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18 août 2009 2 18 /08 /août /2009 09:57

par Louis Cornu, suite à son introduction "Le Fils de l'homme"

L’auteur des Paraboles d’Hénoch, aux alentours de l’an -50 (peut-être après -30, sinon un peu plus tard) destinait sa révélation aux " Derniers " (XXXVII, 2-3), c’est-à-dire aux générations qui allaient vivre la fin du Monde désormais proche. Tout son discours – ses trois poèmes – est animé d’une fièvre eschatologique, mais il ne donne aucune indication sur la date précise de l’échéance impatiemment attendue.

 

A la même époque, les écrits esséniens des grottes de la Mer morte sont plus précis. L’Ecrit de Damas situe cette échéance une quarantaine d’années après la mort du Maître de Justice qui, persécuté vers – 30, pourrait être décédé en exil encore plus tard (E.Dam 5 11, 14-15). Le Pesher du psaume 37 parle lui aussi d’un délai de 40 ans (d’impiété) qui pourrait avoir déjà fait l’objet d’un report (4QpPs 37 II,7-8). Enfin, le Testament de Moïse, pseudépigraphe essénien rédigé vers l’an 10 de notre ère est plus explicite, affirmant qu’en raison de cette échéance eschatologique – qui mettre fin à tous les royaumes terrestres – " les fils d’Hérode ne règneront pas aussi longtemps que leur père ". Celui-ci étant demeuré sur le trône 33 ans, de – 37 à – 4, ses fils, Antipas et Philippe devraient perdre le leur vers 29.

 

Cette conviction peut être étayée par l’analyse de la prophétie des " soixante-dix septénaires " de Daniel 9, 24-27 qui annonçait le triomphe du Fils de l’homme et la fin des Temps, 490 ans après " le surgissement d’une parole en vue de la reconstruction de Jérusalem ".

Si l’on tient toujours à faire confiance à Daniel, il faut interpréter ce " surgissement ". S’il s’agissait de l’édit de Cyrius en - 538, le Fils de l’homme triompherait en – 48. S’il s’agissait de l’édit de Darius en – 520, le Fils de l’homme triompherait en – 30. S’il s’agissait de l’ordre de mission d’Artaxerxès à Esdras en – 458 (Esd 7, 12-26), le triomphe du Fils de l’homme surviendrait en l’an 32 de notre ère.

 

Une fois l’année 30 passée, seule demeurerait cette dernière solution qui situait le dernier septénaire de 26 à 32 ; avec, selon Daniel 9, 26-27, la destruction du Temple vers 29/30, et, ensuite, trois années de guerres, dévastations et idolâtrie imposée ("l’abomination"), conduisant pour finir à la défaite du "dévastateur" et au triomphe du Fils de l’homme. Il est certain que le Testament de Moïse, et apparemment d’autres écrits esséniens, se situait dans cette perspective ; il est non moins évident que le discours des baptistes nazôréens Jean et Jésus, au début de l’année 28, s’y accordera aussi.

 

Leurs discours relevaient essentiellement d’une mystique nazôréenne que partageaient également les esséniens. Selon cette conviction, l’heure était venue, avec le milieu du dernier septénaire en 29, du déclanchement des " guerres et dévastations " qui allaient causer la ruine du Temple pour commencer, mais qui conduirait à la défaite – mieux, à la désintégration – du " dévastateur ", Rome, et au triomphe définitif de Dieu, dont l’universelle royauté sera inaugurée par le Fils de l’homme.

 

Cette conviction mystique nazôréenne était probablement très minoritaire. Elle était rejetée par les partis au pouvoir, les Sadducéens et les Pharisiens, ces dernier étant les maîtres à penser du judaïsme de l’époque, religion pratiquée par 4 ou 5 millions de Juifs aux 9/10ème dispersés hors de Palestine, dans l’empire romain et le royaume parthe (Babylone). Sadducéens et pharisiens tiennent à préserver, dans l’espace romain, la paix " concordataire " dont le judaïsme, " religio licita " depuis César, en – 47, bénéficie sous protection impériale. Ils repoussent absolument toute perspective eschatologique, incluant un affrontement avec Rome. Ils proclament d’ailleurs que la " fin du Monde " n’est pas une question d’actualité … puisqu’Elie, qui doit auparavant rétablir tout en ordre (Mal 3, 23), n’est pas encore revenu sur terre.

 

Une partie de la population juive de Palestine ne professent pas ce pacifisme collaborationniste : ce sont les nationalistes. Ceux-ci sont adeptes de l’idéologie religieuse judaïque qui avait naguère, au IIème s. av. J-C, animé les hassidéens, dont les Maccabées avaient constitué le fer de lance. Ces nationalistes étaient parvenus à chasser les rois séleucides, puis ils avaient soutenu la monarchie des rois – Grands-prêtres hasmonéens, indépendante jusqu’à l’invasion romaine en - 63.

 

Depuis lors, l’idéal nationaliste, théocratique, hassido-maccabéen n’était pas disparu. Il avait – dans la clandestinité au besoin – ses leaders ; une sorte de dynastie : Ezéchias tué par Hérode en – 47/46 ; son fils Judas le Galiléen, fondateur du parti zélote, animateur de la révolte entre – 4 et 6, exécuté à cette date par le Romain Quirinius ; les fils de Judas, Jacques et Simon, crucifiés par le gouverneur romain Tibère Alexandre en 46/47 (ils étaient vivants et actifs au temps de Jésus) et Menahem, qui prendra, en 66, la tête de la révolte juive, comme chef des zélotes.

 
En 2027, les "derniers instants de l'humanité", heureusement qu'il y a les Fils de homme (au pluriel dans ce cas) pour sauver la situation !

Ce parti zélote, à l’approche de l’année 29, avec son objectif de rétablir sur Israël une royauté de Dieu, directe, une théocratie effective, n’a aucune raison de repousser la perspective de guerres et dévastations dessinée par Daniel pour le dernier septénaire – quelque dommage qu’il en résultât pour le Temple – en vue du triomphe du Fils de l’homme, perçu comme figure alléghorique du " Peuple élu ", " le Peuple des saints du Très-Haut ".

 

Une lecture nationaliste, zélote, du chapitre 7 de Daniel, sans l’amplification eschatologique des Paraboles d’Hénoch, est parfaitement correcte.

 

Entre les zélotes qui considèrent l’affrontement armé avec Rome, nécessaire et indispensable, et d’autre part les nazôréens qui le croient inévitable (volonté de Dieu) et, de ce fait, l’attendent fiévreusement, il y a fatalement une sorte de connivence pratique, même si les motivations et les espérances sont différentes.

 

C’est ainsi précisément que se pose en Palestine la question du Fils de l’homme en l’année 28

 

Avant d’examiner les emplois " Fils de l’homme " dans les évangiles, il importe de procéder à une mise au point pour éviter tout anachronisme. Au temps de Jésus :

- Se proclamer " Fils de Dieu " ne porte guère à conséquence car tout Israélite, membre du Peuple élu que Dieu aime comme son enfant – c’est un leitmotiv constant dans l’Ancien testament – est symboliquement Fils de Dieu par adoption (élection).

- Se proclamer " Fils de Dieu " et " roi d’Israël " est subversif car c’est, contre le pouvoir de Rome, prétendre à la royauté légitime sur Israël comme descendant de David. En effet, le jour de son sacre, par l’onction, tout roi d’Israël (puis de Juda) de lignée davidique devenait " Fils de Dieu " (" aujourd’hui je t’ai engendré " dit Dieu) adoptif ... sans changer de nature. Il demeurait un homme, mais l’onction royale lui conférait le titre de oint (messie) de YHWH.

- Se proclamer simplement " messie " est donc également subversif, dans le sens de prétendant à la royauté. Depuis la reconstruction du Temple par Josué, le Grand-Prêtre reçoit aussi une onction ; il est donc messie – " Fils de l’huile " (Zac 3, 14) – dans son rôle de chef du " Peuple de Dieu ", désormais sans roi. Au temps de Jésus, l’onction du Grand-Prêtre n’est vraisemblablement plus pratiquée.

- Le Peuple de Dieu est, par métaphore, souvent assimilé, dans l’Ancien testament, à un troupeau confié à des bergers, les rois et/ou les grands-prêtres, tantôt bons, tantôt mauvais (Zac 11, 4-17 et 13, 7-9) qui sont donc des oints (messies) mais qui peuvent être contestés et rejetés s’ils sont mauvais ; la lignée des grands prêtres légitime a été remplacée en – 152 par la lignée des grands-prêtres hasmonéens, qui s’est éteinte en – 35.

- Se proclamer " Fils de l’homme ", ce serait, par référence à Daniel et surtout à Hénoch, revendiquer une nature surhumaine, pratiquement " divine ". L’Elu / Fils de l’homme est un être céleste, dans le sein de Dieu, avant la création du Monde (Hen XLVI, 2 ; XLVIII, 1-6 ; LXII, 7) : il est réellement Fils de Dieu.

 

Après Jésus, dans la théologie chrétienne, les expressions Fils de Dieu, Messie, Roi d’Israël et Fils de l’homme ont reçu progressivement, au cours des premiers siècles, des significations qu’elles n’avaient pas à l’origine : signification amplifiée, maximaliste, pour les trois premières, signification restreinte, minimaliste, pour la quatrième, Fils de l’homme.

 

Alors qu’au temps de Jésus, l’expression Fils de l’homme était une proclamation de divinité, elle en est venue à son contraire, une proclamation d’humanité … qu’elle n’a pas encore dans les textes des évangiles. C’est un retournement d’une remarquable richesse mystique, mais sans fondement historique.

suite avec l'article " au fil des jours des évangiles "

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18 août 2009 2 18 /08 /août /2009 09:10

par Jean-Claude Barbier

Une première tradition (yahviste), en Gn 4, fait d’Hénoch le fils de Caïn.
Adâm et Hava (Eve) * donnent naissance à Caïn et à son frère Ebèl. Ce dernier est tué par Caïn et n’a pas eu le temps d'avoir une progéniture. Caïn, après sa malédiction par Dieu pour le crime qu’il a commis, donne naissance à Hanokh (Hénoch). Il est dit alors que Caïn " bâtit une ville et crie le nom de la ville, comme le nom de son fils : Hanokh " (Gn 4, 17). Bâtir une ville signifie la fortifier, par opposition à un établissement humain ouvert.
* les noms sont pris dans la traduction de la Bible par André Chouraqui

Alors que cette tradition yahviste fait de Caïn et Abel les fils directs d’Adam et Eve, puis Sèth un troisième fils pour remplacer Abel tué par son frère, la tradition sacerdotale démarre avec ce dernier seul, nommé ici Shèt. Elle attribue conscien-cieusement les années de vie avant la naissance du premier garçon (nous sommes dans une société patrilinéaire) et après, puis la totalisation de la durée de vie (Gn 5, 1-32)

Adâm vécut 130 ans avant de " faire enfanter " Seth puis 800 ans après, au total 930 ans

Shèt 105 + 807 = 912 ans

Enosh, 90 ans + 815 = 905 ans

Qéinân, 70 + 840 = 910 ans

Mahalalél, 65 + 830 = 895 ans

Ièrèd (Yared), 162 + 800 = 962 ans *

Hanokh (Hénoch), 65 + 300 = 365 ans

Metoushèlah (Mathusalem, qui vécut le plus vieux), 187 + 182 = 969 ans

Lèmèkh, 182 + 595 = 777 ans

Noah (Noé), 600 ans avant le Déluge et 350 après = 950 ans


illustration orthodoxe moderne repésentant Noé, Elie et Enoch. Un ange leur montre le ciel où Dieu les attend.

Le cercle à droite, de même couleur que Dieu, serait-il le Christ en attente d'incarnation ?

Dans la tradition yahviste, on avait la lignée suivante (où Yared est fils d’Hénoch et non le père) : Adâm, Caïn, Hanokh, Irad (= Yared), Mehouyaél, Metoushaél (= Mathusalem), Lèmèkh (lequel donne naissance aux pères des artisans (Iabal, " le père de qui habite la tente et le cheptel ", Ioubal, " le père de tout saisisseur de lyre et de viole ", et Toubal-Caïn, " marteleur de tout, artisan du bronze et du fer ".


Dans le texte sacerdotal, les premiers patriarches meurent aux environs de 900 ans (Mathusalem détient le record avec 969 ans, peut-être pour être le descendant de l'homme pieux que fut son père, Hénoch) et sont alignés sur la longévité des rois sumériens de la 1ère dynastie après le déluge de l’épopée babylonienne de Gilgamesh. Dans cette liste, cependant, Hénoch a une bien moindre longévité ; il se rapproche en quelque sorte de notre condition humaine d’autant plus que son âge est celui, certes en années, du cycle annuel solaire (365 jours).

Et c’est lui, plus près de nous par son âge, qui est le chouchou de la classe, celui qui est censé ne pas être mort car " il a été pris par Dieu. Hanokh va avec Elohîm puis il n’est plus : oui, Elohîm l’a pris " (Gn 5, 24). Dans l’épopée de Gilgamesh, Outnapishtim est lui aussi " pris " par Gilgamesh (le roi qui a fini par être divinisé). Est-ce à dire que Dieu s’est déjà réconcilié avec les humains (ou du moins un humain !) après avoir mis Adam et Eve à la porte de chez lui ?


Le nom d’Hénoch signifiant " initié ", on peut voir dans la tradition yahviste le pouvoir de l’homme (Hénoch en la circonstance) à nommer les lieux, les villes, et, dans la tradition sacerdotale, celle d’initier au temps : les 365 années correspondant aux jours d’une année ; en plus Hénoch vient en 7ème position dans une liste de 10 qui va d’Adâm à Noah, ce qui ne manque pas d’être une référence aux 7 jours de la semaine (la symbolique de ce chiffre 7 exprime un cycle de temps complet … ou infini : les 7 jours de la Création, pardonner 77 fois, etc.).


Longévité de vie plus humaine et destin exceptionnel préfigurant cette intimité entre Dieu et ses prophètes qui sera comme un fils d’Ariane de la Bible. La tradition ne s’y est d’ailleurs pas trompée, faisant d’Hanock (notre Hénoch) un Elu, vivant au sein de Dieu … et donc connaissant ses secrets.


Après lui, il y aura aussi Elyahou (Elie), l’inspiré qui sera ainsi " pris par Dieu ", montant aux cieux dans un char de feu (2R 2,3). Les Juifs du temps de Jésus attendaient son retour : es-tu le prophète Elie lui demandèrent-t-ils. Et puis, il y aura Moïse qui mourût en terre de Moab " sur la bouche de IHVH " (Dt 34, 5), bien mort quant à lui mais d’une belle mort !

Raffaello Sanzio (1493-1530), peinture italienne de la Renaissance, Ascension d'Hénoch.


Bien avant celle, toute catholique, de la Vierge Marie, les ascensions et les assomptions font donc partie du paysage religieux biblique, ainsi qu’en témoignent les psaumes 49 (en son verset 16 : " Mais Elohîm rachète mon être de la maison du Shéol : oui, il me prend ? Sèlah ") et 73 (en son verset 24 " En ton conseil, tu me mènes : ensuite, en gloire, tu me prendras "). Les portes des cieux s’ouvriraient-elles, certes exceptionnellement ? Ce qui est aussi, bien sûr, la porte ouverte aux légendes, aux espoirs d’éternité et aux divinisations ...


La tradition musulmane (au-delà du Coran) n’a pas manqué de se saisir de ce personnage d’Hénoch pour en faire un homme vertueux, doté de toutes les qualités, dont l’esprit de justice, avant l’arrivée d’Abraham. Il mène la guerre sainte (eh oui, déjà !) contre le méchant Caïn, voyage aux portes de l’enfer et du paradis en compagnie risquée de l’ange de la mort (lequel ne parvient pas à le faire mourir car notre héros n’a point de faille morale !) … et demeure bien vivant au paradis. Mais ne brûlons pas les étapes car le Coran, c’est bien après Jésus ! Chaque chose en son temps.


Le décompte des âges des patriarches reprendra en Gn 10, 1-26, toujours dans la même veine sacerdotale. Après Seth, fils de Noé par qui va passer l’Histoire sainte, les géniteurs sont plus raisonnables (entre 29 et 35 ans) et les durées de vie diminuent de génération en génération, passant de 250 (pour Shèm) à 70 ans (pour Térah, le père d’Abraham). Enfin, l’histoire avec de simples humains tels que nous sommes va pouvoir commencer … à moins que cette histoire d’Hénoch ne ressurgisse, avec - en amplification des cohortes d'anges et de géants !

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17 août 2009 1 17 /08 /août /2009 17:50

A - Le "Fils de l'homme" dans Daniel

Fils d’homme est une expression abondamment utilisée au début du VI° siècle av. J-C par le prophète Ezéchiel, dans un sens courant : " être humain ", soulignant l’humanité. Au IIème siècle av. J-C, Daniel décrit une vision de la nuit où il a vu Dieu sous l’apparence d’un " vieillard " sur son trône céleste, servi par des milliers d’anges. Dans sa vision apparaît aussi un être " comme un fils d’homme " qui est la figure allégorique d’Israël, " peuple des saints du Très-Haut ". Voir Daniel, chapitre 7, 1-28.

 

Ainsi cesseront les transgressions, le péché, l’iniquité ; puis sera instaurée une justice éternelle : la royauté (le Royaume) annoncée sera celle de Dieu, sur et par son peuple, le " peuple des saints ", le peuple élu. Auparavant, ce peuple sera livré entre les mains du " Blasphémateur " oppresseur et dévastateur, " pendant un temps, des temps et la moitié d’un temps " (Dan 7, 25).

 

Le sens précis de cette formule énigmatique sera fourni au chapitre 9, 1-2 et 20-27.

 

Les " soixante-dix ans " prophétisés par Jérémie (Je 25, 11-12) sont à comprendre comme soixante-dix semaines d’années, telle est la prophétie des " soixante-dix septénaires " à l’issue desquels selon Daniel la royauté définitive de Dieu sera inaugurée avec " onction d’un saint des saints " : ce sera donc 490 ans après " le surgissement d’une parole pour la reconstruction de Jérusalem ". Cette échéance pourra être déterminée avec précision, à condition de repérer la date de cette fameuse parole.

 

Daniel, en outre, décrit le dernier septénaire de guerre et dévastations avec destruction du Temple. En raison de cette destruction, à la mi-temps du septénaire, pendant trois ans et demi (" un temps, deux temps et un demi temps ", Dan 7, 25) l’idolâtrie ("l’abomination") sera substituée au culte du Dieu unique (" le sacrifice et l’offrande ").

 

Pour finir, le " dévastateur " sera éliminé et la royauté de Dieu définitivement rétablie, au bénéfice du " peuple des saints ". Comme le Fils de l’homme est la figure allégorique de ce peuple, cette fin sera le triomphe du Fils de l’homme ; le jour de cette fin sera le jour du Fils de l’homme.

 

Pour terminer, au chapitre 12, Daniel donne des précisions sur le déroulement de cette fin, véritable fin du monde, avec résurrection des morts et jugement général ; mais il ne précise pas qui exercera le jugement. On peut présumer que ce sera Dieu lui-même, puisque le Fils de l’homme n’est que la figure allégorique du Peuple des saints du Très-Haut. Voir Daniel chapitre 12, 1-13.

 

On date en général la rédaction finale des six derniers chapitres de Daniel (6 à 12) vers – 167. Au siècle suivant, dans le dernier tiers peut-être, c’est-à-dire au temps d’Hérode, un auteur va reprendre le Fils de l’homme et amplifier considérablement ce personnage. Ce ne sera plus seulement une figure allégorique, mais un être céleste (comme les anges) tenant son existence de Dieu seul avant la création du monde. Il est incarnable et il viendra sur terre " exercer le jugement " aux derniers jours, avant d’assumer définitivement le pouvoir dans le Royaume de Dieu instauré sur une Terre transformée.

 

Il n’est pas prévu, par cet auteur, que le Fils de l’homme ait à souffrir et encore moins à mourir et à ressusciter.


B - le "Fils de homme" des Paraboles d'Hénoch
 

L’auteur pseudépigraphique de cet écrit se donne pour Hénoch, le patriarche antédiluvien qui, selon Genèse 5, 24, serait monté au ciel, sans mourir, " enlevé par Dieu ". Toujours vivant, il avait connaissance des secrets de Dieu. Il s’était exprimé déjà, au siècle précédent (à l’époque de Daniel) dans une première révélation, une première apocalypse, que le pseudo-Hénoch du temps d’Hérode entend compléter par une nouvelle apocalypse destinée aux toutes dernières générations, celles qui vont vivre la fin des temps et l’avènement du Fils de l’homme eschatologique.

 

Le livre d’Hénoch (l’Hénoch éthiopien) a recueilli la double révélation hénochienne, la dernière, dans sa seconde section, sous le titre plutôt inadéquat de "Paraboles d’Hénoch", constituée de trois poèmes (Livre d'Hénoch, chap. XXXVII à LXXI, Ecrits intertestamentaires, Gallimard, "Pléiade", 1987).

 

L’Elu / Fils de l’homme s’était donc incarné, en Hénoch, né d’une femme comme chacun, mais, pendant sa vie terrestre, ignorant son identité céleste fondamentale. Selon l’auteur des Paraboles d’Hénoch, il va se manifester à nouveau, bientôt pour la " fin des temps " et ensuite résider sur terre, une " Terre nouvelle ". Pour cela, il pourrait s’incarner dans un autre être humain, comme il s’est autrefois incarné en Hénoch. Beaucoup plus vraisemblablement, l’auteur pense que lorsqu’il se manifestera aux derniers jours, ce sera sous une identité profonde, céleste et éternelle.


C - le "Fils de l'homme" du Nouveau Testament
 

La deuxième révélation d’Hénoch (les Paraboles), on l’a vu, est pour l’essentiel en harmonie avec la figure du Fils de l’homme de Daniel, dont aucun élément n’est gommé même si son caractère allégorique est négligé. Elle en présente une amplification qui va se retrouver entièrement dans le Fils de l’homme des évangiles.

 

" Fils de l’homme " est une expression utilisée essentiellement par Jésus : 44 fois dans l’évangile de Matthieu, 43 fois dans celui de Luc, 12 fois dans celui de Jean et 10 fois dans celui de Marc, soit 109 fois pour 31 occurrences. Sans Matthieu, cela donne 65 utilisations pour 27 occurrences.

 

Les évangiles – l’histoire de Jésus – vont y ajouter deux caractères très importants que n’avaient imaginés ni l’auteur de Daniel ni celui des Paraboles d’Hénoch, deux caractères typiquement chrétiens :

1 – le Fils de l’homme / Fils de Dieu s’incarne dans un nouvel être humain, Jésus

2 – le Fils de l’homme devra souffrir et mourir avant d’entrer dans sa gloire.

Jésus, fils de l'homme - Ses paroles et ses actes racontés et rapportés par ceux qui l'ont connu, par Khalil Gibran ; traduit par Thierry Gillyboeuf, publié par les éditions Mille et une Nuits en mai 2008 dans " La petite collection ", 191 p.


En 1928, l'écrivain libanais maronite Khalil Gibran fait paraître Jésus, Fils de l'Homme, portrait du Messie sous la forme d'une mosaïque. Il y assemble les témoignages de plus de soixante-dix personnages bibliques réels ou inventés. Il ne s'attache guère aux miracles qui sont prêtés au fils de Dieu, mais bien plus aux actes de ce " Fils de l'Homme ", être humain né d'un homme et d'une femme. Son livre est la somme de tous les " héros " gibraniens, du Prophète à l'Errant, du Fou au Précurseur. C'est là l'Évangile selon Gibran.


C’est essentiellement à cause de cela que, pour la chronologie des " Fils de l’homme ", il faut admettre l’ordre suivant :

1 – le Fils de l’homme selon Daniel,

2 – le Fils de l’homme des Paraboles d’Hénoch

3 – le Fils de l’homme selon le Nouveau Testament


→ lire la suite du texte de Louis Cornu avec les articles de la même rubrique : 
- fièvre eschatologique en Palestine sous occupation romaine
- au fil des jours des évangiles
- Jésus, mystique jusqu'au bout
- Judas fut-il envoyé en mission ?  
 

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