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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 10:12

par Jean-Claude Barbier (à la suite de l'article "au tombeau avec Pierre et le disciple que Jésus aimait" et ceux de la série "le tombeau vide"). L'article présent a été publié le mercredi 8 avril 09 dans les Actualités unitariennes et transféré ici.

Y aurait-il eu des relations de chat et chien entre ces deux grandes figures du Nouveau Testament ?

Le "disciple que Jésus aimait" n’est pas Jean l’Apôtre (qui, lui, est dit "fils de Zébédée" avec son frère Jacques), ni Jean l’Evangéliste, même si celui-ci se rapporte à son témoignage. Il a été décrit par Michel Benoît (rubrique "la question Jésus" sur son site) comme Judéen, citadin, habitant la capitale Jérusalem, propriétaire de l’habitation qui sera le Cénacle, l’un des premiers disciples. Il est précis et détaillé dans son témoignage, donne les lieux et les dates à l'heure près. A partir de ce profil et de cette marque de fabrique Michel Benoît a tenté de reconstituer son Evangile, qui s’est retrouvé enfoui dans le 4ème évangile, celui de Jean.

Pierre et ce disciple, tout les oppose : l’origine géographique (la Galilée / la Judée), le milieu de vie (rural / urbain), l’activité professionnelle (Pierre est simple pêcheur de Capharnaum /le disciple, quant à lui, fréquente les hautes sphères autour de Caïphe et du Sanhédrin), le niveau d’instruction (l’épître de Pierre est attribuée à Pierre / le disciple bien aimé marque de sa silhouette le talent littéraire du 4ème évangile), l’âge (le disciple est suffisamment jeune pour se permettre de poser la tête sur la poitrine de Jésus lors de la Cène, et on le voit courir plus vite que Pierre pour arriver au tombeau vide). Le disciple non nommé est également proche des esséniens, du moins vit-il dans leur quartier et son serviteur est de cette secte car les Esséniens sont célibataires et doivent assumer eux-même une corvée habituellement réservée aux femmes (remarque pertinente faite par Michel Benoît).

"Voici, comme vous entrerez dans la ville, viendra à votre rencontre un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le dans la maison où il pénétrera, et vous direz au propriétaire de la maison : "Le Maître te dit : Où est la salle, où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? Et celui-là vous montrera une salle-haute, grande, garnie de coussins ..." (Lc 10-12, même récit chez Matthieu, plus bref chez Mc 26, 18 où Jésus désigne précisément le lieu mais dont le nom du propriétaire est tenu secret " "Allez dans la ville chez un tel") -
curieux "un tel" pour désigner la demeure du disciple décidément bien mystérieux.

Pierre est avec d’autres pêcheurs du lac de Tibériade, ses potes avec qui il monte en barque pour aller pêcher. Le disciple, lui, met en avant les quelques disciples que Jésus avait en Judée : Nathanaël, Nicodème, Joseph d’Arimathie, tous membres ou proches du Sanhédrin, et puis Lazare et sa famille à Béthanie. Il récupère aussi, et lui seul, la rencontre de Jésus et de la Samaritaine aux nombreux maris (mais c’est Luc qui seul racontera le mauvais accueil d’un village de Samaritains, Lc 9, 51-56, puis la parabole du Bon Samaritain, Lc 10, 29-37).

Lors de la Cène, il est à la droite de Jésus. Normal, il est l’invitant, celui qui accueille le maître et ses disciples chez lui, dans la chambre haute de sa demeure. Lorsque Jésus dramatise la soirée en évoquant une trahison, il pose la tête sur la poitrine du maître dans un geste assurément juvénile – certains aujourd’hui ne manquerait pas de soupçonner une homosexualité *

* on peut penser que s’il y avait eu un tel soupçon de la part des disciples, ceux-ci n’auraient pas suivis leur Maître et la cohorte se serait vite désagrégée vue la haine des Juifs vis-à-vis de l'homosexualité (depuis Sodome et Gomorrhe !).

Or, c’est précisément cette position à côté de Jésus que la mère de Jean et Jacques "les fils de Zébédé", accompagnée de ses fils, est venue quémander un peu hâtivement auprès de Jésus, du moins si l’on en croit Marc (
10, 35-40) et Matthieu (20, 20-23).

Après cette histoire du tombeau vide et de résurrection, le disciple aimé disparaît de la circulation. En fait, c’est normal puisque seul l’évangile tardif de Jean en parle ! Son témoignage de Judéen sera récupéré par les chrétiens d’Ephèse, peut-être après que nombre de Juifs de Jérusalem aient pris le chemin de la diaspora suite à la destruction de leur Temple en 70 (c’est après la seconde Révolte juive, en 135, que les Juifs seront définitivement interdits d’habiter à Jérusalem). Bien placé dans l’entourage de Caïphe, la consigne aurait sans doute été donnée de la plus grande discrétion vis-à-vis des services également tout à fait discrets rendus par ce jeune Judéen.

Icône de l'apôtre Jean au monastère de l'Île de Patmos (sans crainte d'anachronisme, la tradition chrétienne a tout simplement mis l'Apocalypse et les 3 épîtres de Jean au compte de Jean l'Apôtre !).

Ce sont Pierre et Jean fils de Zébédé qui montent en première ligne : Pierre parle au nom de la communauté, puis, avec Jean, monte au sanctuaire pour la prière de la neuvième heure. Ils y guériront un boiteux au portique de Salomon (Actes 3) et commenceront leur prédication publique ...


Michel Benoît pense au contraire qu’il y eut conflit de pouvoir entre Pierre et ce disciple dont le nom aurait été délibérément effacé par la première communauté et les trois évangélistes synoptiques.

Lorsque Jean l’Evangéliste met la touche finale à son texte, il évoque une bien curieuse rumeur (sans doute courant dans les milieux johanniques d’Ephèse) comme quoi ce disciple ne mourrait pas avant le retour en Gloire du Maître. La scène est mise dans le cadre des apparitions post-pascales, au bord du lac de Tibériade lors d’une ultime partie de pêche :

"Pierre, s’étant retournée, aperçoit le disciple que Jésus aimait qui suivait, celui qui, durant le repas, s’était penché sur sa poitrine et avait dit "Seigneur, quel est celui qui te livre ? ".  Pierre donc, en le voyant, dit à Jésus : " Seigneur, mais celui-ci, qu’en sera-t-il ? ". Jésus lui dit : " Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi ". Ce propos se répandit donc parmi les frères que ce disciple ne mourrait pas. Mais Jésus ne lui dit pas qu’il ne mourrait pas, mais "Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce qu’il vienne, que t’importe ? " (Jn 21, 20-23). Jean l’Evangéliste est seul à rapporter cette rumeur.


Selon notre thèse "géographique", cette rivalité serait une simple opposition de figures. Les protagonistes sont morts, Pierre, sans doute en 64 lors de la répression contre les chrétiens accusés par Néron d’avoir mis le feu à Rome et le disciple aussi (s’il avait eu 20 ans à la mort de Jésus, il en aurait eu au moins quelques 60 ans de plus lors de la publication du 4ème évangile !).

Ephèse est un cité émergente qui prend de l’importance. Avec l’Ecole johannique, elle devient un pôle chrétien de tout premier plan. La prééminence de Rome (qui a pris le relais de Jérusalem détruite) est acceptée, mais les chrétiens d’Ephèse se positionnent. Plus tard, d’autres pôles émergeront également comme par exemple les Eglises d’Alexandrie (en Egypte) et d’Edesse (en Mésopotamie), affirmant un christianisme nettement décentralisé.

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