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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 17:29

suite des articles précédents et fin


Pour l’auteur du Prologue (à la fin du Ier siècle), c’est la Sagesse de Dieu, le logos, le Verbe (et non pas Dieu en entier) qui s’incarne en la personne Jésus, un peu à l’exemple des médiums qui sont des récipiendaires temporaires de la parole d’ancêtres ou de dieux. Mais on est déjà dans un plus par rapport aux prophètes car ceux-ci ne faisaient que transmettre la parole de Dieu à leurs contemporains, alors que, ici, la Parole prend chair, s’incarne en Jésus.


En épilogue : la Trinité ira plus loin puisqu’il s’agira dès lors de Dieu tout entier qui se manifeste sous trois formes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. On entre alors dans la logique des avatars de l’hindouisme ou encore du vodoun, où les divinités peuvent prendre diverses formes tout en restant pleinement elles-mêmes (voir notre dossier "Les triades indo-européennes, lien).


Par là, l’Esprit–Saint, n’est pas un annonceur (çà, c’est le rôle de l’ange), ni celui qui donne le déclic, mais il est le véritable géniteur ! Dans la Bible, on voit Dieu guérir de nombreuses femmes stériles, mais celles-ci vont toujours voir leur mari après que la promesse leur ait été faite à elle ou à leur époux. Dans le cas de Marie, l’action du Saint-Esprit est directe et se passe explicitement des services sexuels de Joseph : « L’Esprit Saint surviendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’(être) saint qui va naître sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1, 35) ; suivi par Matthieu grec, en plus bref : Marie se trouva enceinte « par le fait de l’Esprit Saint » (1, 18) et « ce qui naquit en elle est de l’Esprit Saint » (1, 20).


De Jésus, le docétisme n’en fera qu’une simple apparence – ce n’est pas Dieu qui est mort sur la croix, mais seulement une forme humaine dissociée ou substituée -, mais il se fera lui aussi condamner. Les Nestoriens essaieront, mais en vain pour la Grande Eglise, de séparer les natures humaine et divine de Jésus en disant que Marie n’est mère que de sa partie humaine et n’est donc pas Mère de Dieu (theotokos).


Le petit Jésus de la crèche n’est donc pas seulement le Christ, le sauveur par la Rédemption (ce qui est la position arienne), mais bel et bien Dieu lui même, à la fois le Fils et le Père. C’est ce que signifie le dogme trinitaire, ni plus ni moins. En plus, le culte mariale, dans un tel positionnement, est tout à fait de mise (nonobstant la position protestante qui accepte le titre de Mère de Dieu, mais ne veut pas en tirer les conséquences cultuelles.


luc_evangeliste.jpgAlors Luc, aurait-il donc été imprudent, mit les doigts dans un engrenage en recueillant des légendes populaires naissantes entrain d'héroïser et de diviniser Jésus ? Aurait-il pris au mot Jésus qui, dans ses prières, s’adressait à « son Père » ? ... et Paul en intégrant dans ses épîtres des hymnes de dévotion christique ?


Que faire aujourd’hui de ces récits que les Eglises chrétiennes continuent contre vents et marées de nous présenter comme des faits réels, historiques, bien que miraculeux et de l’ordre du surnaturel, acceptables qu'après un acte de foi ?

 

Certains parlent de spirituel, ne retenant que la signification morale ou théologique, sans vouloir dire ce qu’il en fut sur le plan historique : il y aurait un Jésus de la foi autre que le Jésus historique ; mais n'est-ce pas un échappatoire pour ne plus vérifier ce qu'a dit et fait Jésus réellement et finalement l'enterrer sous un enseignement "chrétien" intemporel, dé-contextualisé ?

 

Les Etudes unitariennes essaient au contraire, en s’appuyant sur l’Histoire telle qu’on peut la reconstituer grâce aux sciences d’aujourd’hui, de mieux situer les croyances dans le contexte de leur époque et de retracer leur évolution, ne serait-ce qu’en les étalant chronologiquement selon leurs sources. Sans dogme à défendre, tolérants et ouverts aux travaux des autres, promouvant la liberté de pensée et de recherche, les unitariens sont parfois plus à l’aise pour traiter de sujets qui peuvent être encore très sensibles pour d’autres chrétiens.

fin

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 16:50

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Jésus serait-il donc un être surnaturel venu prendre forme humaine durant sa vie terrestre ?

 

On peut trouver les prémisses de cette foi dans les hymnes christiques que Paul va intégrer dans ses épîtres. Il s’agit là d’une pensée pieuse et populaire, enthousiaste et excessive, qui chante les qualités de son héros en les sublimant. Ces hymnes sont parfaitement repérables car différents du style et de la pensée théologique de Paul, lequel a toujours pris soin de s’adresser distinctement à Dieu (IHVH, El, Elohim, Elohims) et à Jésus (l’adôn = le maître, le seigneur, « notre Seigneur ») ; mais les épîtres de Paul sont d’abord des lettres pastorales qui donnent des conseils, encouragent et exhortent – et pas seulement des traités de théologie !


Ors, ces hymnes christiques, du milieu du Ier siècle, partent de l’idée d’un dieu qui est avec Dieu, préexistant à son existence terrestre, et qui serait descendu parmi nous. Alors que la résurrection de Jésus est une élévation d’entre les morts, une ascension (ce que les théologiens adoptionnistes diront plus tard), nous avons là le mouvement inverse, celui d’une descente des cieux, une plongée dans l’humanité, une descente dans l'arène.


On a un premier hymne de ce genre dans l’Epître aux Philippiens, en 2, 6-11 : selon les traductions, Jésus est comme de la forme d’un dieu, de condition divine, dans un état d’égalité ou d’un rang égal à Dieu, etc., mais « il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur la croix ! » (traduction de la Bible de Jérusalem), avant que Dieu ne l’exalte.


Dans un second hymne, celui dans la Première épître à Timothée, en 3, 16 : « Il (le Christ) a été manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, vu des Anges, proclamé chez les païens, cru dans le monde, enlevé dans la gloire ». Nous ne sommes pas loin du Prologue de l’évangile de Jean, lui aussi de style très poétique, et où il est aussi question d’une incarnation.


Il y a là l’affirmation que Jésus préexistait à son existence terrestre, qu’il était avec Dieu. La référence juive peut en être le Livre d’Hénoch puisque ce patriarche n’est pas mort mais est monté au ciel par une ascension ; il est donc depuis avec Dieu, et – comme Elie enlevé aux cieux dans un char de feu – il peut revenir à tout instant pour un destin messianique ! Dans ce livre, le patriarche Hénoch devient une figure messianique, le Fils de l’homme, que Jésus va s’approprier. Les nazôréens, les adeptes judéo-chrétiens de Jésus, vont donc maintenir cette eschatologie qui caractérise leur mouvement dès sa naissance (voir notre dossier « Le Fils de l’homme », lien).

 

arius_pretre_d_alexandrie.JPGPour les chrétiens issus du paganisme, ils peuvent, quant à eux, avoir comme modèle les dieux des cultes antiques qui sont proches des humains, ainsi Dionysos, grand voyageur parmi les hommes ! (Voir notre dossier Jésus et Dionysos, lien)
  


Un dieu subordonné, créé par Dieu pour jouer un rôle messianique auprès des hommes, préexistant à la Création du monde ; c’est ce que dira précisément le prêtre d’Alexandrie Arius au début du IVème siècle (portrait ci-joint), ce qui lui vaudra d’être condamné au concile de Nicée en 325. De nos jours, les témoins de Jéhovah défendent cette position théologique.

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 14:36

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De la naissance miraculeuse à l’Incarnation


Mais la Nativité de Jésus ne s’arrête pas là puisque, dans la théologie chrétienne dominante, au delà du miracle (le coup de pouce d'un Dieu providentiel pour faire naître un enfant alors qu’il y a une impossibilité humaine), il y a une Incarnation. Au début, cette idée n’a encore rien à voir avec le dogme de la Trinité qui décidera (officiellement en 325 par le concile de Nicée) que c’est Dieu le Créateur, lui-même, qui s’est incarné en Jésus.


Les retours : constatons d’abord que les contemporains de Jésus sont dans l’attente d’un retour de certains personnages de leur histoire sous la forme d’une réincarnation .


Elie - Les prêtres et les lévites, envoyés par les « Juifs de Jérusalem » à Jean Baptiste, lui demandent s’il est Elie (Jn 1, 21). En effet, Elie n’est pas mort mais il a été emporté aux cieux dans un char de feu (2R 2, 11-13) et le prophète Malachie (Ml 3, 23-24) a prédit son retour comme précurseur au Jugement dernier : « Voici que je vais vous envoyer Elie le prophète, avant que n’arrive mon Jour, grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d’anathèmes ». Le Livre de Malachie est daté de la première moitié du IV° siècle avant J.-C., sous les règnes des rois perses Xerxès I (486-465) et Artaxerxès I (486-465), lors du retour d’Exil (chronologie de la Bible de Jérusalem).
L’Ecclésiastique (Si 48, 1-11) porte la même espérance et proclame au terme d’un éloge à Elie « Bienheureux ceux qui te verront et ceux qui se sont endormis dans l'amour car nous aussi nous possèderons la vie » (v. 11). D’ailleurs n’a-t-il pas déjà « rempli de son esprit » son disciple Elisée qui le vit disparaître (Si 48, 12) – Elisée que personne ne put subjuguer et qui, même après sa mort, ressuscita un mort (Si, 48, 13 ; 2 R 13, 20-21) !
Mais alors que Jean-Baptiste nia, dans le texte précédemment cité de l’évangile de Jean, être Elie, Jésus explique à ses disciples (juste après la scène de la Transfiguration) qu’Elie est bel et bien venu en la personne de Jean-Baptiste (Mc 9, 11-13 et Mt 17, 10-13).
Sur sa croix, avant d’expirer, Jésus clame le début du psaume 21 (22) « Elôï, Elôï, lama sabatchtani ? » (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?). Certains qui sont présents pensent alors qu’il appelle Elie à son secours et s’en moquent (Mt 27, 46-49 ; Mc 15, 34-36).


Jérémie et al. – Jésus demande à ses disciples ce que les gens disent de lui (dans Marc et Luc) ou du Fils de l’homme (Matthieu). Jérémie est alors cité - « ou un des (autres) prophètes » - (Mc 8, 27-30 ; Lc 9, 18-21, Mt 16, 13-20). Par ailleurs, Moïse n’avait-il pas prédit que viendrait après lui un prophète qui serait encore plus grand que lui-même ? Le même Moïse est d’ailleurs présent avec Elie dans le récit de la Transfiguration (Mt 17, 3-4 ; Mc 9, 4-5 ; Lc 9, 30-33).


Cette logique est si bien ancrée dans les esprits que Jésus lui-même est considéré par certains comme la réincarnation de Jean-Baptiste pourtant décédé quelques mois seulement auparavant ! Dans l’ordre des réincarnations possibles en Jésus selon l’opinion publique, il y aurait : 1 - Jean-Baptiste, 2 - Elie, 3 – Jérémie ou un ancien prophète.


Hénoch – Le patriarche Hénoch, qui n’est pas mort mais a connu la première ascension de l'histoire biblique (avant celle d’Elie et de Jésus), est aux cieux avec Dieu. Dans le Livre d’Henoch, il devient ce fils de l’homme de la prophétie de Daniel (Da 7, 1-28) qui se tient (ou se tiendra) à la droite de Dieu que la vision appelle ici  « L’Ancien des jours » et qui est un vieillard à cheveux blancs. Mais alors que, dans le Livre de Daniel, c’est la figure allégorique d’Israël, « le peuple des saints du Très-Haut » ou encore l’annonce de la place d’un futur Messie, lequel a une forme encore vague « comme un fils d’homme », le Livre d’Hénoch est plus affirmatif : un Fils de l’homme avec un F majuscule, préexistant, et dont le rôle messianique est précisé dans le cadre d’une séquence eschatologique (voir notre dossier "Le Fils de l'homme", lien). C’est cette figure que Jésus entend incarner et, après Elie revenu en Jean-Baptiste, c’est à son tour d’entrée en scène en étant le Fils de l’homme.


On va donc passer d’une première confession messianique comme quoi Jésus est bien le Messie attendu, à celle d’une incarnation en lui du Fils de l’homme.

 

Lorsque Jésus demande à ses disciples ce qu’il est pour eux, Pierre prend la parole, sans doute au nom de tous (mais on en fera « la confession de Pierre ») et reconnaît que Jésus est le Christ : « Tu es le Christ » (Mc 8, 29 et Mt 16, 16), « Le Christ de Dieu » (Lc 9, 20), « le Saint de Dieu » (Bible de Jérusalem) ou « le consacré à Elohîm » (Bible de Chouraqui) (Jn 6, 69). Seul Matthieu ajoute une autre notion, celle du « Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16), ce qui annonce la figure du Fils unique et Bien aimé de l’évangile de Jean.


transfiguration novgorodLa Transfiguration, icône russe du XV° siècle, à Novgorod


En dépit de cette attente messianique, Jésus fuit la foule qui, après la multiplication des pains, voulait le faire roi dans le sens d’une messianité davidique pour délivrer le peuple du joug des Romains et gouverner politiquement. C’est Jean seul qui nous le dit : « Jésus se rendit compte qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi ; alors il s’enfuit (ou se retira) à nouveau dans la montagne, tout seul » (Jn 6, 15) … car son royaume n’est pas de ce monde ainsi qu’il le dira à Ponce Pilate (Jn 18, 33-37). D’ailleurs, il interdit à ses disciples de dire qu’il est le Messie (c’est le fameux secret messianique partagé par les évangiles synoptiques : Mt 16, 20 ; Mc 8, 30 et Lc 9, 21).


En fait, Jésus va commencer un nouvel enseignement et expliquer, cette fois-ci en cercle restreint, à ses seuls disciples, qu’il est le Fils de l’homme, donc un tout autre type de messie. C’est la première annonce de la Passion : le Fils de l’homme aura à souffrir de la part des anciens, grands-prêtres et scribes, sera mis à mort, puis il se lèvera des morts / se réveillera des morts trois jours plus tard (Mt 16, 21 ; Mc 8, 31-32 et 10, 32-34 ; Lc 9, 22). A Pierre qui s’en offusque, il lui précise qu’il s’agit là des choses de Dieu et non celles des hommes (Mt, 16, 22-23 ; Mc 8, 32-33). Cette prophétie sur lui-même est répétée par Jésus, toujours à ses seuls disciples, à la suite de l’expérience mystique de la Transfiguration : après Jean-Baptiste qui était la réincarnation d’Elie, c’est désormais Jésus le Fils de l’Homme (Mt 17, 10-13 et Mc 9, 11-13).

à suivre ...

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 13:33

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Nous avons déjà vu que le Matthieu grec défendait le texte lucanien face aux premières critiques juives en ajoutant une annonce à Joseph (Mt 1, 18-25), mais il va faire mieux en écrivant une nouvelle généalogie (Mt 1, 1-17).

 

Par celle-ci, certes moins longue en générations (42 noms contre 57 à celle de Luc), mais mieux ordonnées, en 3 périodes égales de 14 générations (d’Abraham à David, de David à la déportation de Babylone, puis de celle-ci au Christ), soit des séries de 2x7, l'auteur suggère que chaque période fut longue et accomplie dans la plénitude du plan divin, le chiffre 7 étant symbolique d’une durée parfaite (comme les 7 jours de la Création, etc.). Le texte souligne lui même cette perfection au cas où on ne l'aurait pas vue (Mt 1, 17).


Tamar.jpgMieux, dans cette généalogie, l’exception de Marie est confirmée par ses devancières puisque, pour chaque cas, il y a une impossibilité humaine de procréation, morale ou physique, afin de mieux montrer que c'est la volonté de Dieu qui s'exprime lors de naissances qui se révèleront décisives. Sont ainsi successivement citées Thamar, Ruth, la femme d’Urie et finalement Marie. Jacob ne veut pas donner son dernier fils à Thamar car deux de ses fils sont déjà mort entre ses bras – et l’on sait comment Thamar força la main (et le sexe !) de Jacob en se prostituant au bord du chemin qu’il emprunta. Noémie n’a également plus de fils à donner à Ruth la Moabite et lui dit de retourner chez les siens, mais Ruth s’entête, va dénicher un parent éloigné qui détient des droits de lévirat sur elle, le vieux Booz, et, pauvre glaneuse dans un champ, elle se met au pied du maître qui fait la sieste ! Enfin, la femme d’Urie commit l’adultère avec le roi David, ce qui entraîna l’assassinat de son mari, officier de l’armée, sur le champ de bataille (ce qui n'est pas bien du tout !).

 

Drôle de série en tout cas, avec des épisodes tournant autour du sexe féminin et qui se trouvent, là, valorisés au nom de l'Histoire sainte ! On pourrait ajouter la rencontre par Jésus de la Samaritaine aux 5 maris déjà morts et un présent concubinage notoire (ce qui ne peut que sentir le souffre, non ?) (Jn 4, 17) et le pardon du même Jésus à la femme pourtant adultère et prise en flagrant délit (Jn 8, 1-11). Adieu donc la morale puritaine !


En identifiant ces femmes par lesquelles passe, pour chacune, une nouvelle lignée patrilinéaire porteuse de la Promesse, il fait d'elles des "têtes" de lignée. Il s’ensuit que Marie est à la tête d’une nouvelle grande famille, celle des adeptes de la Voie initiée par son fils. Dans la prolongation de cette affirmation théologique, la Vierge règnera dans l’Apocalypse de Jean de Patmos et symbolisera l’Eglise de l’Agneau, la communauté des nouveaux fidèles.


Ce statut devenu important de Marie, se retrouve dans l’évangile de Jean qui lui attribue un rôle de tout premier plan durant le ministère public de son fils (alors qu’elle est absente durant cette période dans les synoptiques !) : elle sera présente aux noces de Cana où Jésus commence à se manifester (Jn 2, 1-11), l’accompagnera à Capharnaüm, elle (et les frères de Jésus selon les variantes), lorsqu’il revient en Galilée après son baptême (Jn 2, 12), puis sera présente au pied de la croix avec sa sœur, Marie femme de Clopas, et Marie-Madeleine (Jn 19, 25). 

à suivre

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 16:44

suite des articles précédents
 
Les milieux juifs persévèreront d’ailleurs dans le doute de la version chrétienne et avanceront une autre explication : Jésus est le fils d’un nommé Pantera ! Nous tirons les informations suivantes de l'historien et archéologue James Tabor (La véritable histoire de Jésus, Paris, éditions Robert Laffont, 2006 : 80-89).

 

Vers la fin du Ier siècle, le rabbin Eliézer ben Hourcanos (dit « Le Grand ») rapporte un enseignement qu’un nommé Jacob de Sikhnin, un partisan galiléen de Jésus, lui a communiqué à Sepphoris, « au nom de Jésus, le fils de Panteri ». Or, ce Jacob semble bien placé comme informateur puisque le village de Sikhnin se trouvait à quelques kilomètres de Kokhaba - autre ville que Bethléem, etc., où vivaient des membres de la lignée davidique - situé un peu au nord de Nazareth. Selon la tradition, il aurait été martyrisé à Nazareth et il est possible que sa tombe ait été retrouvée dans la ville actuelle de Sakhnin.

 

Dans une controverse rabbinique ultérieure, il est question de savoir s’il est convenable de soigner une morsure de  serpent en invoquant « le nom de Jésus fils de Panter ». On sait que le nom de Pantera était un patronyme en usage en Palestine au Ier siècle. Ceci dit, à cette époque nous sommes en plein contentieux entre juifs et chrétiens.


Celse s’empare de cette affaire dans son traité contre le christianisme intitulé Discours véritable, en 178, où il se fait l’écho que Marie « était enceinte d’un soldat romain appelé Panthera » et que son mari l’avait répudiée pour adultère, en donnant la profession du père naturel : un soldat romain.


pantera_archer_romain.jpgL’affaire rebondit au début du XXème siècle lorsque l’historien allemand Adolf Deissmann publia un article Der Name Panthera ; il s’agit d’une stèle découverte en 1859 dans un cimetière romain à Bingerbrück, à moins de 20 km au nord de Bad Kreuznach, là où la rivière Nahe se jette dans le Rhin : « Tiberius Julius Abdes Pantera de Sidon, âgé de 62 ans, un soldat avec quarante ans de service actif, de la 1ère cohorte d’archers, repose ici » (traduction en français de l’inscription latine).  L’auteur précise que ce Pantera est mort au milieu du 1er siècle et qu’il venait de Palestine !

 

figurine représentant un archer romain

 

Mais ce Pantera était-il forcément Romain ? En 1891, l’archéologue français Charles Clermont-Ganneau a trouvé sur la route de Naplouse, au nord de Jérusalem, une tombe juive du 1er siècle contenant un ossuaire gravé au nom de « Pantheros », en grec, et un autre au nom de « Josepos », Joseph, le fils de ce Pantheros … Les rites d’inhumation y était indiscutablement juifs. Le patronyme était donc en usage chez les Juifs.


Revenons au soldat de l'armée romaine (possiblement d’origine juive) : sa cohorte d’archers à laquelle il appartenait fut transférée en Dalmatie (Croatie) en l’an 6 de notre ère, puis au confluent du Rhin et de la Nahe trois ans plus tard. Il est mort et a été enterré là-bas, en compagnie de milliers d’autres soldats tombés dans ce conflit meurtrier. Or, Jésus serait né vers 7-6 avant J.-C. ; nous sommes donc dans le timing.


Sidon, aujourd’hui Saïda au Liban, est à 70 km à peine de Sepphoris, la ville en contrebas de Nazareth. Or Jésus s’y est rendu lors d’un voyage à Tyr et à Sidon ( à partir de Gennésareth sur la rive nord du lac de Tibériade) (Mt 15, 21-28 et Mc 7, 24-30). Or ce déplacement n’est pas expliqué « Or s’étant levé de là, il s’en alla dans le territoire de Tyr » (Marc). Matthieu y ajoute Sidon qui est tout près de Tyr « la région de Tyr et Sidon », et il sous-entend que Jésus a pris du retrait par rapport à ses lieux habituels à la suite d’une polémique avec des pharisiens et des scribes venus de Jérusalem (Mt 15, 1-20 / Mc 7, 1-13) : « Jésus se retira … ». L’un et l’autre signale bien que Jésus est venu pour les Juifs et non pour les étrangers et c’est bien ce que Jésus dit à la femme grecque, syro-phénicienne de naissance (Marc) ou Cananéenne (Matthieu).

 

D’ailleurs, Marc précise que Jésus « étant entré dans une maison, il voulait que personne ne le sût … » (Mc 7, 24), mais il est accompagné de disciples (Mt 15, 23) ce qui est difficile pour passer incognito ! et puis, il est précédé par sa réputation de guérisseur. Marc nous dit bien qu’il entre dans une maison (et non un lieu public). Quelle maison ? S'il y entre avec ses disciples c'est qu'elle est "juive" ; est-ce donc la maison de ses paternels ?


Alors, Marie héroïne d’une histoire d’amour contrarié (version romantique) ou d’un viol soldatesque (version tragique) ?

à suivre

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 16:22

suite des articles précédents


La virginité de Marie prendra par la suite une importance considérable dans le christianisme, mais, pour l’instant, chez Luc, c’est simplement le fait qu’il y a une impossibilité humaine afin de mieux montrer le choix de Dieu. La lecture fondamentaliste du texte va s’acharner sur cette question de virginité, … mais aussi les commentaires de ceux qui doutent !


Or, si la référence « virginale » est faite chez Luc (1, 27), puis Matthieu (1, 23), il s’agit d’une reprise de la prophétie d’Isaïe (Is 7, 14) où on annonce au roi qu’une jeune fille ou jeune femme, primipare (qui n’a pas encore déjà accouché), lui donnera un fils, qui sera appelé Emmanuel (= Immanou El, Dieu avec nous !). La Septante traduisit cela par « vierge », ce qui n’est pas tout à fait la même chose car la jeune fille en question était censée avoir des relations sexuelles avec son royal époux ! De nombreux exégètes pensent qu’il s’agissait de l’annonce de la naissance d’Ezéchias, lequel succèdera à son père Achaz, roi de Judas (736-716) et règnera de 716 à 687.

 

vierge_enfant.jpg

Vierge à l'enfant, église Sainte Merry à Paris

 

Bien que Marie habite également à Nazareth (Lc 1, 26) – mais sans que Luc ne précise si c’est sous le même toit ! - le Matthieu grec s’insurge avec véhémence contre l’idée d’une éventuelle cohabitation : « avant qu’ils aient mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit Saint » (Mt 1, 18). On imagine combien le Matthieu grec dut faire face à une vive polémique de la part des milieux juifs qui, à la lecture de Luc, avancent une explication somme toute pleine de bon sens populaire ! D’où, chez Matthieu grec, l’annonce – non plus à Marie, déjà faite par Luc – mais une annonce à Joseph pour dire que le bonhomme a bel et bien obéi à la volonté divine sans chercher à comprendre et qu'il n'a pas répudié sa fiancée selon les prescriptions de la Loi (Mt 1, 18-25).


*On aura le même type d’ajout par Matthieu grec afin de répondre – là aussi - à une « rumeur » qui courrait chez les Juifs (de Jérusalem en l’occurrence) comme quoi la résurrection de Jésus n’en était pas une car c’étaient ses disciples qui étaient tout simplement venus subtiliser le cadavre afin de faire croire à celle ci. Matthieu grec est alors le seul évangéliste à nous expliquer que Ponce Pilate avait envoyé une garde romaine (La garde du tombeau, Mt. 27, 62-66).

à suivre

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 16:05

suite de l'article précédent

 

Jean-Baptiste et Jésus sont deux personnages importants dans l’Histoire sainte et leurs naissances respectives ne peuvent être banales ; nécessairement, elles ont toutes deux été marquées par l’intervention de Dieu. Ces naissances miraculeuses rejoignent tout simplement celles des héros du monde Antique et, en quelque sorte, n’ont rien d’extraordinaires – c’est l’inverse qui aurait été surprenant !

 

zacharie_et_gabriel.jpgLa poésie, l’épopée, la légende, le merveilleux, le miraculeux, ne sont-ils des genres littéraires aptes à dire les choses essentielles ; d’où le rôle des anges : un ange, Gabriel en l’occurrence, qui joue les annonceurs à Zacharie (Lc 1, 10 et 19), puis à Marie (Lc 1, 26), puis ce sera un ange (sans nom) suivi d’une myriade d’autres anges qui se manifesteront aux bergers de Bethléem (Lc 2, 8-20) ; pour Matthieu grec, c’est aussi un ange sans nom qui annoncera l’événement de la conception miraculeuse à Joseph (Mt 1, 20), et l’apparition opère « en songe » et non en vision comme les précédentes.

 

Zacharie s'apercevant de la présence de l'ange Gabriel, dans Les très riches heures du duc de Berry (manuscrit enluminé).

 

Zacharie et Elisabeth n’avaient pas d’enfants car Elisabeth était stérile et tous deux « avancés dans leurs jours » (Lc 1,7) ; Zacharie a conscience d’être « un vieillard » (Lc 1, 18). Du côté de Joseph, que l’on présente comme professionnellement actif, et donc dans la force de l’âge, c’est un autre problème : il est seulement fiancé à une jeune fille et non encore marié, et ne peut donc pas avoir – en principe – de relations sexuelles (Lc 1, 34 : « Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il possible puisque je ne connais d’homme ? » ). Il y a donc bien « miracles » !

à suivre ...

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 14:50

l’inédit de Luc


Ayant accompagné Paul dans sa captivité à Césarée de 58 à 60, on peut penser que Luc mit à profit son séjour pour écrire. Il dit avoir enquêté, s’être « informé avec précision de tout depuis les origines, de t’en écrire avec ordre (…) » (Lc 1, 3). Si bien que l’on peut s’attendre à de l’inédit !


D’entrée de jeux, Luc se différencie de Marc car il commence son évangile précisément par les résultats de ses investigations : les origines familiales de Jésus dont il est le premier à parler. Ensuite, le Matthieu grec que nous positionnons comme plus tardif pour des raisons que nous donnerons plus loin, y ajoutera une annonce faite à Joseph (Mt 1, 18-25).


le cousinage entre Jésus et Jean-Baptiste


D’abord, Luc nous affirme un cousinage entre Jésus et Jean-Baptiste qu’il tire de son seul chapeau (ou de ses enquêtes).


Jean-Baptiste est le fils du vieux Zacharie (Lc 1, 7), prêtre de la classe d’Abia (Lc 1, 5) ; donc un lévite descendant d’Aaron et desservant le Temple (Luc 1, 8-9 nous le montre entrain de brûler de l’encens, alors que « toute la multitude du peuple était en prière, dehors » ; il précise même que c’est par tirage au sort qu’il obtint cette fonction Lc 1, 9).  Il habite un village de montagne en Judée (Lc 1, 39), que la tradition localisera de préférence à Aïn Karim, à 6 km à l’ouest de Jérusalem (Bible de Jérusalem 1956 : 1353, note h) et descend à Jérusalem lorsque c’est le tour de sa classe d’être de service (Lc 1,8).


C’est par sa mère, Elisabeth, qu’il est en relation de parenté avec Jésus car Marie est parente d’Elisabeth (Lc 1, 36) et, semble-t-il tout naturellement, Marie, enceinte, part « en hâte » (Lc 1, 39) chez cette parente (Lc 1, 39-45), peut-être – mais Luc ne le dit pas - pour éviter les cancans à Nazareth ! Or, Elisabeth étant issue « des filles d’Aaron » (Lc 1, 5), cela veut nous dire que Marie est également descendante d’Aaron, de la filiation qui donne les prêtres  - ce qui est à mettre dans la corbeille messianique de Jésus !

 

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la Visitation de Fra Angelica

 

Le Protévangile de Jacques, apocryphe, probablement pas avant 150, nous dira plus tard que la mère de Marie s’appelait Anne et son père, Joachim (puis, le Pseudo-Matthieu, plus tardif, daté du VI° siècle, reprendra cette information en ce qui concerne Anne, mais sans citer son mari), en reproduisant la naissance miraculeuse puisque Anne est présentée comme stérile.


Mais pourquoi Marie, lorsqu’elle fut enceinte, partit-elle chez des parents éloignés plutôt que d’aller chez sa mère ? Dans l’évangile de Luc, elle apparaît bien seule face à son destin.


* On appelle "Évangiles de l'enfance", ou "récits de l'enfance", les textes qui racontent la naissance et l'enfance de Jésus de Nazareth. Il s'agit les deux premiers chapitres des évangiles canoniques de Luc et de Matthieu , et de textes non canoniques : l'Évangile de l'enfance selon Thomas (à ne pas confondre avec l’ « Evangile selon Thomas »), le Protévangile de Jacques (de son vrai nom de son vrai nom : « Nativité de Marie, Révélation de Jacques »), l'Évangile du Pseudo-Matthieu (de son vrai nom « Livre de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur »), l'Évangile arménien de l'Enfance, l'Évangile arabe de l'Enfance, l'Histoire de Joseph le charpentier. L’article « Evangiles de l’enfance » dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia donne une première bibliographie (lien).


* « Joachim est décrit comme un homme riche et pieux qui donne régulièrement aux pauvres et au temple. Cependant, sa femme étant stérile, le Grand Prêtre rejette Joachim et son sacrifice, l'infertilité de son épouse ayant été interprétée comme un signe de mécontentement divin. Joachim se retire par la suite au désert où il jeûne et fait pénitence pendant quarante jours. Des anges apparaissent à Joachim et Anne pour leur promettre un enfant. Joachim revient à Jérusalem, retrouve Anne qu'il « serre dans ses bras ». (Wikipedia « Joachim (protévangile) », lien). Joachim est Imran dans le Coran (voir la sourate III), lequel Imran est en premier le père de Moïse, d'Aaron et de Myriam.


* Certains éléments de récits du Protévangile de Jacques furent repris dans le Coran, dans la sourate III :
la consécration de Marie à Dieu en IV, 1 du Protoévangile ; la nourriture de Marie au Temple en VIII, 1, et le tirage au sort pour la prise en charge de Marie en IX, 1.


Mais Luc ne semble pas en déduire plus de cette filiation aaronique car, pour lui, Jésus est fils de Joseph (selon sa généalogie de Jésus, Lc 3, 23). Nous verrons que c’est le Matthieu grec qui, dans une généalogie nettement plus consistante (donc plus tardive) va insister sur la descendance par les femmes : le dernier chaînon sera « Joseph, l’époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, qui est dit Christ » (Mt. 1, 16).

à suivre ...

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