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30 août 2009 7 30 /08 /août /2009 12:58

par Jean-Claude Barbier


Nous savons combien les trinitaires ont tiré (abusivement) du Prologue de Jean l’affirmation du dogme de la Trinité, à savoir un Jésus non seulement "Fils de Dieu" (ce qui est somme tout un titre messianique, ou même plus général) mais un Jésus qui serait l’incarnation de Dieu lui-même, en quelque sorte avec une filiation réelle, ontologique, et non plus symbolique.

Ce texte, qui a été manifestement rajouté à l’évangile de Jean (il n’est pas de même facture et il est la seule partie de cet évangile à utiliser cette notion de "logos"), est donc encore plus tardif, au basculement des 1er et du 2ème siècle. Ecrit en grec, utilisant un mot abstrait, il fait tout de suite penser à la philosophie néo-platonicienne qui commençait alors à faire florès et qui est reprise par les Pères de l’Eglise.


En fait, il s’inscrit AUSSI en toute logique avec ce que nous savons désormais du Fils de l’homme selon le Livre d’Hénoch et que Jésus reprit à son compte en l’actualisant jusqu’à sa passion (voir les articles de Louis Cornu dans la même rubrique "le Fils de l’homme"), à savoir un être céleste de la mystique eschatologique juive.


C’était bien ce qu’André Chouraqui disait déjà en 1982 dans sa traduction de la Bible et, en ce qui le concerne, sans faire expressément référence à cette histoire de Fils de l’homme.
Il constate d’abord, avec l’exégèse moderne, que les versets 3 à 5 sont probablement la reprise d’un hymne pré-chrétienne qui aurait vu le jour dans les milieux judéo-hellénistiques et qui paraphrase le récit de la Genèse en Gn 1, 2–4a en résumant l’œuvre créatrice du Verbe. Il traduit ces versets de la façon suivante :

" 3 - Tout devient par lui [le logos] ; hors de lui, rien de ce qui advient ne devient. 4 – En lui est la vie ; la vie est la lumière des hommes. 5 – La lumière brille dans la ténèbre, mais la ténèbre de l’a pas saisie ".


Cette Parole active de Dieu, d’un agir qui découle immédiatement du dire, qui transforme magiquement les réalités qui sont désignées, appelées (ainsi Adam assoit-il son autorité en nommant les animaux !), correspond tout à fait au mot hébreux dabar de l’Ancien testament.

A. Chouraqui rappelle que Philon d’Alexandrie (mort en 54 après Jésus-Christ) faisait déjà du logos un être divin qui fut instrument de la création ; de même que la littérature gnostique que l’on a retrouvée à Nag Hammadi.

Pour A. Chouraqui, pas de doute : "… Il y a fort à croire que l’auteur de l’évangile ne se réfère pas au logos des systèmes de pensée hellénistiques et à ses connotations rationnelles et spéculatives. C’est plutôt dans la tradition vétéro-testamentaire qu’il faut chercher la source de l’emploi de ce terme " (note, p. 387, éd. Lydis, Paris, 1er tome, 1982).

Ce logos ne se réfère pas non plus, ajoute t-il, au courant gnostique en pleine émergence à la fin du Ier siècle puisqu’il n'hésite pas à parler de la chair ("14 - Le logos est devenu chair. Il a planté sa tente parmi nous … "), terme qui est répulsif pour les gnostiques puisque, pour eux, il nous faut précisément nous dégager de la pesanteur de notre gangue corporelle, de la glèbe charnelle.


Alors ce Prologue ? Un point d’orgue de la tradition juive (bien qu’apocryphe !) avant l’entrée définitive du christianisme dans la culture hellène ?

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