarnation de la force et de Sûrya qui s’assimile au soleil et à la génération), l’hindouiste (dieux Brahmâ, le créateur, Vishnou, associé à la conservation et à la protection, et Shiva symbolisant la destruction), la celtique (attestée par le poète latin Lucain et qui aurait été composée de Taranis, Esus et Teutatès), la nordique (représentée par Odin, en position de dieu suprême et représenté borgne, Tyr ou Thor, le dieu de la Guerre porteur d’un marteau, et Freyr, qui représente la vie et la fertilité en brandissant un épi).

La Rome antique, quant à elle, a hérité de la triade ombrienne avec Jupiter (signe de souveraineté), Mars (qui manifeste la force guerrière) et Vofionus ; triade remplacée par la pré-capitoline avec l’hégémonie latine : Jupiter, Mars, Quirinus (qui prend en charge la production et la fécondité), puis par la capitoline, vénérée sur la colline du Capitole et qui comprend Jupiter déjà cité et qui garde son rôle, Minerve, déesse de la sagesse mais aussi de la guerre, donc aux attributs guerriers (égide, lance) et qui prend la place de Mars pour incarner la force guerrière ; Junon, quant à elle, symbolise le mariage lorsqu'elle est représentée recouverte de voiles, ou est associée à la fécondité lorsqu'elle en tient l'emblème, une pomme de grenade.

C’est dans un monde hellénisé, profondément marqué par la domination romaine, que la voie judéo-chrétienne devient une nouvelle religion, désormais distincte du judaïsme, et va prendre son essor au IIème et IIIème siècles, avant de devenir, au IVème, la religion officielle de l’empire romain grâce à l’empereur Constantin.

Mais pourquoi ces triades ?

Selon la thèse de Georges Dumézil, elles reflèteraient, au niveau du sacré, les fonctions tripartites autour desquelles s’organisent des sociétés : religieuse, liée au sacré (avec un clergé, un droit enraciné dans le sacré), politique et militaire, liée à la force, enfin productrice, liée à la fécondité.

On peut penser aussi à la valeur symbolique du chiffre trois : son rôle en géométrie avec les figures du triangle et du cercle, sa connotation culturelle par exemple dans la Bible (les trois étrangers qui se présentent à Abraham, les trois mages qui viennent adorer l’enfant, etc.).

J’avance ici une autre hypothèse : les triades fonctionnent comme des matrices symboliques qui servent à coordonner les puissances surnaturelles existantes à partir d’un premier pôle dominant. Elles s’avèrent particulièrement efficaces dans des sociétés qui deviennent de plus en plus composites du fait des relations commerciales, des mouvements migratoires, du développement de cités attractives, des guerres de conquête, etc. Hégémonies régionales, royaumes et empires adoptent alors des panthéons où toutes les divinités trouvent place, afin que chacune de leurs composantes sociales soit le plus possible intégrée. L’ancienne Kaaba, à La Mecque, bien positionnée sur des voies caravanières, était une maison des dieux.

Ce sont en quelque sorte des clefs de voûte d’une architecture religieuse la plus englobante possible où toutes les divinités sont hiérarchisées, mises en relations de parenté (mariées, engendrées, etc.), en tout cas acceptées. Architecture la plus totale donc, certes libérale pour ceux qui sont à l’intérieur et qui acceptent de jouer le jeu de l’intégration, mais parfois exclusive pour les teigneux comme les premiers chrétiens qui rejetèrent ostensiblement les banquets officiels à César (sans être pour autant protégés par le statut particulier que les Romains avaient accordé exceptionnellement aux Juifs).

Sculpture de la Trinité à la Faculté de théologie catholique à l'Université du Québec

Trimoûrti hindouiste, Trinité chrétienne, dans les deux cas, on passe d’un trio de divinités ou d’entités bien identifiées à leur fusion sous la forme d’une sorte de tronc commun qui s’affirme comme unitaire tout en laissant l’expression de trois manifestations bien spécifiques et complémentaires. La triade védique se réfère à un feu primordial, l’hindouiste à un même œuf. Chez les chrétiens du IIème siècle, à la formule ternaire – le Père, le Fils et le Saint-Esprit -, qui est celle du baptême ou encore celle du symbole des Apôtres, succède une formule trinitaire qui, elle, est très différente puisqu’elle fait appel aux avatars, à savoir un Dieu (toujours affirmé comme unique) qui se manifeste de trois façons : Dieu le Père (la Création), Dieu le Fils (l’Histoire, celle du salut), Dieu le Saint-Esprit (pour animer la communauté des fidèles). C’est donc plus que la triade romaine qui, elle, ne va pas jusqu’à la fusion.


A noter que ces triades, qui pourtant revendiquent une même unité dont les éléments sont indissociables, encore distinctes mais soudées pour l’éternité, étroitement interdépendantes, sont en fait hiérarchisées : elles s’énoncent toujours dans le même ordre ! De là le subordinationisme du prêtre Arius d’Alexandrie (Jésus est dieu mais en second car il a été engendré par Dieu le Père) et la crise arienne (interne à la triade chrétienne) que le concile de Nicée trancha en 325 à la défaveur d’Arius.


Nous savons que l’islam, né en milieu sémitique, à l’égal du judaïsme, rejettera d’une façon catégorique ce genre d’association
.

à suivre ...

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 21:47

1 - Brahmâ :

Le premier cité de la triade. Le dieu créateur. Les Écritures Sacrées de l’Inde, les Védas, le font remonter directement à l’Etre Suprême. Il est mentionné dans les Veda comme Prajâpati. Non mentionné dans les Brâhmana, mais très présent dans le Mahâbhârata, le Râmayâna et les Purâna.
Ses statues le représentent avec quatre têtes. Brahmâ regarde ainsi dans les quatre directions de l’univers. Ces têtes sont considérées comme l’incarnation des quatre Védas.
Ce dieu est un " deus otiosus " : bien qu’étant le Créateur de toutes les créatures vivantes, il n’y a qu’un seul temple qui lui est totalement dédié, à Pushkar au Rajasthan. Ses fidèles sont peu nombreux, peut-être parce qu’en tant que créateur de ce monde, les choses sont déjà faites et on a plus rien à lui demander !
Le dieu de la sagesse, il n’intervient pas beaucoup, de façon occasionnelle dans les affaires des dieux, et encore plus rarement dans celles des mortels. Il aurait cependant encouragé le Bouddha (l’Eveillé) à enseigner aux humains.
Il vit à Brahmapoura, une cité située sur le mont Meru. Sa monture (vâhana) est un hamsa, une oie ou un cygne. Sa couleur est le rouge.
Contrairement aux deux autres dieux, n’a pas d’incarnations propres (pas d’avatars). Il est le père de Dharma et Atri.

Brahma, jadis, était adoré comme étant le plus important de la trinité ou trimourti, mais, en fait, très peu de temples lui sont consacrés et, de nos jours, le nombre de ses fidèles est extrêmement limité. Ses temples, cependant, respirent la majesté, comme celui de Pushkar (signifiant : Lotus) que nous avons visité après nous êtres pliés avec respect aux rites du lac sacré de cette ville et avoir eu, appliqué sur le front, le point rouge des dévôts. L’explication de cette désaffection pour le culte de Brahma nous a été donnée sous une forme réaliste et, mon Dieu, fort logique, par un Hindou convaincu. " La création, observait-il, est faite, et regardez : on ne peut pas dire qu’elle signifie le bonheur (il avait, en disant cela, une moue d’amertume)! Alors Brahma, vous comprenez, c’est terminé! Il faut penser au présent et à l’avenir. Vishnou, le Conservateur, Siva, le Destructeur, eux, oui, ils sont toujours d’actualité! " Cette déclaration, de sa part, n’était pas sacrilège. Il savait parler d’attributs divins. S’il reniait l’un et le rejetait dans un passé révolu, il n’en était pas moins respectueux des deux autres, et par cette dévotion, de Dieu lui-même !
" (2)

1.1 - Sarasvati
, son épouse, est sa shakti, son énergie. Elle est la déesse de la science, de la connaissance (dont le Créateur a besoin). L’art hindou la représente un luth à la main, montée sur un cygne.

1.2
Dharma, fils de Brahmâ

1.3
Atri, fils de Brahmâ

2 - Vishnu (Vishnou, Vichnou) :

Le " Protecteur " ou " Conservateur " de l’univers, le second attribut ; s
ouvent cité par les Védas, donc dieu extrêmement ancien. Est le plus souvent représenté assis ou couché sur son serpent personnel qui lui sert de siège ou de lit. De ses quatre mains, les deux supérieures tiennent l’une, une coquille ayant la forme d’une conque, et l’autre, un disque. Il a eu 10 incarnations, dont la 9ème est censée être le Bouddha et dont les deux plus importantes sont Rama et Krishna

" De temps en temps il prend pour le bien des humains une forme visible: il s'est déjà incarné 9 fois. et doit s'incarner une 10e : ces incarnations s'appellent avatars. Les 4 premières eurent lieu dans le premier âge du monde, dit Satiayouga, âge d’or, où tous les hommes étaient bons et vertueux; les suivantes, dans le 2e et le 3e âge; la 10e terminera la période actuelle, l'âge noir ou de fer (Kali-youga), et mettra fin à l'existence du monde. Dans les 4 premières incarnations, Vichnou se montra successivement sous la forme d'un poisson; d'une tortue, d'un sanglier, d'un lion. Après avoir ainsi revêtu diverses formes animales de plus en plus relevées, il prit la forme humaine : il fut d'abord le brahme nain, Vamana, puis le brahme guerrier et armé de la hache, Paraçou-Rama, enfin le beau prince Rama, fils de Daçaratha, radjah d'Ayodhia ou Aoude (dont les aventures sont le sujet du Ramayana) ; il devint ensuite Krishna, le bon pasteur le vainqueur de Kansa, et enfin Bouddha, le saint, le sage par excellence. Vishnu lorsqu'il s'incarnera pour la 10e fois, sera le cheval exterminateur Kalki, qui d'un coup de pied réduira le globe en poudre. " (3)

" Vishnu est le premier être qui sorte du sein de la mer primordiale, et alors on le nomme Narayana (celui qui se meut sur les eaux); de son nombril sort un lotus qui porte les 2 autres personnes de la Trimourti (Brahma et Shiva). Il dort et flotte sur les eaux dans l'intervalle des petites destructions du monde : on le représente alors étendu sur le grand serpent Adisécha ou Ananta, qui s'allonge sous son corps en forme de lit, et recourbe ses sept têtes au-dessus de la sienne en forme de dais. " (3)

" D'autres fois il est porté sur un épervier ou sur un aigle. La jeunesse et la vigueur se dessinent dans tout son extérieur; ses statues ont la figure bleue, avec 4 bras et 4 mains : dans une main il tient une massue, dans une autre une roue magique (tchakra), dans la 3e une conque, dans la 4e un lotus; sa tête est ornée d'une magnifique couronne à triple étage en forme de tiare. " (3)

Vichnu est adoré dans l'Inde entière, mais principalement à Djaggernat, où l'on voit des fanatiques se faire écraser sous les roues du char qui porte sa statue.

2.1 - Lakshmi
, son épouse, est née de l’écume de l’océan ; comme Vénus, elle est aussi belle que la déesse grecque. Elle gouverne la richesse et la prospérité [voir le culte de la Sirène - la Mami Water - sur les côtes de l’Afrique occidentale]. Elle préserve la prospérité apportée par Vishnu.

2.2
- Vishnu est aussi Rama

L’épopée de Rama est un très long récit souvent profondément symbolique. Le Ramayana est même, une fois par an, joué dans toute l’Inde au cours de plusieurs jours dont le dernier est un jour de grande réjouissance, le Dusehra. Il correspond au dernier acte de l’épopée, quand Rama est vainqueur de Ravana, le monstre à dix têtes. Le Ramayana est long de 48 000 vers et il aurait été l’œuvre d’un seul et même auteur - Valmiki.

2.2.1
- Rama, naturellement, a une épouse, Sita, qui est considérée, en Inde, comme l’idéal de la femme. Rama et Sita sont les divinités les plus aimées et les plus populaires.

2.3 - Vishnou est aussi Krishna

La 8ème incarnation de Vishnou. Il est le principal héros de l’épopée du Mahabharata, récit beaucoup plus long que le Ramayana puisqu’il comporte 100 000 stances. La paternité en a été attribuée au Sage Vyasa. C’est dans le Mahabharata que se trouve un ouvrage de grande sagesse, la "Bhagavad-Gîta " ou " Chant du Bienheureux ". 

Krishna, enfant ou beau jeune homme, est toujours représenté le corps et le visage bleus. Il tient à la main une flûte ou en joue. Il est, pour les hindous, le symbole de l’amour personnel humain. Il est le dieu le plus aimable et le plus compréhensif. À cet égard, il est un idéal souvent représenté dans les danses, les sculptures ou les peintures et la musique hindoue s’inspire largement de lui. Pour les jeunes filles, il est l’homme idéal, l’amoureux dont elles rêvent. Krishna, enfant, était un bon petit diable qui joua bien des " tours " à sa mère. Mais ce sont surtout ses jeux amoureux avec les bergères qui ont le plus de célébrité. Un dieu bien humain que Krishna, un dieu qui peut tout comprendre, ce qui explique pourquoi tant de fidèles lui rendent un culte et se confient à lui. Il est aussi, par beaucoup, dont les dévôts de Krishna, considéré comme l’incarnation de l’Etre Suprême.

Comme pour Jésus, il est né d’une vierge immaculée (
mais l’emprunt va dans quel sens ?) ... et lui aussi n'a pas d'épouse. 

Il est devenu célèbre même en Occident grâce à ses dévots portant une robe de couleur safran, qui vont, la tête rasée, à l’exception d’une touffe de cheveux et s’accompagnant de tambourins, dansent et chantent : Hare Krishna ! (Vive Krishna). La touffe de cheveux est gardée pour permettre à Krishna, au moment du décès, de saisir ses fidèles et de les élever jusqu’à lui.

3 - Shiva

Le troisième attribut de l’être suprême.
Il est le destructeur, le Maître de la mort, de la peste, de la guerre et de catastrophes telles que la sécheresse ou encore les inondations. Le dieu qui, plus que les autres, se charge de punir par la mort ceux qui s’écartent de ce qu’il convient de faire ; mais aussi de mettre fin aux punitions (= les catastrophes naturelles et humaines).

belle scène familiale très édifiante (la Sainte famille !) avec Shiva (et son trident, la force du mâle), Parvati (l'idéal de la femme au foyer) et le petit Ganesh, doté d'une tête d'éléphant à la suite d'une histoire rocambolesque ... et oedipienne !

" Mais Siva n'est pas craint. Il est vénéré, car, comme beaucoup d'Hindous nous l'ont souligné, il est le dieu qui détruit le mal, qui détruit ce qui est nuisible à l'homme et à son évolution ou salut, c'est-à-dire qui l'empêche de sortir de la roue des réincarnations. Siva est, par conséquent, avant tout, le destructeur des mauvaises actions, des mauvaises pensées, en un mot, du mal."

" Un point important est ici à souligner en ce qui concerne Siva. Certes, on peut considérer que l'adoration de ses fidèles a pour but de l'apaiser par des sacrifices et des louanges, mais cela se rapporte aux calamités et aux catastrophes ou aux maladies qui frappent ou peuvent frapper l'ensemble de la population. Cette forme d'adoration est semblable à celle que l'on pratique ailleurs, même chez les Chrétiens, pour demander à Dieu la paix, la santé ou une protection. Cette conception est peu connue, on ne la lit jamais dans aucune étude d'érudits, et elle méritait que j'en fasse état pleinement à votre intention, car Siva, vu de cette façon, est un attribut de l'Etre Suprême qui répond à un réel besoin de l'homme, en tant que créature en évolution. " (2)

Il n'a pas de résidence, bien qu'il se tienne souvent dans l'Himalaya, au sommet du mont Kailara, pour méditer sur le châtiment qui lui a été infligé par son divin collègue, Brahmâ, dont, dans une colère, il avait abattu une tête, et qui l'oblige à errer dans le temps.

Il est reconnaissable par des boucles de serpent enroulées autour de lui ou bien des peaux de tigre autour du corps ou encore un œil au centre du front (cyclope). On le voit aussi tenant une coupe creusée dans un crâne humain, ou muni d'un trident et, parfois, d'une hache de guerre. Shiva a une monture célèbre qui permet également de le reconnaître facilement dans les sculptures. C'est Nandi, le taureau sacré. De même il est reconnu par
le lingam ou phallus, emblème de l'organe sexuel masculin représentant l'énergie cosmique, la force de la création. Dans l'Inde méridionale, Shiva est représenté fréquemment en " danseur cosmique ", Nataraja.

" Le culte à Shiva est impressionnant. Nous y avons participé le 24 septembre, près d'Udaipur, dans un temple très fréquenté. C'est à l'heure fixée, 17 h 30, que les portes furent ouvertes. Les fidèles se précipitèrent et nous dans les derniers. Comme tous les fidèles, nous avions acheté des fleurs et, parvenus devant le lingam entouré de guirlandes florales, nous les avons jetées accompagnées d'une roupie, c'est la coutume, et elle s'explique, comme nous le verrons plus tard — nous avons placé nos mains face à face devant notre poitrine, puis devant notre visage et, sans le dire nous-mêmes, nous avons baigné dans les vibrations du mot " Siva! Siva! " qu'à voix haute, en passant devant le lingam, prononçaient les Sivaïstes, chacun seul avec lui-même et avec le dieu, dans une concentration intérieure que je n'ai jamais constatée aussi intense qu'en Inde, même chez l'homme de la rue, au moment de sa prière. Je reviendrai sur ce point et sur ce que représente le temple pour l'Hindou. Il y reste peu de temps, l'espace d'un salut au dieu, le véritable culte étant rendu chez soi, chaque jour, matin et soir, devant l'autel ou sanctum familial, et cela est valable pour tout l'Orient, y compris pour les Tibétains. " (2)

3.1
- Parvati, épouse de Siva ; de toutes les déesses de l'hindouisme, c’est la plus puissante. Elle est désignée par de nombreux qualificatifs. Considérée d'humeur bienveillante, c’est une femme belle et attachée à son époux, près de qui elle est représentée dans une attitude aimante. Elle lui apporte son énergie.

3.1.1 - Mais elle devient aussi la reine des batailles tenant à la main les armes qui vont lui permettre de châtier. Elle est alors la terrible Durga.


" Nous étions à Darjeling et, dans le Sikkim, à Gangtok, les 21 et 22 octobre, au moment culminant des fêtes en l'honneur de la déesse Durga. Tous ses dévots portaient, collé sur le front, du riz coloré et ils suivaient cette coutume pendant trois jours. Le dernier, dans la soirée, après la joie et... les ultimes libations de la journée, l'effigie de la déesse est brûlée dans le vacarme des pétards, et cela marque la fin de la grande puja (cérémonie, fête) de Durga. Les cris de joie et tout le bruit de la fête ressemblent à tout de que l'on voit, dans des circonstances similaires, sous d'autres latitudes, et nous l'avons compris en entendant, le dernier jour, le vacarme qui présidait à la destruction de la déesse Durga, à peu de distance de notre hôtel de Gangtok... " (2)

ici, Durga-Puja avec les attributs guerriers de son époux Shiva !

" Autrefois, des rites propitiatoires barbares lui étaient réservés. Ils n'ont plus cours nulle part, pour aucun dieu, sauf, ce qui est étrange et surprenant, dans le pacifique Népal où, en certaines occasions — ce fut le cas le 14 octobre, alors que nous étions à Kathmandou. Ce jour-là, en l'honneur de Durga, chaque famille avait procédé au sacrifice sanglant d'un animal… " (2)

3.1.2 -
Parvati peut encore apparaître sous l'aspect de la déesse Kali, qui a vaincu le temps, la très redoutable et noire Kali. Sa langue rouge assoiffée pend dans son visage noir. Elle porte un collier de crânes. Il faut l'apaiser par des guirlandes de fleurs.

" Au sujet de Kali, n'oublions pas qu'elle a été la bonne et tendre Mère Divine à laquelle se référait constamment le grand Rama krishna *. Elle avait été, pour lui, au début, " la terrible ", mais il l'avait comprise et, par son amour, conquise, au point qu'elle était devenue à jamais sa " tendre mère ", sa préoccupation de tous les instants." (2) * qui fut fondateur d’un ashram

3.2 Ganesh, le fils unique de Shiva et de Parvati, doté d'une tête d'éléphanteau.

"Parmi les dieux importants, je citerai encore Ganesh, fils de Siva et de Parvati. C'est un dieu fort sympathique et attendrissant.

Ayant eu la tête tranchée par son père, dans un moment de colère - il avait osé, pour obéir aux ordres stricts de sa mère, interdire à Shiva l'entrée des appartements de Parvati, et celle-ci avait inclus son mari dans les ordres donnés. Sur les supplications de son épouse, Shiva accepta de le ressusciter et de placer sur les épaules de son fils la tête de la première créature vivante que ses gardes trouveraient sur leur chemin. Ce fut la tête d'un petit éléphant et le bon et fidèle Ganesh revint à la vie avec cette tête nouvelle. Je l'ai dit, tel qu'il est, il est attirant et émouvant. Mais il est aussi le dieu de la prudence, de la prospérité et, surtout, de la sagesse." (2)

3.3 Rudra, une forme terrible de Shiva dans le shivaïsme, souvent représenté tout en bleu.

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 20:46

par Jean-Claude Barbier, janvier 2009


Sources documentaires :

(1) Wikipedia : articles "triades", "trimourti", "hindouisme", "civilisation de l’Indus", etc.

(2) tradition-mystique.net, lien

(3) cosmovisions.com, lien


La tri-moûr-ti (en sanscrit = trois formes) est la "trinité" chez les hindouistes, c'est-à-dire une forme unie de Brahmâ, Vishnu et Shiva. L’Etre suprême se manifeste d’abord en une entité unique représentant les trois principaux dieux. Ceux-ci sont représentés côte à côte et à égalité dans une même iconographie, assis ou débout, et symbolisent les attributs principaux.


de gauche à droite : Brahmâ reconnaissable à ses 4 têtes qui symbolisent les 4 points cardinaux, Vishnou au centre, reconnaissable par sa tiare fastueuse et faisant tourner une roue magique (tchakra), et Shiva avec ses armes de chasse et de guerre et une conque marine évoquant son pouvoir sur l'océan ; tous les trois à égalité, auréolés et les pieds sur fleur de lotus.

Ces déités hindoues majeures sont considérées comme ayant la même origine : elles sont écloses d’un même œuf.
La divinité suprême qui se fait triple pour présider aux différents états de l'univers : la création (avec Brahmâ), la préservation (avec Vishnu) et la destruction (avec Shiva).


D'un point de vue historique, la Trimûrti succède à la trinité védique formée d’Agni, Vâyu et Sûrya, les trois aspects du Feu sacrificiel (et donc elles aussi de même origine).


Un guide hindouiste du Taj Mahal... " En anglais, dit-il, Dieu se dit God. Eh bien, écoutez : G désigne le " Générateur ", le " Créateur " : c’est Brahma. O désigne " l’Observateur ", celui qui observe pour conserver et maintenir - le " Conservateur ", c’est Vishnou. D désigne le " Destructeur " et c’est Shiva. Et ces trois dieux, cette trinité, c’est toujours le même Dieu, c’est " God ! ". Le Dieu unique dans ses trois actes ou attributs fondamentaux : la création, la conservation et la destruction ... (2).


Dans le cas du shivaïsme, c’est le culte de Shiva (dont Rudra, une forme terrible de Shiva) qui est mis en avant, mais toujours dans le cadre de la trimoûrti.


Shiva est ici au centre et mis en avant avec ses armes (coutelas et trident)

Leur sont associés, à chaque déité, leur parèdre, c’est à dire leur femme, symbolisant l'énergie, le mouvement, tandis qu'eux mêmes représentent la matière, l'inertie.

- Brahmâ (1) & Sarasvati (1.1) , parents de Dharma (1.2) et d’Atri (1.3).

- Vishnu (2) & Lakshmi (2.1) ; Vishnu qui est aussi sa 7ème incarnation sous la forme de Rama (2.2) & Sita (2.2.1.) ; mais aussi (8ème) sous la forme de Krishna (2.3. , qui n’a pas d’épouse) ; mais aussi (9ème) Bouddha (2.4., qui n’a pas d’épouse).

- Shiva (3) & Parvati (3.1.) ; laquelle est aussi Durga (3.1.1) et Kali (3.1.2). Shiva et Parvati sont parents de Ganesh (3.2) ; Shiva qui est aussi Rudra (3.3)

Les numéros renvoient au texte suivant : "Brahma, Visnu, Shiva et les autres"

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 18:25

par Jean-Claude Barbier, janvier 2009

Des triades de divinités majeures sont apparues dans les sociétés indo-européennes. Selon la thèse de Georges Dumézil, elles reflèteraient, au niveau du sacré, les fonctions tripartites autour desquelles s’organisent des sociétés : religieuse liée au sacré (avec un clergé, un droit enraciné dans le sacré), politique et militaire liée à la force, enfin productrice liée à la fécondité.

On peut penser aussi à la valeur symbolique du chiffre trois : son rôle en géométrie avec les figures du triangle et du cercle, sa connotation culturelle par exemple dans la Bible (les trois étrangers qui se présentent à Abraham, les trois mages qui viennent adorer l’enfant, etc.).

Les triades fonctionnent comme des matrices symboliques qui servent à coordonner les puissances surnaturelles existantes à partir d’un premier pôle dominant.

La Rome antique a hérité de la triade ombrienne avec Jupiter (signe de souveraineté), Mars (manifeste la force guerrière) et Vofionus ; triade remplacée par la pré-capitoline avec l’hégémonie latine : Jupiter, Mars, Quirinus (qui prend en charge la production et la fécondité), puis par la capitoline, vénérée sur la colline du Capitole et qui comprend Jupiter déjà cité et qui garde son rôle, Minerve, déesse de la sagesse mais aussi de la guerre aux attributs guerriers (égide, lance) qui prend la place de Mars pour incarner la force guerrière, et Junon, qui, quant à elle, symbolise le mariage lorsqu'elle est représentée recouverte de voiles ou est associée à la fécondité lorsqu'elle en tient l'emblème, une pomme de grenade.

Dans la mythologie germanique et nordique, la triade est représentée par Odin, en position de dieu suprême et représenté borgne, Tyr ou Thor, le dieu de la Guerre porteur d’un marteau, et Freyr, qui représente la vie et la fertilité en brandissant un épi (voir sur le site de Wikipedia, à l’article sur les triades, une tapisserie suédoise du XIIème s. représentant les trois rois mages avec les attributs des anciens dieux scandinaves !)


Dans la mythologie celtique, la triade, attestée par le poète latin Lucain, aurait été composée de Taranis, Esus et Teutatès.

L’hindouisme présente la célèbre trimûrti (
= trois formes en sanskrit) avec les dieux Brahmâ, le créateur, Vishnou, associé à la conservation et à la protection, et Shiva symbolisant la destruction. Cette trimûrti succède à la triade védique formée d'Agni, seigneur du feu sacrificiel et du foyer, d’Indra, divinité de la guerre et incarnation de la force et de Sûrya qui incarne le soleil et la génération (il est le père du premier homme).

batik moderne représentant la trinité hindouiste (la Trimourti), inspiré par les gravures découvertes au site "Elephant caves".

On retrouve la triade dans la théologie chrétienne avec le dogme trinitaire réunissant en une seule personne : Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit (en succession de la formule ternaire du Nouveau testament : le Père, le Fils et le Saint-Esprit).

Le mot " trinité " n’appartient pas au vocabulaire du Nouveau Testament, ni au dogme originel des premières communautés chrétiennes. On trouve le mot grec "trias", qui signifie "trois", 
utilisé à propos des trois Personnes divines, pour la première fois (vers 180) dans les écrits de Théophile d’Antioche (À Autolycus, II, 15). C’est Tertullien (dans les premières années du IIIème siècle) qui introduit le terme Trinitas dans le lexique théologique latin (Contre Praxeas). C'est avec l'arianisme, au début du IVe siècle, qu'enfle la polémique, et l'usage du mot.

A noter que, dans les deux derniers cas, il ne s’agit plus d’un simple trio (trois divinités regroupées mais restant distinctes) mais d’une fusion mystique de trois divinités qui sont non seulement présentées ensemble mais qui sont désormais indissociables – une seule personne dans le cas de la trinité chrétienne, comme la clef de voûte d’une coupole trilatérale.

Il n'est pas interdit de penser que cette trinité chrétienne est un geste empreint de syncrétisme, un dogme nécessaire au moment ou le christianisme se répand dans l'empire romain, qui concilie triade capitoline et monothéisme sémitique par le biais d'une seule substance en trois personnes.

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 10:22

par Jean-Claude Barbier, janvier 2009

 

Le polythéisme répond aux besoins d’un peuplement humain hétérogène où chaque élément apporte sa ou ses puissances surnaturelles protectrices (animaux totémiques, ancêtres, esprits, divinités, etc.). Il va dans le sens d’une intégration sociale et mise sur la tolérance : les puissances surnaturelles apportées par autrui sont partagées. Voir l'aventure biblique de Jonas où tous les marins et passagers du bateau prient leurs dieux.


" IHVH soulève un grand souffle sur le mer. Et c'est une grande tempête. Le navire pense être brisé. Les marins frémissent. Ils clament, chaque homme vers son Elohîm [= dieu]. Ils projettent les objets du navire dans la mer pour s'en alléger. Iona [notre prophète Jonas] descend aux soutes du vaisseau. Il se couche et s'endort. Le grand navigateur s'approche de lui et lui dit : "Qu'as-tu, endormi ? Lèves-toi ! Crie vers ton Elohîm. Peu^-être l'Elohîm se ravisera-t-il pour nous, et nous ne serons pas perdus ". La finale de l'histoire est tolérante (ce qui est rare dans la Bible !) puisque Dieu pardonnera aux gens de Ninive bien que ceux-ci soient polythéistes !
 

Ces puissances surnaturelles peuvent être simplement juxtaposées (cas des religions coutumières en Afrique noire et du Vaudoun), mais elles peuvent aussi être coordonnées selon plusieurs schémas :


- une cohabitation pacifique des dieux dans les mêmes lieux de culte : toute protection divine est bonne à prendre et il n'y a donc pas d'incompatibitié. Chaque marin à bord du bâteau que le prophète Jonas a pris pour tenter de fuir Ninive, prie son propre dieu afin d'apaiser la tempête et s'étonne fort que Jonas n'en fasse pas autant !

Le panthéon (en grec : pan = tout, theos = dieu) est un temple où les Grecs et les Romains réunissaient tous leurs dieux. A La Mecque, la Kabba était un sanctuaire où nomades et commerçants pouvaient déposer leurs propres puissances protectrices.
Il désigne aussi l’ensemble des dieux d’une mythologie ou d’une religion lorsque ceux-ci sont mis en relation.
Par extension, on appelle Panthéon un monument où sont déposés les corps des hommes illustres d'une nation. Le peintre Raphaël initia cet usage en 1520 en reposant au Panthéon de Rome, exemple qui fut suivi au Panthéon de Paris et en d'autres lieux.

- L’hénothéisme (terme forgé par l’historien allemand des religions F. M. Muller 1823-1900) admet une pluralité de dieux mais aussi leur hiérarchisation par un dieu ou une entité suprême (le Zeus des grecs, le Jupiter des Romains, etc.). Une telle hiérarchisation peut résulter d’une centralisation politique : un dieu se retrouve en position dominante, par exemple Mardouk, dieu de Babylone, érigé en dieu suprême à la suite de l’hégémonie régionale de Babylone sur les cités sumériennes.

- les dualités : Le taoïsme est connu pour sa philosophie des contraires qui sont étroitement complémentaires, indissociables. Il rejoint la pensée duelle * en usage dans des populations anciennes (chez les Amérindiens étudiés par l'ethnologue Claude Lévy-Strauss ou encore des populations d'Afrique noire étudiées par d'autres, comme par exemple les populations Sara du Tchad), qui, en distinguant les choses et en les localisant géographiquement et socialement à des places bien précises, est fondatrice d'un ordre loin de l'indifférenciation du chaos primordial. La pratique de la circoncision et de l’excision en Afrique du Nord-Est et au Moyen-Orient va dans ce sens - avec dans le cas présent une mise à nue chirurgical des sexes afin d'éviter toute confusion possible. Le zoroastrisme introduit le dualisme religieux, avec la lutte entre les puissances du Bien et celles du Mal.
* Elle s'appuie sur des catégories qui se répondent : le jour et la nuit, le soleil et la lune, le froid et le chaud, le cuit et le cru, le village et la brousse, le masculin et le féminin, la droite et la gauche, le sacré et le permis, le pur et l'impur, etc.

- les triades indo-européennes conçoivent trois divinités à la tête de la hiérarchie des entités surnaturelles, lesquelles sont toujours citées en premier (cas des triades gréco-romaines), ou bien toujours associées (rarement présentées seules) ou encore dites de même origine (le feu ou un oeuf primordial dans le cas védique). Pour la trinité chrétienne, c'est le même dieu - Dieu - en trois personnes.


Par opposition aux pratiques polythéistes, on a la
monolâtrie qui est un culte exclusif rendu à un seul dieu, unique protecteur d'une cité ou d'une nation, mais sans qu’il y ait pour autant négation de l’existence des autres dieux - cas par exemple du dieu de l'Ancien Testament qui veille sur son peple élu) et, plus radical, le monothéisme qui, lui, affirme l’existence d’un seul Dieu - les autres dieux, comme l'affirme la Bible, étant fait de mains d'homme ... Ce monothéisme peut rester tribal : c'est "mon" dieu qui est Dieu, le seul dieu valable (ben voyons !), et à ce moment là il risque de devenir impérialiste en étant imposé aux autres, ou bien il est un Dieu d'emblée universel, non approprié, non révélé à certains et pas à d'autres, celui par exemple que présentera le théisme au Siècle des lumières.

 

Ces mises en relation des dieux entre eux sont facilitées par la plasticité des êtres surnaturels, lesquels échappent par définition à la matérialité de la nature humaine, au temps et à l’espace.

 
- les relations familiales à l’exemple des humains : enfants, épouses, etc. Les mythes, les légendes et l’iconographie s’en donnent à cœur joie pour tisser de tels liens. Dans l'Antiquité, les villes étaient créées sous l'égide d'un dieu protecteur de la ville (" divinité polyade "), et le fondateur s'enorgueillissait d'être le fils d'un dieu (surtout chez les Grecs). En hindouisme, tous les dieux ont une épouse (unique) puisque la manifestation exige pour être une double polarité — le masculin et le féminin.

- les équivalences : par exemple entre dieux grecs, égyptiens et romains. Les panthéons ethniques et nationaux s’enrichissent selon leurs relations extérieures, les immigrations, etc. Jésus est comparé à Bacchus dans les noces de Cana, à un dieu suprême dans le Christ Pantocrator, etc.

- les adoptions : les Egyptiens adoptèrent Astarté, les Romains Isis, les Grecs modifièrent le panthéon des autres peuples pour le coller au leur, les Phéniciens accueillirent Hathor (Dame divine de Byblos), les Asiatiques possédaient tous un Bâal national, les Carthaginois adoptèrent les dieux grecs, etc.

- les apparitions : cas du culte marial avec apparitions sous une forme différente à chaque nouveau lieu : Gitans, Indiens, Pyrénéens, Parisiens, Portugais, etc., peuvent ainsi avoir leur Vierge à eux !

- les avatars : contrairement aux humains, les puissances surnaturelles peuvent apparaître sous plusieurs formes endogènes (hindouisme) et exogènes (divinités vodoun mises en parallèle avec les puissances chrétiennes – Marie, les saints, Lucifer - et avec les divinités de l’hindouisme par exemple – à partir des milieux humides – Dan divinité des milieux lagunaires au Sud-Bénin, Nana Buruunku cooptée par le vodoun et Ganesh de l’hindouisme). 

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 09:39

par Jean-Claude Barbier


Même si les religions se présentent comme un ensemble didactique, elles n’en sont pour autant des œuvres de philosophie. Elles n’ont pas la cohérence d’une œuvre pensée par un seul auteur, développée tout au long de sa vie, léguée à la postérité. Les Ecritures "saintes" sont l’oeuvre de multiples auteurs et leur transmission – par des scribes – n’a pas été exempte d’ajouts, voire des rectifications sur des points jugés non orthodoxes.

En cela l’hindouisme offre un exemple particulièrement éloquent d’empilement au cours des âges de diverses strates. C’est avons donc à faire à un corpus religieux profondément hétérogène, mais que le temps a patiné et qui a généré une mise en relation de cultures au début différentes et qui se sont progressivement harmonisées entre elles. Il en résulte une certaine unité culturelle par osmose où les éléments originaux, remaniés, se sont intégrés avec fluidité.


Réputée pour être une religion sans dogme, l’hindouisme n’en présente pas moins une architecture englobant les rituels, les cultes, les cérémonies, les comportements, les philosophies, et comportant des points de repère qui en facilitent sa compréhension. L’étude de cette religion nécessite – comme pour toute étude de religion – une analyse de ses diverses parties, tout en sachant que "tout est lié", à commencer par le vécu de la religion par le fidèle.


Une première approche consiste à identifier les diverses strates religieuses qui, par empilement, ont contribué à former l’hindouisme d’aujourd’hui. Cette méthodologie diachronique permet un premier repérage et d’avoir une première idée de la constitution de ce corpus religieux. Nous utiliserons comme source, l’encyclopédie électronique Wikipedia.

Même si les populations autochtones de l’actuel sous-continent indien ont très certainement apporté leur contribution (1), il semble bien que ce soit ce qu’on appelle la civilisation de l’Indus qui ait été introductrice de la dynamique religieuse qui aboutira à l’hindouisme.


(1) Des abris sous roche peints à l'âge de pierre ont été trouvés à Bhimbetka dans le Madhya Pradesh (centre de l’Inde) ; elles constituent les traces connues les plus anciennes d'implantation humaine en Inde, soit – 9000 ans. Les anthropologues pensent qu'elles relèvent de populations de type veddoïde, appelée aux Philippines "negritos" (un vieux fonds de Noirs de petite taille, mélangés avec des populations asiatiques). Certains historiens pensent que les populations dravidiennes du nord, dont les Brahouis actuels seraient les derniers descendants, ont joué un rôle dans la civilisation de l’Indus.

Le fleuve Indus traverse le Pakistan actuel du nord au sud. La civilisation de l'Indus débordait sur les actuels Afghanistan, Iran et Inde.


La civilisation rurale du Balouchistan (à partir des années 6 500 av. J.-C.)


La civilisation de l'Indus a été précédée par les premières cultures agricoles de l'Asie du Sud qui sont apparues dans les collines du Balouchistan, à l'ouest de la vallée de l'Indus. Le site le mieux connu de cette culture est Mehrgarh, datant des années - 6500. Ces là que les premiers fermiers maîtrisèrent le blé et domestiquèrent une grande variété d'animaux, en particulier ceux constituant le bétail. La poterie y était utilisée vers – 5500. La civilisation de l'Indus s'est développée à partir de cette base technologique, en se répandant dans la plaine alluviale de ce que sont, de nos jours, les provinces actuelles pakistanaises du Sindh et du Penjab.


La civilisation pré-harappéenne (autour de 4000 av. J.-C.)


Ce développement rural de qualité va permettre la formation de premières agglomérations. C’est une période qu’on appelle pré-harappéenne (du nom du site archéologique d’Harappa dans le Pandjâb ; le site de Mohenjo-Daro en Hindoustan a fourni lui aussi de nombreux témoignages dans ses couches les plus anciennes). Les premières strates des villes de la civilisation de l'Indus témoignent de cette amorce urbaine. Des réseaux commerciaux les relient aux cultures régionales parentes.

A cette époque, les villageois continuent leurs progrès. Ils domestiquent un grand nombre d'espèces végétales dont les petits pois, les pois chiches, les grains de sésame, les dattes et le coton. Ils élèvent désormais le buffle, un animal qui reste essentiel à la production agricole dans toute l'Asie actuelle. On note également un commerce avec des sources de pierres précieuses, telles que le lapis-lazuli et autres pierres fines utilisées dans la fabrication de perles à collier.


Cette civilisation précède les migrations des peuples indo-européens. Elle n’est donc pas encore marquée par le védisme. L'écriture pictographique, attestée sur un grand nombre de sceaux, n'a pas été encore déchiffrée. Au regard des connaissances actuelles, il semble peu probable qu’elle ait un lien quelconque avec l’écriture brahmi.


Nous y retrouvons le culte de la Grande Déesse. On a dégagé dans une habitation une statuette représentant une figure féminine à demi-nue (1) qui est l'effigie de la Grande-Mère commune, dispensatrice de vie. Cette divinité maternelle (représentée enceinte et dotée d'une ample poitrine) symbolise l'origine du maintien de la vie. Au vue d’innombrables autres figurines, ce culte était répandu. Les types de figurines les plus récentes ressemblent à Kâlî-Durgâ. On est bien là dans une période pré indo-européenne puisque aucun peuple "aryen" n'a élevé une divinité féminine au rang suprême qu'elle avait dans la civilisation découverte à Mohenjo-Daro et que détiennent aujourd'hui Kâlî et Durgâ dans l'hindouisme

(1) l’un des noms de la Grande Déesse de l'hindouisme est Aparnâ qui signifie " celle qui est sans vêtement de feuilles ", c'est-à-dire " qui est nue ".


Egalement découvert à Mohenjo-Daro, la statue d’un dieu qui pourrait être considéré comme un prototype de Shiva. Le dieu y est figuré dans la posture spécifiquement yogique. C’est là la première représentation plastique d'un yogin. Sir John Marshall le décrit en ces termes : " le Dieu qui a trois visages, est assis sur un trône bas indien dans une attitude caractéristique du yoga, avec les jambes sous lui, talons contre talons et orteils tournés vers le bas […]. Sur sa poitrine un pectoral triangulaire ou peut-être une série de colliers […]. Le phallus est à découvert (ûrdhvamedhra), mais ce qui paraît le phallus pourrait n'être, en réalité, que le bout de la ceinture. Une paire de cornes couronnent sa tête. De part et d'autre du dieu se trouvent quatre animaux, un éléphant et un tigre à sa droite, un rhinocéros et un buffle à sa gauche. Derrière le trône sont deux cerfs… "


Un des derniers auteurs à s'être prononcé sur la question, Suart Piggot, écrit de son côté : " Il n'y a pas de doute que nous avons ici le prototype du grand dieu Shiva en tant que Seigneur des bêtes fauves et Prince des yogins. Peut-être a-t-il été conçu avec quatre visages et regarde-t-il avec ses quatre animaux dans les quatre directions de la terre. Ceci rappellerait même l'éléphant symbolique, le lion, le cheval et le taureau des colonnes maurya du IIIe siècle av. J.-C., à Sarnath. Les cerfs du trône du dieu marquent un autre trait d'union significatif avec la religion ultérieure et avec Sarnath; car, placés d'une manière similaire, ils sont les compagnons inévitables du Bouddha dans les représentations du Sermon du Parc des Cerfs ".


L’iconographie chrétienne aurait-elle repris cette disposition des animaux aux 4 points cardinaux avec le lion pour l’évangile de Marc, le taureau pour celui de Luc et l’aigle pour celui de Jean (pour Matthieu, c’est un livre !) ?

Au culte de la Déesse Mère, s’ajouterait le phallisme (avec la représentation du phallus de la divinité en érection ; on parle d’un dieu génésique – qui donne la vie), la zoolâtrie (la sacralisation d’animaux), et un culte des arbres (l'arbre pipal, si typique de l'hindouisme) et des eaux (1), c'est-à-dire des éléments qui entreront plus tard dans la grande synthèse hindouiste. A noter aussi des représentations de l'homme-saint dans la position de l’âsana pratiquant, peut-être de l'ekâgratâ

(1) le plan de la cité de Mohenjo-Daro montre l'importance d'une Grande piscine (Great Bath), ce qui nous rappelle étrangement les "piscines " des temples hindous de nos jours.


La religion harappienne, d'après sir John Marshall, est si spécifiquement indienne qu'elle se distingue à peine de l’hindouisme.


la civilisation urbaine de l’Indus (- 2600 – 1900 av. J-C.)


Autour de - 2600 (IIIème millénaire av. J.-C.), quelques sites pré-harappéens se développent en cités, abritant des milliers d'habitants, essentiellement des agriculteurs. Par suite, une culture unifiée apparaît dans toute la zone, aplanissant les différences régionales de sites éloignés de plus de mille kilomètres. Cette émergence est si soudaine que les premiers chercheurs ont pu penser qu'elle résultait d'une conquête extérieure ou d'une migration. Depuis, les archéologues ont fait la preuve qu'elle est issue de la culture pré-harappéenne qui l'a précédée. En fait, il semble que cette soudaineté soit le résultat d'un effort délibéré, planifié. Par exemple, quelques sites paraissent avoir été réorganisés pour se conformer à une planification réfléchie. C'est la raison pour laquelle la civilisation de l'Indus est considérée comme la première à avoir développé une planification urbaine.


L’Indus s’appelle Shindu ; la vallée de l’Indus englobe aussi le Sarasvatî, fleuve parallèle à l’Indus, aujourd’hui asséché, mais dont les rives supportèrent de nombreuses cités (celles qui seront mentionnées dans les plus anciens récits védiques).


Il s’agit d’une grande civilisation de l'Antiquité dont l'aire géographique s'étendait principalement le long du fleuve Sarasvati, et qui se situait entre les actuels Pakistan, Pendjab, Rajasthan et Sind, c'est-à-dire dans la zone de l'Indus actuel. À ce jour, sur les 1 052 sites qui ont été découverts, plus de 140 se trouvent sur les rives du cours d'eau saisonnier Ghaggar-Hakra. D’après certaines hypothèses, ce système hydrographique, autrefois permanent, arrosait la principale zone de production agricole de la civilisation de l’Indus. Parmi ces sites, on compte de nombreuses villes comme Dholavira, Ganweriwala, Harappa, Lothal, Mohenjo-daro et Rakhigarhi.


La plupart des autres sites se situent le long de la vallée de l’Indus et de ses affluents mais on en trouve aussi à l’ouest jusqu’à la frontière de l’Iran, à l’est jusqu’à Delhi, au sud jusque dans le Maharashtra et au nord jusqu’à l’HimalayaÀ son apogée, sa population pourrait avoir dépassé cinq millions


Cette civilisation de l’Indus atteindra son apogée entre le XIXe et le XVIe siècle. Elle se range parmi ses contemporaines, la Mésopotamie et l’Egypte ancienne, comme l’une des toutes premières civilisations, celles-ci étant définies par l’apparition de villes, de l’agriculture, de l’écriture, etc. Si elle n’est pas la première civilisation antique, la Mésopotamie et l’Égypte ayant développé des villes peu avant, elle est cependant celle qui connaît la plus grande extension géographique.

Le déclin à partir de 1900 av. J.-C.


Durant 700 ans, la civilisation indusienne fut prospère et ses artisans produisirent des biens d'une qualité recherchée par ses voisins. Puis aussi soudainement qu'elle était apparue, elle entra en déclin et disparut. Pire, elle fut d’autant plus oubliée qu’elle n’a pas laissé de monuments prestigieux comme le firent les anciens Egyptiens et les Mésopotamiens. Ce sont les archéologues qui la redécouvrent dans les années 1920.


Ce déclin fait suite à l’assèchement du Sarasvati aux alentours de - 2200. Les textes védiques évoquent ce changement climatique. Vers - 1900, des signes montrent que des problèmes apparaissent. Les gens commencent à quitter les cités. Ceux qui s'y maintiennent semblent avoir des difficultés à se nourrir. Autour de – 1800, la plupart des cités ont été abandonnées.


Mais il y a aussi le contexte commercial de l’époque qui se modifie. L'âge d’or du commerce inter iranien, marqué par la présence de nombreux " trésors " (coupe sur pied et bol tronconique) et riches métropoles  semble prendre fin vers -1800 à -1700 av. J.-C., au moment même où les textes mésopotamiens cessent de parler du commerce oriental. Les grandes agglomérations de Turkménie orientale (Altyn-depe et Namazga-depe) sont abandonnées et les grandes métropoles de la vallée de l’Indus disparaissent. Dans l'aire correspondant à la civilisation de l'Indus, le processus de décadence s’accentue avec la disparition des éléments le plus caractéristiques de l’unité harappéenne : l’écriture, les sceaux ou les poids. De nombreux éléments survivent pourtant au long du IIème millénaire av. J.-C. dans les régions orientales et méridionales de la zone.


Enfin, les populations indusiennes vont se trouver dominées militairement par des tribus aryennes en provenance du Caucase ou de l’Asie centrale. Elles sont nomades et mieux armées ; elle dispose aussi d’un embryon de clergé qui s’appuie sur des textes sacrés, les Véda. Vers - 2000, la civilisation de l'Indus est en état défensif ; peu de temps après, une partie de Harappâ fut incendiée par des envahisseurs descendus du Nord-Ouest. Ces barbares n'étaient pas encore des Indo-Européens, mais leur invasion fut sans doute en relation avec le mouvement général de l'Ouest où étaient impliqués les Indo-Européens. Au XVIII° siècle (- 1800 – 1700), les Indo-européens quittent les steppes caucasiennes.


Sur le plan culturel, les harappiens étaient nettement supérieurs aux Indo-Européens : leur civilisation urbaine et industrielle ne souffrait pas de comparaison avec la " barbarie " des Indo-Européens. Mais les Harrapiens n'avaient pas la vocation guerrière (on peut même leur supposer une sorte de théocratie industrielle et mercantile); mal préparés pour cette attaque d'un peuple jeune et agressif, ils furent vaincus sans problème


Il y a peu de temps encore, on croyait que les Indo-Aryens n'avaient rencontré, dans leur invasion de l'Inde, que des tribus aborigènes culturellement à l'état ethnographique: c'était les dasyus, dont les " forts " que l'Indra du Rig-Veda attaquait et détruisait passaient pour n'être que des modestes tranchées de terre. Mais Wheeler a montré que l'hymne célèbre du Rig-Veda (I, 53), exaltant Indra s'applique aux défenses solides de la citadelle de Harappâ ou Mohenjo-Daro. D'où l'on peut conclure que les Indo-Aryens ont rencontré, au cours de leur descente vers l'Inde centrale, non seulement des tribus aborigènes, mais aussi les derniers survivants de la civilisation de l'Indus, auxquels ils ont porté le coup de grâce.


En fait, le peuple indusien n'a pas disparu. Au lendemain de l'effondrement de la civilisation de l'Indus, des cultures régionales émergent qui montrent que son influence se prolonge, à des degrés divers. Il y a aussi probablement eu une migration d'une partie de sa population vers l'est, à destination de la plaine gangétique. Ce qui a disparu, ce n'est pas un peuple mais une civilisation : ses villes, son système d'écriture, son réseau commercial et – finalement – la culture qui en était son fondement intellectuel. Cependant, la destruction de la culture de l'Indus n'a pu être définitive. L'effondrement d'une civilisation urbaine n'équivaut pas à la pure et simple extinction de la culture et de la religion d'origine, mais simplement à sa régression vers des formes rurales, larvaires, " populaires " (C'est là un phénomène amplement vérifié en Europe pendant et après les grandes invasions barbares).


Vers le XVIe siècle av. J.-C. (- 1600 – 1500), des tribus aryennes venues d'Asie centrale émigrent en Inde du nord et y développent la culture védique. Des royaumes aryanisés se constituent : le Penjab (-1550 -1000), la région de Delhi (-1000 -800).

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