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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 09:21

La question est d’importance car, selon l’approche choisie, le lecteur-croyant va prétendre être détenteur d’un savoir d’origine divine, donc indiscutable et éternel, qu’il brandira comme Vérité absolue et qui le conduira tout droit au fanatisme religieux, du moins au sectarisme : ma religion est la seule voie qui mène à Dieu. Ou bien, une approche scientifique lui permettra de mieux comprendre les textes, de les relativiser en les resituant dans leur culture d’origine et d’avoir ainsi une vision plus large et ouverte à d’autres sources.


Les unitariens ne prétendent pas à une exégèse confessionnelle de leur part. Ils recommandent tout simplement de suivre les progrès scientifiques en général et ceux concernant la Bible ou autres Ecritures dites saintes en particulier.


Déjà le théologien anti-trinitaire Faust Socin (1539-1604) pensait que Dieu ne pouvait que se révéler d’une façon rationnelle aux hommes puisque, Créateur, il avait doté ses créatures de la raison ! Ce Dieu, pour lui, était un pédagogue qui avait révélé progressivement les choses au fur et à mesure des progrès de son peuple élu. Plus tard, les bahá’ís auront eux aussi la même perception d’un Dieu pédagogue se manifestant à des prophètes selon les âges ; Mírzá Musayn`Alí Núrí (1817-1892) surnommé Bahá'u'lláh (en persan, « gloire de Dieu »), à l'origine de leur foi, est présenté comme le dernier prophète a avoir reçu une manifestation de Dieu, mais non point le dernier des derniers comme la majorité des chrétiens le prétendent pour Jésus et les musulmans pour Muhammad. D'autres prophètes viendront dans les siècles à venir ...


Avant Martin Luther (1483-1546), c’est Erasme (1469-1536) qui souleva l’enthousiasme des humanistes et des étudiants de son époque en amorçant une étude critique de la Vulgate, la première traduction en latin de la Bible par saint Jérôme, par confrontation aux manuscrits grecs. Il y décèle des erreurs de traduction. Toutefois les Réformateurs protestants du XVIème siècle avalisérent la Bible d’une façon tout à fait fondamentaliste, comme lieu d’une révélation divine qui s’adresse à notre foi, en y ajoutant un flux de grâce divine qui seule en permet la compréhension intime. A cette époque, Michel Servet (1511-1553) est l’un des rares érudits à avoir lu la Thora des juifs en hébreux et le Coran qui avait été traduit en latin à Tolède (lien).


Finalement, côté français, ce fut un catholique, l’oratorien français Richard Simon (1638-1712) (lien) qui, le premier, libéra la Bible de ses interprétations allégoriques ou spirituelles pour en éclairer le sens littéral, avec ses deux volumes de l’Histoire critique du Vieux Testament (1678) * puis du Nouveau Testament (1689). Ses travaux irritèrent vivement les jansénistes de Port-Royal et furent condamnés par Bossuet (1627-1704), auteur en 1681 d’un Discours sur l’histoire universelle. Persuadé que les livres de la Torah n’avaient pas été écrits par Moïse lui-même, il s’aliéna aussi les protestants !

* en illustration, la version imprimée en 1685 chez Reinier Leers, imprimeur à Amsterdam.

 

richard simon exegese


Les premiers pas de l’unitarisme aux Etats-Unis sont liés au fameux sermon du pasteur congrégationaliste William Ellary Channing (1780-1842), « Le christianisme unitarien », datant de 1819, dans lequel il rappelle la nécessité d’une critique textuelle scientifique de la Bible (lien). Mais il faudra attendre les années 1830 pour que cette approche scientifique fasse de nouveau des progrès avec l’Ecole exégétique allemande (notamment à Tübingen) laquelle s’interroge alors, non seulement sur la forme, mais sur le contenu, par exemple sur l’historicité des récits mythiques et des miracles. A Boston, aux Etats-Unis, le pasteur unitarien américain Théodore Parker (1810-1860) (lien), répercuta alors cette nouvelle problématique.


Thomas Jefferson (1743-1826), responsable de l'ébauche de la Déclaration d'indépendance et co-auteur de la version définitive de celle-ci, homme politique qui fut le troisième président des États-Unis de 1801 à 1809 (et à qui les Américains doivent l’achat de la Louisiane à la France), était déiste et unitarien ; il ne croyait pas que Jésus soit Dieu. Il avait l'habitude de marquer au crayon tous les passages de sa bible où il était question de miracles (bible qui a été précieusement conservée). Des 4 évangiles, par simple découpage des textes, il fit un diatasseron qui se termine de cette façon : « Les disciples déposèrent le corps de Jésus dans la tombe, roulèrent la pierre sur l'ouverture, et s'en retournèrent tout tristes ! ». Ce document appelé La Bible de Jefferson, mais initialement The Life and Morals of Jesus of Nazareth / Vie et enseignements moraux de Jésus de Nazareth, est utilisé par les édiles politiques américaines lors de leur prestation de serment au début de leur mandat. Il fut achevé en 1820, mais ne fut publié que bien plus tard, en 1895, par le National Museum de Washington à l’initiative d’un de ses descendants. Elle a été traduite en français par Luc Schneider en 2009 et publiée sur le site de La Besace des unitariens, à la rubrique "la bible de Jefferson" (lien).


Retour en France, avec Ernest Renan, auteur d’une Vie de Jésus en 1863, qui, par une approche non confessante, ouvre la quête du Jésus historique. Puis, avec un temps de retard sur les protestants libéraux, les catholiques Alfred Loisy à partir de 1890 (lien) - il enseigna à l'Institut catholique de Paris ; ses travaux furent condamnés par son Eglise mais il put continuer son enseignement à l'Ecole pratique des Hautes études (EPHE) - , et le dominicain Marie-Joseph Lagrange (fondateur de l’Ecole biblique de Jérusalem en 1890) prônent une exégèse qui s’appuie résolument sur les connaissances scientifiques.  

 

Pie X condamne en 1907 le modernisme. Il faudra attendre l’encyclique Divino afflante Spiritu de Pie XII, en 1943, pour prendre acte des apports de la méthode historico-critique ; celle-ci sera encadrée par l’  « Instruction sur la vérité historique des Evangiles » de la Commission biblique pontificale en 1964, et encouragée par la constitution conciliaire Dei Verbum de 1965. Durant toute cette période, les catholiques français bénéficient des commentaires des Evangiles et des Actes des apôtres du dominicain français Marie-Emile Boismard (1916-2004).

 

ndlr - cette introduction est bien entendu très insuffisante et la liste des auteurs cités loin d'être exhaustive ! Ceux dont le nom a été mentionné nous servent de points de repère pour une approche historique plus complète.


Lire pieusement les textes sans s’interroger sur leur genèse, penser qu’ils sont révélés ou du moins inspirés, ou se contenter de dire qu’ils ont une valeur tout simplement spirituelle, paraît bien superficiel et anachronique de nos jours au regard des progrès de l’exégèse moderne. La culture biblique ne consiste pas à prendre tout ce que dit la Bible pour argent comptant, mais d’en comprendre les textes. L’esprit critique est plus que jamais nécessaire !

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